EVALUATION DU POUVOIR ANTIOXYDANT

Gérard Gomez


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Plan de l'étude

1) Introduction

2) Tests d'évaluation du pouvoir antiradicalaire

                2-1) Test DPPH

                2-2) Test utilisant l'ABTS

                2-3) Test ORAC

                2-4) Test FRAP

 

Annexe 1 Le trolox

Annexe 2 La fluorescéine

ANNEXE 3 Produits de dégradation de la fluorescéine en présence de AAPH

Annexe 4 L'acide ascorbique


1) Introduction

Selon le règlement européen CE/1333/2008 , les antioxydants sont "des substances qui prolongent la durée de conservation des denrées alimentaires en les protégeant des altérations provoquées par l'oxydation telles que le rancissement des matières grasses et les modifications de la couleur".

Ce sont en général des radicaux possédant une très grande réactivité et présents dans l'air qui sont impliqués dans les dégradations oxydatives des aliments et qui entrainent des modifications au niveau sensoriel et nutritionnel de ceux-ci.

Un exemple de mécanisme d'altération d'un lipide à l'air par un radical HO* :

Le radical arrache un hydrogène à un lipide et initie une réaction en chaîne qui peut aboutir à un alcool (peroxydation lipidique)

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Certains antioxydants (dits antiradicalaires) que nous désignerons par AH bloquent les radicaux lipidiques par transfert d'un hydrogène et empêchent  la réaction en chaîne :

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Ce sont les espèces réactives de l'oxygène (ERO) qui entraînent cette altération des aliments.

Parmi elles le radical hydroxyle HO*est le plus actif donc le plus délétère pour les matériaux biologiques. Le radical superoxyde O2* - est assez peu réactif vis-à-vis de la plupart des substrats bioorganiques, il a surtout un effet indirect en conduisant au radical HO*.

Parmi les antiradicaux on peut citer les polyphénols :

Exemple du catéchol

Considérons un composé BH susceptible d'être transformé en B* par une espèce réactive de l'oxygène. Il peut être protégé par le catéchol qui lui fournit un hydrogène et lui permet de redevenir BH au lieu d'être oxydé.

 

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Il existe plusieurs types de systèmes antioxydants :

            - Les enzymes antioxydantes : superoxydes dismutase, glutathion peroxydase, catalase …..

            - Des molécules à haut poids moléculaire : albumine, ferritine et autres protéines.

            - Des molécules de plus petites tailles : acide ascorbique, acide urique, tocophérol, caroténoïdes, polyphénols ….

            - Certaines hormones : oestrogènes, mélatonine ….

 

Les antioxydants peuvent désactiver les radicaux par deux mécanismes principaux :

             - Transfert d'hydrogène (HAT Hydrogène Atom Transfer)

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             - Transfert d'électron (SET Single Electron Transfer).

AA1.gif

 

SET et HAT ont lieu la plupart du temps ensemble dans les échantillons.

 

2) Tests d'évaluation du pouvoir antiradicalaire

Plusieurs méthodes ont été développées pour la détection de l'activité antioxydante.

 

            2-1) Test DPPH*

Le 2,2-Diphényl-1-picrylhydrazyle ou DPPH* radical

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est un radical relativement stable, de couleur violette qui devient jaune par réduction (il devient du DPPH-H).

Le test DPPH* permet de mesurer l'aptitude d'un antioxydant comme par exemple un composé phénolique à réduire le DPPH* et mesure donc le pouvoir antiradicalaire de molécules ou d'extraits végétaux dans un système donné.

Principe du test

On fait réagir une solution contenant l'antioxydant (molécule pure ou extrait) AH avec une solution de DPPH*

  EVAL4.gif

On peut apprécier la réduction du DPPH* par spectrométrie à 517 nm.

Cette réduction sera plus ou moins rapide selon la nature de l'antioxydant (figure 1) et la quantité de DPPH-H formé dépendra de la concentration en antioxydant (figure 2).

 

EVALCOURBE2.gif

EVALCOURBE3.gif

Cinétique de réduction de DPPH* pour deux antioxydants

Cinétique de réduction de DPPH* pour un antioxydant

à différentes concentrations.

Figure 1

Figure 2

 

EVALCOURBE4.gif

 

Figure 1

On trace la courbe cinétique de réduction d'une même quantité de DPPH* pour deux antioxydants, on s'aperçoit qu'elles ne sont pas identiques : L'oxydant B agit plus vite que le A et le % résiduel de DPPH* au plateau est plus faible.

Figure 2

On trace la courbe cinétique de réduction d'une même quantité de DPPH* pour un même antioxydant à différentes concentrations : Plus la concentration augmente plus la réaction est rapide et plus le % résiduel de DPPH* est faible au plateau.

Figure 3

On trace la courbe du % résiduel de DPPH* au plateau, en fonction de la concentration en antioxydant (courbe effet-dose) et on détermine le CE50.

 

Courbe Effet-Dose – Détermination du CE50

 

Figure 3

 

 

La concentration efficace en antioxydant nécessaire pour réduire 50% du DPPH* initial est notée CE50  ; elle est dans notre exemple de 1,35 mg/L environ (voir figure 3).

Plus le CE50 est faible et plus l'antioxydant est efficace.

Remarques :

            - On définit l'efficacité antiradicalaire (Antiradical Efficiency) et on la désigne par AE50, l'expression AE50 = 1/EC50 ; on voit que plus AE50 est grande et plus l'antioxydant est efficace.

 

            - Le pouvoir antioxydant d'une substance n'a pas de sens en valeur absolue ; le plus souvent on l'exprime en valeur relative en prenant comme référence une substance donnée à fort effet antioxydant ; c'est souvent le Trolox (voir annexe 1). La capacité antioxydante en équivalent Trolox (TEAC) correspond à la concentration (mg/L) de Trolox ayant la même activité que la solution de la substance à tester à concentration unitaire.

 

            2-2) Test utilisant l'ABTS*+

C'est une méthode semblable à celle utilisant le radical DPPH*+.

Il permet de voir quelle est la capacité des antioxydants à neutraliser le radical ABTS*+.

L'ABTS est l'acide 2,2'-azino-bis(3-éthylbenzothiazoline-6-sulfonique)

ABTS.gif

ABTS*+ peut être généré

 

            - par des réactions chimiques (action du persulfate de potassium par exemple)

ABTSBIS.gif

 

Ce processus de production du radical ABTS*+ est assez lent et nécessite un léger chauffage.

 

            - par des réactions enzymatiques

On peut utiliser de la raifort peroxydase par exemple en présence d'eau oxygénée (H2O2).

Généralement ces réactions enzymatiques sont plus rapides et plus douces.

 

En présence d'un antioxydant  donneur de H* (comme le trolox par exemple), l' ABTS*+  est réduit en ABTSH+ :

 

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Le radical cationique ABTS*+ est de couleur bleue avec un pic d'absorption à 734 nm. Il réagit avec la plupart des antioxydants, notamment les phénols, les thiols ou la vitamine C en perdant sa couleur bleue et en retrouvant son état neutre incolore. On peut donc suivre ces réactions par spectrophotométrie.

Cette mesure permet de comparer le pouvoir antiradicalaire de différents antioxydants par rapport à celui du Trolox pris comme référence ; La capacité antioxydante en équivalent Trolox (TEAC) correspond à la concentration (mg/L) de Trolox ayant la même activité que la solution de la substance à tester à concentration unitaire.

 

            2-3) Test ORAC

L'évaluation du pouvoir antioxydant d'une substance peut se faire par la méthode ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity : Capacité d'absorption des radicaux dérivés de l'oxygène) dont le principe est le suivant :

On met en présence une sonde fluorescente sensible à l'oxydation (la fluorescéine (voir annexe 2) : excitation 487 nm , émission 515 nm) et un générateur de radicaux, par exemple le chlorhydrate de 2,2'-azobis(2-amidinopropane) ou AAPH un composé oxydant thermolabile qui donne à 37°C des radicaux peroxyles (R-O-O*) ; l'oxydation de la fluorescéine entraîne une diminution de sa fluorescence au cours du temps (figure 1 …"Sans antioxydant").

Le chlorhydrate de 2,2'-azobis(2-amidinopropane) ou AAPH a pour formule

AAPH.gif

En présence d'oxygène et chauffé à 37°C, il donne des radicaux peroxyles :

AAPH10.gif

La présence d'un antioxydant retarde la perte de fluorescence (Figure1).

La fluorescéine donne des produits de dégradation (voir annexe 3).

Pour quantifier le pouvoir antioxydant d'une substance on peut comparer son effet sur l'intensité relative de fluorescence de la sonde en fonction du temps à l'effet d'une substance de référence (on prend souvent le Trolox) (Figure 2).

 

COURBE11.gif

COURBE12.gif

 

Le potentiel antioxydant est déterminé par la différence d'aire sous la courbe de l'antioxydant évalué, avec l'aire sous la courbe du Trolox (surface en jaune dans la figure 2) ; il est exprimé en concentration équivalente de Trolox ; 1 unité ORAC équivaut à 1 µmole de Trolox par g ou pour 100g (extraits et fruits) ou 1 µmole de Trolox par µmole de composé pur.

Ce test est applicable sur les végétaux (plantes, fruits, légumes) et leurs produits dérivés.

Plus l'indice ORAC est élevé et plus la substance a un pouvoir antioxydant élevé.

 

Quelques valeurs d'indice ORAC pour quelques substances :

 

Substances

Indice ORAC

en µmol TE/100g

Substances

Indice ORAC

en µmol TE/100g

Substances

Indice ORAC

en µmol TE/100g

Haricots

8033

Noix

13541

Clou de girofle (poudre)

290283

Lentilles

7282

Prunes

6100

Cannelle

267536

Choux

1359

Grenades

4479

Persil

74349

Tomates

337

Pommes

3898

Cacao (poudre)

55653

Concombres

140

Oranges

2103

Poivre

27618

 

Remarque :

L'USDA (département de l'agriculture des Etats-Unis) a publié une liste de 326 aliments avec des indices ORAC rapportés à 100g de matière. Cette liste a été retirée quelques temps après, en révélant qu'il n'y avait pas de preuves scientifiques sur la corrélation entre l'action antioxydante et les effets bénéfiques attribués aux substances individuelles.

           

            2-4) Test FRAP (Ferric Reducing Antioxydant Power)

C'est une méthode colorimétrique de transfert d'électrons (SET) permettant de mesurer la capacité d'un antioxydant à réduire le complexe ferrique-tripyridyltriazine Fe(III) (TPTZ)2 de couleur jaune en cation ferreux- tripyridyltriazine fe(II)(TPTZ)2 de couleur bleue, qui absorbe à 593 nm.

 

FRAP2.gif

FRAP3.gif

Complexe Fe(III)(TPTZ)2

Complexe fe(II)(TPTZ)2

 

La réaction correspond à :

FRAP10.gif

La valeur d'absorbance obtenue par spectrophotométrie permet de corréler la quantité de fer réduite (obtenue par étalonnage avec des solutions de fer(II)) avec la quantité d'antioxydant. Le Trolox ou l'acide ascorbique (annexe 4) sont utilisés comme références.      


Annexe 1

Le trolox

ou

Acide 6-hydroxy-2,5,7,8- tétraméthylchromane-2- carboxylique.

C14H18O4

Masse molaire

250,290 g.mol-1

Solubilité

Soluble dans l'eau

N° CAS

53188-07-1

TROLOX.gif

Le trolox

ALPHATOCO.gif

 

L'α-tocophérol

 

Cette molécule est un analogue de l'α-tocophérol, un des constituants de la vitamine E ; elle est soluble dans l'eau et possède un fort effet antioxydant.

C'est un inhibiteur des dommages occasionnés par l'oxydation sur les membranes des cellules.

On s'en sert comme référence pour estimer la capacité antioxydante d'une substance (TEAC).


ANNEXE 2

La fluorescéine

FLUORESCEINEBIS.gif

Matière colorante obtenue par déshydratation d'un mélange d' anhydride phtalique et de résorcinol. Elle se présente sous forme d'une poudre rouge, qui donne à l'eau une couleur "vert fluo" même à l'état de trace.

FLUO1.gif


Annexe 3

Produits de dégradation de la fluorescéine en présence de AAPH.

FLUORESCEINE2.gif

 


AnneXe 4

L'acide ascorbique

ASCORBIQUE.gif

L'acide ascorbique est un réducteur, sa fonction énol étant très oxydable.
Lorsqu'il a été oxydé il devient l'acide déhydroascorbique (Dha):
DHA.gif