EXERCICE 181
Étude
d’anti-inflammatoires
De nombreux
médicaments visant à lutter contre les inflammations sont disponibles
commercialement. En fonction de la formule chimique et du mécanisme d’action
biologique de leur principe actif, on distingue deux catégories
d’anti-inflammatoires : les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (notés
AINS) et les anti-inflammatoires stéroïdiens (notés AIS).
Les
anti-inflammatoires non-stéroïdiens présentent une grande diversité de
structure chimique mais ont un mode d’action biologique commun : ils
inhibent la synthèse de prostaglandines, molécules intervenant dans le
processus inflammatoire mais également dans l’agrégation plaquettaire, la
protection de l’estomac et la fièvre.
Les
anti-inflammatoires stéroïdiens présentent une plus grande homogénéité de structure :
ce sont tous des stéroïdes, lipides possédant un noyau stérane composé de
quatre cycles accolés selon le squelette
représenté sur la figure 1.
Le mécanisme d'action
biologique des AIS est complexe et leurs effets perceptibles au niveau de presque
tous les organes. Les AIS agissent directement sur l’ADN présent dans le noyau
des cellules, ce qui réduit la production des facteurs inflammatoires et
immunitaires.
Figure 1 : Squelette d’un noyau stérane
Dans
ce sujet, quatre molécules possédant des propriétés anti-inflammatoires seront
étudiées. Leurs formules topologiques sont représentées sur les figures 2 à 5.
Figure 2 : aspirine |
Figure 3 : ibuprofène |
Figure 4 : diclofénac |
Figure 5 : 7b-hydroxy-épiandrostérone
notée 7b-OH-EpiA |
Les
cinq parties de ce sujet sont indépendantes.
Le
candidat trouvera en annexe 1, une table des nombres d’onde des vibrations
d’élongation et de déformation en spectroscopie infrarouge ainsi que les domaines
de déplacement chimique de divers carbones en RMN du carbone 13 en annexe 2.
Les
abréviations suivantes seront utilisées dans toute la partie chimie
organique :
3,5-DMP |
3,5-diméthylpyrazole |
Pd/C |
palladium
sur charbon |
AcOEt |
acétate
d’éthyle |
TA |
température
ambiante |
APTS |
acide
paratoluènesulfonique (acide 4-méthylsulfonique) |
1.
Parmi les quatre molécules représentées sur les figures 2 à 5, identifier celle(s) qui appartien(nen)t à la
catégorie des anti-inflammatoires stéroïdiens et celle(s) qui appartien(nen)t à
la catégorie des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Justifier.
2.
Préciser quel groupe caractéristique est commun à toutes les molécules
représentées appartenant à la catégorie des anti-inflammatoires non
stéroïdiens.
L’acide
acétylsalicylique est un des principes actifs les plus utilisés avec une
consommation mondiale annuelle estimée à 40 000 tonnes, soit
l'équivalent de 120 milliards de comprimés de 300 mg.
Il
est prescrit pour ses propriétés antalgiques (qui diminuent la douleur),
antipyrétiques (qui diminuent la fièvre), anti-inflammatoires et d’antiagrégant
plaquettaire.
La
synthèse industrielle de l’acide acétylsalicylique s’effectue à partir de
phénol et d’anhydride acétique (ou anhydride éthanoïque). Dans un premier
temps, on prépare l'acide salicylique (ou acide 2-hydroxybenzoïque) à partir du
phénol par la réaction de Kolbe. L’acide salicylique réagit ensuite avec
l’anhydride éthanoïque pour former l’acide acétylsalicylique.
Le
procédé industriel fait intervenir les étapes suivantes :
-
Étape 1 : Du phénol pur est
introduit dans un réacteur avec une quantité stoechiométrique d’hydroxyde de
sodium (solution à 50 %). En fin de transformation, l’eau présente dans le
réacteur est éliminée par évaporation sous vide. Un solide est alors obtenu.
-
Étape 2 : Le solide obtenu est
introduit dans un autoclave broyeur avec du dioxyde de carbone sous pression
pour former du salicylate de sodium.
-
Étape 3 : De l’acide sulfurique
est ajouté au salicylate de sodium.
-
Étape 4 : À une température
voisine de 98 °C, de l’anhydride éthanoïque est ajouté au produit issu de
l’étape 3. L’acide acétylsalicylique est isolé par filtration après
refroidissement à 0 °C.
3. Donner
les formules topologiques du phénol et de l’anhydride éthanoïque.
4.
Écrire l’équation de la réaction associée à la première étape du procédé
industriel. Nommer le solide obtenu.
5.
Donner la formule topologique et le nom de l’espèce chimique obtenue à l’issue
de l’étape 3.
6. Écrire l’équation de la réaction
modélisant l’étape 4.
L’ibuprofène
a été développé dans les années soixante par les Laboratoires Boots. Ce
médicament est prescrit à faible dose pour son effet antalgique et
antipyrétique car son effet anti-inflammatoire n’apparaît qu’à des doses plus
élevées (au-delà de 1 200 mg/jour chez l’adulte).
L’énantiomère
de configuration absolue S de la
molécule possède une activité biologique beaucoup plus élevée que l’énantiomère
de configuration absolue R.
Toutefois, dans l’organisme, l’énantiomère de configuration absolue R est rapidement transformé en
énantiomère de configuration absolue S
par une enzyme épimérase : l’α-méthylacyl-CoA racémase. L’inversion
de configuration n’a pas lieu pour l’énantiomère de configuration absolue S dans l’organisme.
7.
Représenter l’énantiomère de configuration absolue S de l’ibuprofène en justifiant la réponse.
8.
L’ibuprofène est commercialisé sous forme de racémique. Qu’est-ce qu’un
racémique (ou mélange racémique) ?
9.
Indiquer quelle proportion des molécules d’ibuprofène contenues dans un
comprimé aura une activité biologique. Justifier.
Le
diclofénac est une molécule possédant des propriétés antalgiques,
antipyrétiques, anti-inflammatoires et d’inhibition de courte durée des
fonctions plaquettaires.
Il
est notamment prescrit en cas de douleurs liées à des inflammations
articulaires, à de l'arthrose,
à des tendinites ou pour traiter des œdèmes. Il est présent dans le Voltarène®.
Une
voie de synthèse du diclofénac présente les étapes indiquées sur la figure 6 (les étapes d’hydrolyse ou de
modification du pH du milieu réactionnel ne sont pas indiquées). La molécule A
est synthétisée à partir de l’acide 2-chlorobenzoïque selon la réaction
d’équation suivante :
Figure 6 : schéma réactionnel d’une voie de synthèse du
diclofénac
10.
Donner les formules topologiques des molécules B, C et D.
11.
Indiquer à quel type de réaction correspond la transformation C à
D. Préciser le type de réactivité de l’ion cyanure dans cette
transformation.
12.
Nommer la transformation mise en jeu lors de la formation du diclofénac à
partir de la molécule D en précisant la fonction chimique de D
ayant réagi.
La 7b-hydroxy-épiandrostérone
est une molécule naturellement présente dans l’organisme humain. Elle possède d’importantes
propriétés anti-inflammatoires.
Cette molécule a tout d’abord été synthétisée
par voie biologique à l’échelle du milligramme par transformation de
l’épiandrostérone par Rhizopus nigricans,
un champignon encore appelé moisissure du pain. Les quantités synthétisées ont
permis les premières études de l’activité biologique de la molécule.
La voie biologique ne pouvant être employée
pour une synthèse à l’échelle du gramme (obtention d’isomères de position et de
stéréoisomères de la 7b-hydroxy-épiandrostérone,
grandes quantités de solvants requises pour l’extraction, rendement maximal de
48 %), des voies de synthèse chimique de la 7b-hydroxy-épiandrostérone
ont été développées afin de poursuivre les études sur son activité biologique.
Une équipe française a mis au point une
synthèse selon le schéma de synthèse et les conditions expérimentales indiqués
sur la figure 7. Afin de simplifier
les représentations, les configurations de certains atomes de carbone
asymétriques, dont la configuration n’est pas modifiée lors de la synthèse,
n’ont pas été représentées sur cette figure.
Étape |
Conditions
expérimentales |
Rendement |
1 |
HO-CH2-CH2-OH, APTS, toluène,
8 h, Dean-Stark |
80
% |
2 |
CrO3, 3,5-DMP, CH2Cl2,
4 h, -20 °C |
79
% |
3 |
H2,
Pd/C, AcOEt, 1 h, TA |
97
% |
4 |
NaBH4, CeCl3, CH3OH,
2 h, 0 °C |
89
% |
5 |
APTS, H2O, (CH3)2CO,
12 h, TA |
98
% |
6 |
K2CO3,
CH3OH, 1,5 h, TA |
94
% |
Figure 7 : schéma d’une voie de synthèse la 7b-hydroxy-épiandrostérone
Pour répondre aux questions 13.1 à 13.4, une
notation simplifiée de la molécule E pourra être utilisée et l’acide
paratoluènesulfonique, qui joue le même rôle que l’acide sulfurique concentré,
pourra être noté H+.
13.1. En considérant l’ensemble des étapes de
cette synthèse, indiquer quel est l’intérêt de la première étape. Justifier
avec précision la réponse.
13.2. Écrire l’équation de la réaction mise
en jeu lors de cette étape.
13.3. Indiquer l’intérêt de l’utilisation
d’un appareil de Dean-Stark lors de cette étape. Une réponse détaillée est
attendue, indiquant notamment le principe de fonctionnement de l’appareil de
Dean-Stark.
13.4. Proposer un mécanisme pour la réaction
mise en jeu lors de cette étape.
14. Parmi les étapes 1 à 6, identifier les
trois étapes qui correspondent à une oxydation ou une réduction ;
préciser, pour chacune de ces trois étapes, s’il s’agit d’une oxydation ou une
réduction.
Le
spectre infrarouge de la molécule J présente une bande autour de 3450 cm-1
et deux bandes à 1735 et 1725 cm-1.
15.
Préciser les vibrations correspondant à ces différentes bandes d’absorption.
16. Citer deux changements observés en RMN (13C)
lors de la transformation JàK.
17. Cette synthèse par voie chimique est une
synthèse stéréosélective ayant permis de synthétiser un gramme de 7b-hydroxy-épiandrostérone.
Présente-t-elle un meilleur rendement que la synthèse par voie
biologique ?
Afin de caractériser le récepteur de la 7b-hydroxy-épiandrostérone
dans le corps humain, cette même équipe a proposé la synthèse d’un dérivé
(molécule U) selon le schéma de synthèse représenté sur la figure 8.
18. Citer trois étapes de la synthèse de T
(figure 8) qui correspondent à des
transformations analogues à celles mises en jeu lors de la synthèse de K
(figure 7) ? La correspondance
entre les étapes des deux synthèses sera clairement identifiée.
19. Proposer un ou des réactifs pour réaliser
la transformation MàN.
20. Proposer une formule de réactif
comprenant une liaison azote-oxygène pour réaliser la transformation NàO.
La transformation OàP a été réalisée en
utilisant du diazométhane CH2N2, gaz jaune
toxique et explosif, en solution dans de l’éther diéthylique.
La solution de diazométhane a été ajoutée
lentement à une solution de O dans un mélange éther/méthanol (2/1) à 0
°C. La fin de l’addition a été
déterminée par l’observation d’une coloration jaune persistante du milieu
réactionnel (obtenue après une heure d’addition).
La transformation NàP (étapes 2’ et 3’) a
été alors effectuée avec un rendement de 95 %.
21.1. Préciser pourquoi la coloration jaune
persistante du milieu réactionnel sert d’indicateur de fin d’addition.
21.2. Sachant qu’un gaz se forme au cours de
la transformation et constitue le seul produit secondaire obtenu, écrire
l’équation de la réaction mise en jeu lors de la transformation OàP. Nommer le gaz
formé. Une notation simplifiée de P et O pourra être utilisée.
Figure 8 :
Schéma de synthèse d’un dérivé de la 7b-hydroxy-épiandrostérone
Annexe
1 : Spectroscopie
infrarouge
Table des nombres d’onde des vibrations
d'élongation et de déformation
Ctet : C tétragonal Ctri : C trigonal >C= Cdi :
C digonal -Cº
Liaison |
Nature |
Nombre
d’onde (cm-1) |
Intensité F
: fort ; m : moyen ; f : faible |
O-H
alcool libre |
Elongation |
3590-3650 |
F (fine) |
O-H alcool lié |
Élongation |
3200-3600 |
F
(large) |
N-H
amine |
Élongation |
3300-3500 |
M |
N-H
amide |
Élongation |
3100-3500 |
F |
Cdi-H |
Élongation |
~
3300 |
M
ou f |
Ctri-H |
Élongation |
3030-3100 |
M |
Ctri-H
aromatique |
Élongation |
3000-3100 |
M |
Ctet-H |
Élongation |
2850-2970 |
F |
Ctri-H
aldéhyde |
Élongation |
2700-2900 |
M |
O-H
acide carboxylique |
Élongation |
2500-3200 |
F
à m (large) |
CºC |
Élongation |
2100-2260 |
F |
CºN
nitriles |
Élongation |
2200-2260 |
F
ou m |
C=O anhydride |
Élongation |
1800-1850 1740-1790 |
F |
C=O
chlorure d’acide |
Élongation |
1790-1815 |
F |
C=O
ester |
Élongation |
1735-1750 |
F |
C=O
aldéhyde et cétone |
Élongation |
1700-1740 abaissement
de ~ 20 à 30 cm-1 si conjugaison |
F |
C=O
acide carboxylique |
Élongation |
1700-1725 |
F |
C=O
amide |
Élongation |
1650-1700 |
F |
C=C |
Élongation |
1620-1690 |
M |
C=C
aromatique |
Élongation |
1450-1600 |
Variable
; 3 ou 4 bandes |
N=O (de –NO2) Conjugué |
Élongation |
1500-1550 1290-1360 |
F |
N=N |
Élongation |
1400-1500 |
f ;
parfois invisible |
C=N |
Élongation |
1640-1690 |
F
ou m |
N-H amine ou amide |
Déformation |
1560-1640 |
F
ou m |
Ctet-H |
Déformation |
1430-1470 |
F |
Ctet-H
(CH3) |
Déformation |
1370-1390 |
F
; 2 bandes |
O-H |
Déformation |
1260-1410 |
F |
P=O |
Élongation |
1250-1310 |
F |
Ctet-O-Ctet
(étheroxydes) |
Elongation |
1070-1150 |
F |
Ctet-OH (alcools) |
Élongation |
1010-1200 |
|
Ctet-O-Ctri (esters) Ctri-O-Ctri (anhydrides) |
Élongation |
1050-1300 |
F ;
1 ou 2 bandes |
C-N |
Élongation |
1020-1220 |
M |
C-C |
Élongation |
1000-1250 |
F |
C-F |
Élongation |
1000-1040 |
F |
Ctri-H de -HC=CH- (E) (Z) |
Déformation Déformation |
960-970 670-730 |
F M |
Ctri-H
aromatique monosubstitué |
Déformation |
730-770
et 680-720 |
F
; 2 bandes |
Ctri-H
aromatique o-disubstitué m-disubstitué p-disubstitué |
Déformation Déformation Déformation |
735-770 750-800
et 680-720 800-860 |
F F
et m ; 2 bandes F |
Ctri-H
aromatique 1,2,3 trisubstitué 1,2,4 trisubstitué 1,3,5 trisubstitué |
Déformation Déformation Déformation |
770-800
et 685-720 860-900
et 800-860 810-865
et 675-730 |
F
et m ; 2 bandes F
et m ; 2 bandes F
et m ; 2 bandes |
Ctet-Cl |
Élongation |
600-800 |
F |
Ctet-Br |
Élongation |
500-750 |
F |
Ctet-I |
Élongation |
» 500 |
F |
Annexe 2 : RMN (13C)
Domaines
de déplacements chimiques de divers 13C
Type
de carbone |
d / ppm |
Type
de carbone |
d / ppm |
RCH3 R2CH2 R3CH R4C R2C=CR2 RCºCR' aromatique RCH2I RCH2Br RCH2Cl |
5-35 15-50 30-60 25-40 100-150 50-95 110-175 10-40 20-40 25-90 |
CHCl3 RCH2NH2 RCH2OH et RCH2OR' RNO2 RCºN RCONH2 RCOCl et RCO-O-COR RCO2R' RCO2H RCHO
et RCOR' |
77 20-70 50-90 60-80 110-130 150-170 150-170 150-180 160-190 190-220 |