LA SONOCHIMIE.
Gérard GOMEZ
1) Définition
et principe :
1-1) Définition :
On
parle de sonochimie pour des réactions chimiques en solution qui utilisent
l'énergie produite par des ultrasons qui traversent le solvant (Phénomène dit de
sonication).
1-2) Principe :
Les
ultrasons en se propageant dans un liquide produisent un phénomène physique
appelé cavitation ; il s'agit de la formation, dans le liquide, de petites
bulles de vapeur qui grossissent jusqu'à atteindre une taille critique où elles
implosent d'une façon extrêmement violente.
L'énergie
ponctuelle ainsi libérée peut être utilisée par des réactifs présents dans le
liquide qui joue le rôle de solvant et donner lieu à une réaction chimique,
chaque bulle de cavitation se comportant comme un microréacteur.
C'est
le principe de la sonochimie.
Une
source sonore produit une vibration provoquant une déformation mécanique (série
de compressions et de détentes) du milieu matériel dans laquelle elle se
trouve, qui se transmet de proche en proche. Cette déformation qui se propage
est appelée onde sonore.
Si la
fréquence de la vibration de la source se situe au-delà de 20kHz on dit qu'il
s'agit d'un ultrason.
Lorsqu'une
onde ultrasonore traverse un liquide, celui-ci subit donc une série de
compressions et de détentes. Plus l'énergie délivrée par la source sonore est
importante plus l'intensité de l'ultrason est grande et plus les compressions
et détentes sont intenses.
On sait
qu'un liquide peut se transformer en vapeur à toute température et cela
d'autant plus facilement que la pression est faible. Il peut donc bouillir à
toute température à condition que la pression soit adaptée. Ainsi l'eau bout à
100°C sous une pression de 1,013 bar et à 50°C sous 0,13 bar.
Lorsqu'un
ultrason traverse un liquide, il n'est donc pas étonnant que dans une zone à
faible pression il y ait apparition d'une bulle de vapeur. Celle-ci va diminuer
lorsqu'elle sera comprimée et va au contraire grossir lorsqu'elle sera
"détendue".
La
bulle de vapeur va atteindre une taille critique (celle au-delà de laquelle
elle ne pourra plus résister aux forces auxquelles elle est soumise de la part
du liquide) et implosera à la compression suivante.
L'implosion
est violente ; la pression locale peut atteindre plusieurs centaines de
milliers de bars et des températures de plusieurs milliers de degrés. Elle
s'accompagne d'une onde de choc et de la projection d'un jet de liquide très
puissant (sa vitesse peut atteindre 280m/s).
On
donne à ce phénomène le nom de cavitation.
Le
schéma ci-dessous résume les différentes phases que l'on vient de décrire :
- Si l'on augmente la température du
liquide on favorise la cavitation
- Il en est de même si du gaz est
dissous dans le liquide.
- Dans des conditions données de
température, si l'on augmente la fréquence de l'ultrason, on s'aperçoit que les
bulles de vapeur produites demeurent petites (elles n'ont pas le temps de
grossir) et l'on réduit l'importance de la cavitation ; si la fréquence est
trop élevée elle peut même ne pas avoir lieu.
- Si l'on augmente la viscosité du
liquide on s'aperçoit que la cavitation se fait plus difficilement.
Remarque
1 :
Lorsqu'une bulle implose il arrive qu'elle émette un éclair (flash lumineux
court et intense) ; en un milliardième de seconde l'énergie lumineuse ainsi
libérée peut être comprise entre 1 et 10 mW. Ce phénomène s'appelle la
sonoluminescence.
Remarque
2 :
La cavitation n'est pas l'apanage des ultrasons ; elle s'observe chaque fois
qu'un liquide est soumis à une série de compressions et de détentes ; c'est le
cas par exemple pour l'hélice d'un bateau qui dans sa rotation induit ce type
de déformation mécanique. Dans ce cas les jets violents des implosions sur le
métal de l'hélice créent des petites cavités qui usent le métal et donc
endommagent l'hélice.
Remarque
3 :
La cavitation a eu comme première application le nettoyage du matériel ; on
plonge du matériel très sale (matière accrochée aux parois) dans un bain de
détergent que l'on fait traverser par des ultrasons. Les jets dus aux
implosions des bulles de vapeur vont décrocher la matière des parois. Cette
méthode est particulièrement utile
lorsque les surfaces à nettoyer possèdent des parties difficilement
accessibles.
3) Mise
en œuvre de la technique en chimie et exemples de réactions
On peut
réaliser une réaction chimique à l'aide d'ultrasons soit en immergeant un
réacteur dans un bain à ultrasons, soit en plongeant une sonde ultrasonique
dans le milieu réactionnel. Le domaine de fréquences utilisé en sonochimie se
situe entre 20 et 40 kHz.
Le
résultat d'une réaction conduite avec ultrasons peut être :
- Soit une diminution du temps
nécessaire par rapport à une mise en œuvre classique sans ultrasons
C'est
le cas par exemple pour les quelques réactions suivantes
·
·
·
- Soit une diminution du temps
de réaction et une diminution de la quantité de matière
nécessaire
Ainsi
la réaction suivante conduite avec des ultrasons nécessite un excès de cuivre
deux fois moindre et quatre fois moins de temps que sans ultrasons.
- Soit un résultat différent
de celui obtenu par la méthode classique
On
donnera deux exemples :
·
L'action
d'une solution d'acide nitrique sur l'octan-1-ol conduit à l'ester nitrique de cet alcool par
la méthode classique :
alors
que l'utilisation d'ultrasons conduit à l'acide octanoïque
·
Par la
méthode classique
alors
qu'avec des ultrasons
Pour
expliquer cela, on suppose que dans les conditions extrêmes qui règnent lors de
l'implosion des bulles de vapeur, il se forme des radicaux intermédiaires très
réactifs qui modifient le cours de la réaction.