TOXINES DES AMANITES

Gérard GOMEZ


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Plan de l'étude :

1) Généralités

2) Structures des toxines

                2-1) Amatoxines

                2-2) Phallotoxines

                2-3) Virotoxines

3) Mode d'action de ces toxines

4) Quelques noms rattachés aux toxines des amanites

5) L'antamanide et la silybine

                5-1) L'antamanide

                5-2) La silybine


            1) Généralités :

Les amatoxines, les phallotoxines et les virotoxines sont les principales toxines de certaines amanites, en particulier l'Oronge verte (Amanita phalloides), l'Oronge cigüe blanche ou Amanite printanière (Amanita verna) et l'Ange de la mort ou Amanite vireuse (Amanita virosa). Manger ces champignons peut s'avérer mortel ; on estime que l'ingestion de 40 g environ (frais) peut entraîner la mort d'un adulte.

Elles ne sont pas également réparties dans le champignon, le chapeau étant la partie la plus dangereuse.

Ces toxines sont des octapeptides bicycliques pour les amatoxines, des heptapeptides bicycliques pour les phallotoxines et des heptapeptides monocycliques pour les virotoxines, ayant dans les trois cas, en position centrale, un noyau indole lié à un atome de soufre :

Les principales amatoxines sont au nombre de 9 avec par ordre d'importance, l'α ou β ou γ ou ϵ amanitine, l'amanine, l'amaninamide (que l'on ne trouve que dans Amanita virosa), l'amanulline, l'acide amanullique et la proamanulline.

Il y a 7 phallotoxines : la phalloïdine, la phalloïne, la prophalloïne, la phallisine, la phallacine, la phallacidine et la phallisacine

Il y a 6 virotoxines : l'alaviroïdine, l'aladéoxoviroïdine, la viroïsine, la déoxoviroïsine, la viroïdine et la déoxoviroïdine.

Toutes ces molécules sont très stables et elles résistent à la chaleur, aux sucs digestifs et à la dessication.

            2) Structures des toxines :

                        2-1) Amatoxines

 

La structure générale de ces octapeptides bicycliques est la suivante

 

 

 

 

 

 

 

 

ou

 

       

 

avec des groupements R1, R2, R3, R4, R5 qui diffèrent ; le tableau ci-dessous récapitule les différentes amatoxines et leurs groupements respectifs :

 

Amatoxine

R1

R2

R3

R4

R5

 

α- Amanitine

CH2OH

OH

NH2

OH

OH

β- Amanitine

CH2OH

OH

OH

OH

OH

γ- Amanitine

CH3

OH

NH2

OH

OH

ϵ- Amanitine

CH3

OH

OH

OH

OH

Amanine

CH2OH

OH

OH

H

OH

Amaninamide

CH2OH

OH

NH2

H

OH

Amanulline

CH3

H

NH2

OH

OH

Acide amanullique

CH3

H

OH

OH

OH

Proamanulline

CH3

H

NH2

OH

H

 

                        2-2) Phallotoxines

 

Ce sont des heptapeptides bicycliques dont la structure générale est la suivante

 

         AMATOXGENE.gif

 

avec des groupements R1, R2, R3, R4, R5 qui diffèrent ; le tableau ci-dessous récapitule les différentes phallotoxines et leurs groupements respectifs :

 

Phallotoxine

R1

R2

R3

R4

R5

 

Phalloïdine

OH

H

CH3

CH3

OH

Phalloïne

H

H

CH3

CH3

OH

Prophalloïne

H

H

CH3

CH3

H

Phallisine

OH

OH

CH3

CH3

OH

Phallacine

H

H

CH(CH3)2

COOH

OH

Phallacidine

OH

H

CH(CH3)2

COOH

OH

Phallisacine

OH

OH

CH(CH3)2

COOH

OH

 

                        2-3) Virotoxines

 

Ce sont des heptapeptides monocycliques dont la structure générale est la suivante

 

VIROTOXINE.gif

 

avec des groupements R1, R2, R3, qui diffèrent ; le tableau ci-dessous récapitule les différentes virotoxines et leurs groupements respectifs :

 

Virotoxine

R1

R2

R3

 

Viroïdine

H

CH(CH3)2

SO2

Déoxoviroïdine

H

CH(CH3)2

SO

Alaviroïdine

H

CH3

SO2

Aladéoxoviroïdine

H

CH3

SO

Viroïsine

OH

CH(CH3)2

SO2

Déoxoviroïsine

OH

CH(CH3)2

SO

 

Remarque : L'annexe 1 , l'annexe 2, l'annexe 3 font apparaître les molécules de toutes ces toxines, de façon explicite.

 

            3) Mode d'action de ces toxines :

Phallotoxines et amatoxines agissent sur le foie mais d'une façon différente et en synergie.

Les phallotoxines ont une action sur le reticulum endoplasmique des cellules du foie, qu'elles détruisent ; tandis qu'en inhibant l'ARN polymérase (II) extranucléaire et donc en bloquant la synthèse d'ARN messager, les amatoxines empêchent la synthèse des protéines.

La synergie entre ces deux types de toxines se manifeste de la manière suivante :

Les amatoxines endommagent les cellules de l'estomac et de l'intestin, permettant le passage des phallotoxines dans le sang puis dans le foie ; sans les amatoxines, les phallotoxines seraient éliminées et donc sans action sur l'organisme ; d'ailleurs la phalloïdine existe dans certaines espèces de champignons comestibles.

L'action des virotoxines est moins bien connue ; seules elles n'entraînent pas non plus d'intoxication.

Comme les phallotoxines elles agissent sur l'actine, une protéine contractile impliquée dans le mécanisme de la contraction musculaire mais qui joue aussi un rôle dans la motilité des cellules non musculaires.

L'actine existe sous deux formes, la G-actine ou actine globulaire (une actine monomérique) et la F-actine ou actine filamenteuse (une actine polymérisée).

Les phallotoxines et les virotoxines favorisent la polymérisation irréversible de l'actine G en actine F et stabilisent celle-ci, entraînant ainsi une augmentation de la perméabilité membranaire, un œdème et la mort cellulaire ; cependant leur mode d'action est différent.

 

            4) Quelques noms rattachés aux toxines des amanites :

Heinrich Wieland (Prix Nobel de chimie en 1927) et Rudolf Hallermayer, tous deux de l'Université de Munich, furent les premiers à isoler les amatoxines en 1941.

Feodor Lynen (gendre de Heinrich Wieland et Prix Nobel de médecine en 1964) et Ulrich Wieland de l'Université de Munich isolent pour la première fois la phalloïdine en 1937.

Le nom de Pierre Bastien est attaché à celui des intoxications par les amanites. Le médecin vosgien imagine un traitement combinant l'action de la vitamine C et d'antibiotiques (désinfection intestinale) mais qui doit intervenir avant que le foie ne soit atteint. Encouragé par des succès auprès de quelques malades qui avaient ingéré des amanites mortelles mais dénigré par ses confrères, il décide de consommer à 3 reprises (1971, 1974, 1983) en public, des plats d'amanites phalloïdes (plus de 200g) et de se soigner avec succès en appliquant son protocole. Ce traitement est resté célèbre sous le nom de protocole de Bastien mais a été peu utilisé et n'a jamais fait l'objet d'études scientifiques sérieuses.

 

            5) L'antamanide et la silybine:

 

                        5-1) L'antamanide :

Cette molécule, un décapeptide monocyclique qui existe dans Amanita Phalloides, n'est pas une toxine ; des études sont en cours et portent au contraire sur son aptitude à inhiber l'action toxique de la phalloïdine et à soigner les oedèmes.

Sa structure peptidique est Val-Pro-Pro-Ala-Phe-Phe-Pro-Pro-Phe-Phe :

ANTAMANIDE3.gif

 

                        5-2) La silybine :

C'est un flavonoïde extrait des graines de chardon-marie (Silybum marianum) ; dans cette plante il est mélangé à ses isomères silicristine et silidianine.

Cette molécule possèdes des propriétés antihépatotoxiques ; elle constitue (sous forme d'un succinate dihydrogéné) le principe actif d'un médicament, le légalon®, qui est utilisé en injection lors d'intoxications aux amanites.

La formule de la silybine est la suivante :

SILYBINE


Annexe 1

 

Formules explicitées des amatoxines

 

α- Amanitine

β- Amanitine

γ- Amanitine

 

ϵ- Amanitine

Amanine

Amaninamide

Amanulline

Acide amanullique

Proamanulline

 


Annexe 2

 

Formules explicitées des phallotoxines

 

Phalloïdine

PHALLOÏDINE

Phalloïne

Phalloïne

Prophalloïne

PROPHALLINE

Phallisine

PHALLISINE

Phallacine

PHALLACINE

Phallacidine

PHALLACIDINE

Phallisacine

PHALLISACINE

 

 


Annexe 3

 

Formules explicitées des virotoxines

 

Viroïdine

VIROIDINE

Déoxoviroïdine

DEOXYVEROIDINE

Alaviroïdine

ALAVEROIDINE

Aladéoxoviroïdine

ALADEOXYVEROIDINE

Viroïsine

VIROISINE

Déoxoviroïsine

DEOXOVIROISINE