SPECTROMETRIE DE MASSE
Principe et rudiments


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1) Généralités :
    1-1) Aspect d'un spectre de masse :
    1-2) A quoi sert-il ?
2) Comment réalise-t-on un spectre de masse; que signifie-t-il ?
    2-1)Première approche en chimie organique :
    2-2) Analyse d'un spectre simple :
    2-3) Comparaison de spectres :
    2-4) Cas des composés carbonylés :
    2-5) Cas des alcools :
3) Schéma de principe d'un spectrographe de masse :

4) Spectromètre de masse MALDI/TOF


1) Généralités :
        1-1) Aspect d'un spectre de masse :

       
1-2)A quoi sert-il ?
    - Composés organiques: Détermination des masses molaires et des formules des molécules organiques. Il renseigne sur la facilité avec laquelle les liaisons peuvent se rompre dans la molécule analysée.
    - Analyse qualitative et quantitative d'un mélange gazeux même à faible pression. Un spectrographe de masse peut se placer en sortie d'un chromatographe en phase gazeuse, comme détecteur.
    - Analyse des différents isotopes présents dans un gaz.

2) Comment réalise-t-on un spectre de masse; que signifie-t-il ?
        2-1) Première approche en chimie organique :
On soumet le composé moléculaire, par exemple CH4, porté à l'état gazeux, à un bombardement d'électrons d'énergie moyenne; certaines molécules éjectent un électron et deviennent des radicaux CH4+. (ion moléculaire ou ion parent). Ces radicaux peuvent se fragmenter par rupture de certaines liaisons et devenir des cations de masse inférieure qui à leur tour peuvent se fragmenter ....
Ainsi dans l'exemple du méthane, en plus de l'ion parent on peut obtenir: CH3+; CH2+.;CH+; C+.
Remarque: Les cations radicalaires sont ceux qui possèdent un nombre impair d'électrons, les autres en possèdent un nombre pair.
Ces cations sont ensuite accélérés par un champ électrique, puis soumis à un champ magnétique perpendiculaire à leur direction de propagation qui transforme leur trajectoire rectiligne en trajectoire circulaire. Les rayons de ces trajectoires dépendent du rapport m/e (m étant leur masse en unité de masse atomique et e leur charge électrique exprimée en nombre de charges élémentaires). On peut alors de diverses façons les trier et les compter et établir un diagramme ("spectre") donnant leur abondance relative en fonction de leur rapport m/e.
      2-2) Analyse d'un spectre simple :

    a) On examine le spectre de masse schématisé du méthane:


    - en ordonnées, on porte l'abondance relative des ions détectés (100 pour le plus abondant).
    - en abscisses, le rapport m/e; comme e vaut 1 (par hypothèse nous ne considérons que les ions positifs portant une charge élémentaire), ce rapport est égal à m.
    - On s'aperçoit que dans l'exemple choisi, le pic correspondant à l'ion le plus abondant (100) est celui de masse 16 , c'est-à-dire celui de l'ion moléculaire CH4+. ou ion parent (sa masse est pratiquement celle de la molécule car la masse de l'électron perdu est négligeable).
    - Le pic de masse 15 (CH3+) a une abondance relative d'environ 85.
    - Le pic de masse 14 (CH2+.) a une abondance relative d'environ 10.
    - Le pic de masse 13 (CH+) a une abondance relative d'environ 4.
    - Le pic de masse 12 (C .) a une abondance relative d'environ 1.

    b) Définition et remarques :

    - Définition: Le pic correspondant à l'ion le plus abondant est appelé pic de base . Dans notre exemple il correspond à l'ion parent, mais ce n'est pas toujours le cas.
    - Remarque 1 : La perte d'un atome d'hydrogène fait diminuer la masse d'une unité (la masse d'un atome d'hydrogène correspond à une unité de masse atomique).
    - Remarque 2 : On voit que la rupture d'une liaison C-H est relativement aisée (pour 100 CH4+. on trouve 85 CH3+).
    - Remarque 3 : Un pic existe à droite du pic de l'ion moléculaire CH4+. Il est dû à l'ion moléculaire CH4+.mais avec l'isotope 13 du carbone (1 neutron de plus que dans le noyau de l'atome de 12C donc une unité de masse atomique de plus pour l'ion) qui est un isotope stable du carbone, existant naturellement (1,1%). Statistiquement il y a 1,1% de CH4 avec 13C, donc 1,1% de CH4+. avec 13C.
    - Remarque 4 : Avec le pentane (C5H12) par exemple on trouve que l'ion parent (masse 72) qui n'est pas le pic de base a une abondance relative d'environ 10. L'abondance relative de l'ion C5H12+ contenant du 13C se calcule ainsi:

        2-3)Comparaison de spectres :
Observons le spectre de masse du pentane C5H12 (CH3-CH2-CH2-CH2-CH3)

Le pic à m/e = 72 correspond à l'ion parent CH3-CH2-CH2-CH2-CH3.+
Le pic à m/e = 57 correspond à l'ion C4H9+
Le pic à m/e = 43 correspond à l'ion C3H7+ ; c'est le pic de base.
Le pic à m/e = 29 correspond à l'ion C2H5+
Le pic à m/e = 15 correspond à l'ion CH3+
On voit que toutes les liaisons C-C ont été rompues.
On voit autour de ces pics, d'autres pics, résultant de la présence du 13C, ainsi que des pics résultant de la coupure d'une ou plusieurs liaisons C-H.

Comparaison avec celui du 2-méthylbutane : l'un des isomères du pentane
 

        Comparaison avec

CH3-CH2-CH2-CH2-CH3

On retrouve une fragmentation de la molécule comparable à celle du pentane, mais les abondances relatives des ions ne sont pas les mêmes. On voit que les ions relativement les plus abondants sont pour m = 43 et m = 57 ce qui traduit une rupture plus aisée des liaisons C-C autour du carbone n°2 qui est le carbone de la molécule le plus substitué.
L'ion le plus abondant est (m=43)
Cela n'est pas étonnant dans la mesure où l'on sait qu'un carbocation est d'autant plus stable qu'il est plus ramifié (carbocation (III) plus stable qu'un carbocation (II) lui-même plus stable qu'un carbocation (I)).
Comparaison avec celui du 2,2-diméthylpropane: un autre isomère du pentane.
 

CH3-CH2-CH2-CH2-CH3

    L' abondance de l'ion parent diminue encore ; le pic de base devient celui pour lequel m vaut 57 soit C4H9+ c'est à dire ici

 .

C'est un carbocation tertiaire, le plus stable. Le pic m =43 a disparu et par contre on voit un pic à m=41 et on continue à voir un pic à m= 29 (C2H5+); ceci traduit des réarrangements complexes des ions formés avec transferts d'atomes d'hydrogène.
        2-4) Cas des composés carbonylés :

Pour les composés carbonylés deux fragmentations se révèlent importantes, ce sont celles qui se produisent en a du carbone du carbonyle:

Lors de la scission a1  à partir de l'ion parent il se forme préférentiellement le cation  acylium  stabilisé par résonance.
Lors de la scission a2  il se forme préférentiellement le cation  acylium .
Le tableau suivant donne les pics principaux que l'on trouve en faisant les spectres de masse de trois cétones isomères:
    - la pentan-2-one
    - la pentan-3-one
    - la 3-méthylbutan-2-one

Molécule

Pic de l'ion parent

Pic des ions acylium résultant des scissions a

Autres pics notables

Commentaire relatif aux autres pics notables.

Pentan-2-one
C5H10O M = 86 g.mol-1


m = 86 abondance relative15

m = 71 abondance relative 8

m = 43 abondance relative 100


m = 58 abondance relative 20

Il s'agit d'un réarrangement de Mac Lafferty.

Pentan-3-one
C5H10O M = 86 g.mol-1


m = 86 abondance relative20

m = 57 abondance relative 100



m = 29 abondance 100

Ces deux cations ont même masse molaire; ils sont détectés en même temps.

3-méthylbutan-2-one
C5H10O M = 86 g.mol-1


m = 86 abondance relative10


m = 43

m = 71 abondance relative 2


m = 43

m = 15 abondance relative 2

L'ion acylium de masse 43 et le carbocation ayant même masse sont détectés en même temps. L'abondance relative de l'ensemble de ces deux ions est 100.

Remarque: Lorsqu'un composé carbonylé à un H placé sur un atome de carbone situé en g par rapport au carbone du groupement carbonyle et si la chaîne permet à cet hydrogène de venir assez près de l'oxygène de ce même groupement, il se produit un réarrangement dit de Mac Lafferty qui consiste en une scission de l'ion parent en un nouvel ion moléculaire et une molécule:
Exemple: Avec la pentan-2-one, par exemple qui satisfait ces conditions, on a:

Ni la pentan-3-one, ni la 3-méthylbutan-2-one ne satisfont ces conditions, le réarrangement n'a pas lieu.
        2-5) Cas des alcools:
    - On constate souvent un pic important à 18 unités de moins que l'ion parent; il s'agit de la déshydratation facile de l'alcool:

    - Des scissions en a du carbone portant le OH interviennent aussi fréquemment:

3) Schéma de principe d'un spectrographe de masse:

Les cations de masse m de charge électrique e, produits par bombardement des molécules par des électrons d'énergie voisine de 10 à 12eV, sont accélérés dans un champ électrique produit par deux plaques métalliques soumises à une différence de potentiel U, puis leur trajectoire est transformée en cercle par un champ magnétique d'intensité B. La trajectoire de ces cercles a un rayon que l'on peut calculer par la formule:

On voit que le rayon des cercles dépend du rapport m/e.
Une fenêtre permet de laisser passer et donc de détecter les ions qui se présentent devant elle. On peut en jouant sur U ou sur B ou sur les deux à la fois, faire passer  les ions produits dans la chambre d'ionisation devant la fenêtre par ordre de masse croissante ou décroissante et donc obtenir le spectre de masse de la molécule analysée.
Remarque:
Il existe d'autres types de spectrographes, les spectrographes à temps de vol par exemple; la méthode de dispersion des ions ne fait pas appel à un champ magnétique; on accélère les ions par brèves impulsions en les soumettant à de brèves différences de potentiel et ils sortent de la chambre d'accélération avec des vitesses inégales. On montre que la vitesse d'un ion est reliée à sa masse par la relation :

4) Spectromètre de masse MALDI/TOF    (Paragraphe inspiré par l'article http://cbm.cnrs-orleans.fr/la-recherche-2/plateforme-spectrometrie-de-masse/maldi-tof/2-maldi/)

L'acronyme MALDI/TOF correspond à Matrix Assisted Laser Desorption Ionisation/Time Of Flight.

La désorption/ionisation laser assistée par matrice est une technique d'ionisation douce utilisée en spectrométrie de masse pour analyser de grosses molécules non volatiles ou instables thermiquement.

Elle s'adresse à des biomolécules (ADN, protéines, peptides, sucres) ainsi qu'à de grandes molécules organiques synthétiques (polymères et autres macromolécules).

Une matrice et un échantillon sont disposés sur une cible. Un faisceau laser pulsé dont la longueur d'onde est située dans la bande d'absorption de la matrice et en dehors de celle de l'échantillon, vient évaporer la matrice, entraînant avec elle l'échantillon en phase gazeuse (phénomène de désorption). Les molécules ionisées de la matrice (généralement acide) transfèrent un proton aux molécules de l'échantillon.

Les ions sont ensuite analysés avec un spectromètre à temps de vol (TOF MS) : par des différences de potentiels appliquées sur des lentilles, les molécules ionisées sont accélérées puis transférées dans l'analyseur TOF. Cet analyseur va permettre la séparation des molécules ionisées qui dépendra de leur rapport masse sur charge (m/e).

La matrice joue 3 rôles :

            - Elle réduit les forces intermoléculaires et favorise la séparation des molécules

            - Elle absorbe l'énergie du faisceau laser, ce qui permet de protéger les molécules cibles.

            - Elle favorise l'ionisation des molécules à analyser en induisant des transferts de protons.

Les principales matrices :

 

MALDI10.gif

MALDI11.gif

MALDI12.gif

MALDI13.gif

Acide α-cyano-4-hydroxycinnamique

Acide sinapinique

Acide 2,5-dihydroxybenzoïque

Acide 3-hydroxypicolinique

Pour les peptides et les protéines.

Pour les protéines et les polymères.

Pour les oligosaccharides, les glycopeptides, les glycoprotéines et les polymères.

Pour les oligonucléotides

 

Ce spectromètre offre plusieurs avantages dont la haute résolution, ce qui permet d'accéder à une mesure très exacte de la masse de la molécule (erreur < 5ppm en étalonnage interne pour une molécule de 10000 Da) et donc facilite son identification.

C'est une technique d'analyse réservée à des molécules préalablement purifiées car contrairement aux autres technologies elle n'est pas couplée à une méthode séparative.

 

MALDI5.jpg

Principe de fonctionnement de Maldi

(Extrait d'un article publié par le Centre de biophysique moléculaire du CNRS)