LES TEINTURES

Fixation des colorants sur les fibres textiles

Jacques BARON


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Plan de l'étude :

            1) Nature des fibres

            2) Principes des méthodes

            3) Les colorants directs

                        3-1) Colorants substantifs

                        3-2) Colorants acides

                        3-3) Colorants basiques

                        3-4) Colorants réactifs

            4) Colorants de cuve

                        4-1) Colorants indigoïdes

                        4-2) Colorants à structure anthraquinonique      

            5) Colorants développés

            6) Colorants à mordants

            7) Colorants métallifères

            8) Colorants au soufre

            9) Vue d'ensemble sur la coloration des matières plastiques

            10) Conclusion


La fixation des colorants sur les fibres textiles :

Il s'agit le plus souvent de réactions chimiques mais dans certains cas, la substance colorante peut-être dispersée dans la matière à teindre sans qu'il y ait de véritables liaisons.

Les teintures et l'impression relèvent de techniques différentes mais nous n'aborderons que le point de vue chimique.

            Dans la pratique, il faut prévoir des substances, selon les circonstances, pour ajuster le pH, rendre le milieu suffisamment ionique, ou des agents dispersants, etc…

            Enfin, cet article concerne l'utilisation de colorants synthétiques ou naturels dans des pays aux ressources très diverses.

1) Nature des fibres :

Pratiquement la matière à teindre se présente sous forme de fibres, en écheveaux ou tissées.

Si nous excluons les fibres d'amiante (interdites), les fibres de carbone et les fibres métalliques (par exemple les fils d'or) pour lesquelles une teinture n'est, en principe, pas justifiée, on distingue :

 

·       Les fibres végétales, qui sont constituées de cellulose : coton, lin, chanvre, jute, ramie, sisal, ….. Chimiquement on est en présence d'une multitude (des milliers) de groupes –OH, disposés sur un enchaînement à base de β-D-glucopyrannose-1,4-β-D-glucopyrannose :

CELLOBIOSEA

·       Les fibres animales, qui sont de nature protéinique : laine du mouton et poils d'autres animaux (chèvre, chameau, lama, alpaga, ….), ainsi que les sécrétions de ver à soie (Bombyx du mûrier). Chimiquement, on est en présence d'un grand nombre de molécules reliées les unes aux autres par des groupements peptidiques –CO-NH-. Aux extrémités de la chaîne, il y a des groupes –NH2 ou –COOH.

 

·       Les fibres artificielles qui sont –par définition- des fibres naturelles modifiées : cellulose régénérée (coton mercerisé, viscose), acétate de cellulose.

 

·       Les fibres synthétiques, qui sont des polymères. Ces macromolécules sont élaborées à partir de diverses molécules qui en sont les monomères. Quelques exemples de polymères :

 

PVC.gif

POLYACRYLONITRILE.gif

POLYAMIDE.gif

POLYESTER.gif

Poly vinyle chloré

Poly acrylonitrile

Polyamide

Polyester (poly téréphtalate d'éthylène glycol)

 

 

·       Nous dirons un mot de la coloration des fibres de verre.

 

2) Principes des méthodes :

            Pour décrire le comportement des substances colorantes vis-à-vis du support, il est nécessaire de classer celles-ci en plusieurs catégories :

¾     Colorants directs :

            Il n'y a qu'à mettre le colorant en présence du support, dans un milieu convenable (solution) :

·       Pour les colorants dits "substantifs", des liaisons hydrogène ou des liaisons de Van der Waals suffisent.

·       Pour les colorants acides et basiques, il s'agit de véritables réactions chimiques acide-base avec des fonctions présentes sur le support.

·       Avec les colorants dits "réactifs", il s'établit des liaisons covalentes. La teinture est très résistante mais ce procédé n'est pas très courant car il met en jeu des molécules qui ne sont pas très répandues.

¾     Colorants de cuve :

Après mise en présence, il faut laisser se produire spontanément une réaction chimique sur la fibre retirée du bain (en pratique une oxydation à l'air) pour que la couleur apparaisse.

¾     Colorants développés :

Après avoir fixé un premier composant sur la fibre, on ajoute dans le bain, un deuxième composant qui réagit avec le premier ; ainsi, la synthèse du colorant s'effectue sur la fibre elle-même.

¾     Colorants par mordançage :

            La fixation du colorant s'effectue par l'intermédiaire d'un "mordant", espèce qui assure le lien entre colorant et fibre grâce aux liaisons de coordination qu'il permet de mettre à profit.

¾     Colorants métallifères :

            On met en présence fibre et colorant, celui-ci étant un complexe d’un ion métallique (Cu2+, Cr3+, …..) réalisé avec une ou deux molécules organiques. La présence du métal modifie la couleur due à la molécule organique seule,     généralement en la renforçant.

¾     Colorants au soufre :

Il faut dissoudre le colorant dans une solution de sulfure de sodium (Na2S), puis réaliser une oxydation.

¾     Colorants et pigments dispersés :

Les colorants en solution ou en émulsion et les pigments – donc des solides- sont introduits et se dispersent dans la matière à colorer. Il faut souvent ajouter un "véhiculeur" pour faciliter la pénétration ; les éléments colorants sont simplement emprisonnés.

 

3) Les colorants directs :

            3-1) Colorants substantifs :

Le lien entre colorant et matière à teindre est assuré par des liaisons hydrogène et des liaisons de Van der Waals.

¾     Exemple : avec le bleu de méthylène sur cellulose ou fibre protéinique

TEINTURE1.gif

Si on trempe un tissu dans le bleu de méthylène, il se colore mais, rincé abondamment à l'eau, la teinte a tendance à disparaître parce que le colorant est entrainé.

En général, ce type d'association est faible et la teinture n'est pas solide.

           

¾     Cependant, si les dimensions de la molécule de colorant sont adaptées à la structure du produit à teindre, on obtient un résultat convenable. C'est le cas de plusieurs bis-azoïques sur la cellulose.

La distance des groupes -N=N- dans les bis-azoïques à groupes immédiatement voisins est 1,08 nm. Le motif correspondant au cellobiose dans la cellulose mesure 1,03 nm.

Ainsi le rouge congo teint parfaitement la cellulose car sa molécule s'adapte bien au support comme le montre le schéma ci-dessous où apparaissent les liaisons hydrogène entre le rouge congo et la cellulose.

 

CONGOCELLOBIOSE.gif

 

Confirmation : le triacétate de cellulose ne fixe pas le rouge congo

 

3-2) Colorants acides :

Leur molécule comporte une ou plusieurs fonctions acide ; en solution il apparaît donc des anions

 TEINTURES3.gif, -SO3- , -O- …..d'où leur appellation : colorants anioniques.

Ils forment des liaisons ioniques avec des supports à sites cationiques, essentiellement –NH3+ et plus généralement

TEINTURES4.gifdes fibres protéiniques ou des polyamides en milieu acide.

 

¾     Un exemple qu'on peut souligner est l'acide picrique :

            ACIDEPICRIQUE.gif

C'est un acide fort.

Il teint en jaune la laine, le nylon, … Il n'agit pas sur le coton.

 

¾     On trouve également les groupes TEINTURES3.gif et -SO3-, des substances à fonction carboxylique, sulfonique, qui favorisent la teinture en tant qu'adjuvants.

·         On peut citer :

Le bleu acide 45, dérivé anthraquinonique

 

BLEUACIDE45.gif

 

ou le jaune acide 1 dérivé de nitronaphtol

 

JAUNEACIDE.gif

·         La crocétine

COLORANT51.gif

Issue des stigmates du safran (Crocus sativus) très cultivé en Iran, en Inde, en Grèce, en Espagne, soluble dans l'eau, teint la laine et la soie en jaune intense et même en orangé car elle est accompagnée de petites quantités de caroténoïdes voisins. Le safran du cachemire tire davantage sur le rouge.

 

·         Plusieurs dérivés hydroxylés de l'anthraquinone, porteurs d'un groupe –COOH, issus des Coccidés (cochenilles), donnent à la soie des teintes vermillon, écarlate, cramoisi, carmin très prisées.

L'acide carminique, pour prendre un exemple, est présent sous forme de sel de potassium d'un glucoside qui ne s'hydrolyse pas facilement dans les conditions de teinture.

Sur les –NH3+ de la soie, dans un milieu convenable, on a :

TEINTURE5.gif

            3-3) Colorants basiques :

            Ils comportent des cations d'où leur autre appellation : colorants cationiques, essentiellement TEINTURES4.gif. Ils forment des liaisons ioniques avec des supports à sites anioniques, notamment les TEINTURES3.gif terminaux de la laine, de la soie, des polyamides et aussi les -SO3-, des fibres acryliques greffées (polyacrylonitrile sulfoné).

 

¾     Nous trouvons ici les dérivés azotés du triphénylméthane

            TEINTURE6.gif sous la forme TEINTURE7.gifd'un des noyaux.

            Il existe toute une série de violets obtenus avec des molécules comportant plus ou moins de –CH3 sur les atomes d'azote ; plus il y a de –CH3, plus la teinte est foncée.

            Exemple : le violet cristal

VIOLETCRISTAL.gif

            Si on supprime un groupe –N(CH3)2 on obtient le vert malachite :

            MALACHITE.gif

 

¾                 La berbérine est un colorant naturel, présent dans de nombreuses espèces végétales, notamment les mahonia (famille des berberidacées) et l'épine-vinette (Berberis vulgaris), qui permet de teindre très facilement d'un beau jaune.

 

BERBERINIUM.gif

Cation berbérinium

 

            3-4) Colorants réactifs :

            Ils forment, avec le support, de véritables liaisons covalentes. La teinture est très solide.

            Mais ces circonstances sont exceptionnelles et les formules des composés colorants sont bien particulières.

            Il faut que le colorant ait le groupe vinylsulfone –SO2-CH=CH2 ou le groupe triazine chloré :

            TRIAZINE.gif

            qui sont, en l'espèce, des groupes réactifs.

            Appelons T le reste d'une molécule comportant un de ces groupes. Traitons de la cellulose Cell-OH, en mettant symboliquement en évidence l'un de ses multiples groupes –OH.

            Les équations mises en jeu sont :

·         Soit

TEINTURES7.gif

 

·         Soit

TEINTURES8.gif

 

            Pour donner une idée de ces molécules colorantes, nous citerons comme exemple :

            TEINTURES9.gif

            On distingue la molécule chromophore liée au groupe réactif.

            Dans la laine, les sites –NH- et NH2 réagissent comme les –OH cellulosiques. Ce type de teinture se développe, de nouveaux groupes réactifs voient le jour. Dans les recherches les plus récentes, les chromophores sont encore le plus souvent azoïques ou anthraquinoniques mais ils peuvent être liés à des groupes vinyliques diversement activés ou à d'autres hétérocycles azotés halogénés.

 

4) Les colorants de cuve :

 

            4-1) Il s'agit essentiellement des colorants indigoïdes.

            L'expression "colorants de cuve", traditionnelle, tient son origine dans le fait que cette méthode de teinture ne nécessitant pas une température supérieure à 50°C, on s'est servi de cuves en bois ou en céramique et non de récipients métalliques susceptibles d'être chauffés. Cette pratique ancestrale a perduré jusqu'à nos jours.

 

¾     L'indigo

INDIGO.gif

 

·         On souhaiterait tremper le tissu dans le colorant en solution mais le problème est que le colorant n'est pas soluble. Il le devient si on l'a soumis à une réaction de réduction mais il est alors pratiquement incolore (leucodérivé).

Alors on imprègne le tissu avec la solution incolore puis on l'expose à l'air. L'oxydation fait apparaître la forme colorée.

La réduction se fait avec du dithionite de sodium Na2S2O4

 

INDIGO.gif

 

Le système est couplé avec

TEINTURES11.gif

pour la réduction, et avec

TEINTURES13.gif

pour l'oxydation.

 

·         Le leucodérivé se fixe sur la cellulose par liaisons hydrogène. En schématisant la cellulose par cell-OH :

 

TEINTURES14.gif

 

La forme colorée précipite sur et à l'intérieur des fibres ; grâce à la structure réalisée on obtient une teinture très résistante ("jeans").

 

·         Le leucodérivé se fixe sur laine, soie, nylon par liaisons ioniques. Pour être simple, représentons un élément de ces diverses fibres par

COL1.gif

On s'adaptera aisément à tous les cas suivant les molécules terminales des chaînes d'acides aminés ou de polyamides

TEINT2.gif

Leucodérivé

 

¾     La pourpre :

 

·         C'est une teinte d'un violet tirant sur le rouge, quelquefois sur le bleu, composée de colorants chimiquement très proches de l'indigo, obtenue à partir de coquillages des mers chaudes et même tempérées, les murex et les pourpres. Beaucoup d'espèces atteignent de grandes tailles, pouvant dépasser 20 cm.

Dans l'Antiquité, autour de la méditerranée, certaines teintes étaient si prestigieuses que des empereurs s'en sont réservé l'exclusivité

 

·         Comme dans le cas de l'indigo, le précurseur est incolore. C'est un liquide présent dans une glande du mollusque vivant. Par rapport à l'indoxyle, précurseur de l'indigo, les molécules comportent en général du brome et du soufre.

Exemple type :

TEINTURES17.gif

La couleur apparaîtra après extraction du liquide (il faut casser la coquille), sous l'effet de l'oxygène de l'air et de la lumière. Il se dégage des gaz nauséabonds (mercaptans R-SH).

On peut obtenir par exemple :

DIBROMOINDIGO.gif

 

·         Pour teindre, on trempe le tissu dans une cuve où on a mis à macérer le jus d'un très grand nombre de coquillages, le plus possible à l'abri de de l'air et de la lumière. On observe le résultat à la sortie de la cuve ; il y a alors effet de l'air et de la lumière.

On peut encore observer la mise en pratique de cette méthode dans certaines contrées d'Amérique centrale.

 

            De nos jours on peut obtenir le 6,6'-dibromo indigo par synthèse, à l'échelle industrielle.

 

                        4-2) Enfin, en utilisant des colorants à structure anthraquinonique et des agents oxydants comme l'eau oxygénée H2O2 pour la dernière étape, on peut obtenir des teintes très variées.

 

Exemple : Bleu d'indanthrène

BLEUDINDANTHRENE2.gif

La partie quinonique de la molécule, par réduction (Na2S2O4,….) prend une structure phénolique

TEINT3.gif

 

5) Colorants développés :

 

¾     On appelle ainsi des colorants qui sont synthétisés sur la fibre. En pratique, la synthèse est une copulation avec un phénol et le colorant est un azoïque :

            TEINTURES18.gif

 

            - Cette méthode convient bien à la cellulose. Le β-naphtol est très employé d'où l'appellation "teinture au β-naphtol" qu'on emploie parfois pour la pratique de la teinture par colorants développés.

            - Le rouge de p-nitroaniline dit "rouge para" donne de très bons résultats. Les fibres de cellulose sont trempées dans une solution alcaline de β-naphtol ; il s'exerce des liaisons hydrogène et des forces de Van der Walls. Puis les fibres sont retirées, égouttées et trempées dans une solution refroidie du diazoïque de la p.nitroaniline (le milieu acide transforme le phénate en phénol). Enfin on rince et on met à sécher. On obtient une belle couleur rouge.

TEINTURES19.gif

 

¾     Le colorant apparaît sur la fibre. La teinture "rouge para" a été très pratiquée dans le passé (torchons).

Mais on peut envisager l'emploi :

v  Pour le diazoïque appelé "développeur" beaucoup de dérivés de l'aniline.

v  Pour la copulation, comme "agents de couplage" des anilides type :

TEINTES3

où on voit toujours le groupe β-Naphtol.

6) Colorants à mordants :

 

·         Principe :

            La fixation du colorant se fait grâce à la présence d'un intermédiaire : le mordant :

            TEINTURES20.gif

Ces intermédiaires sont de deux types :

·         Soit un ion métallique : Al3+, Cr3+, Fe3+, ou Fe2+, Cu2+, ….

C'est par chélation que le mordant est relié à la fois à la fibre et au colorant. Les mordants sont des solutions d'alun, d'acétate d'aluminium, de sels ferriques, de sels chromiques ; dans ce dernier cas, ces colorants à mordants, très utilisés pour teindre la laine, sont appelés "colorants au chrome". On utilise K2Cr2O7 mais c’est Cr3+ qui est présent dans le complexe ; la réduction peut se faire grâce à l’acide formique (FORMIQUE.gif réducteur ) employé pour ajuster le pH.

·         Soit un polyphénol.

Les liaisons font intervenir les doublets des atomes d'oxygène, donneurs d'électrons

                        TEINTURES21.gif

                        Ou encore les hydrogènes des –OH (liaisons hydrogène).

            Remarque : comme ces substances sont également des tanins, on parle de "mordançage au tannin".

            Le mordançage des fibres peut se faire avant teinture ou en présence du colorant. En pratique, le choix de la méthode repose sur diverses considérations : possibilité de réaction, teinte recherchée (qui ne sera pas forcément

celle du colorant) et maintenant toxicité de certains éléments (Cr3+).

 

¾     Mordançage à l'alun :

·         L'alun ordinaire a pour formule Al2(SO4)3, K2SO4, 24 H2O ou ( AlK(SO4)2, 12 H2O).

C'est le type d'une famille de composés isomorphes (Mlll)2(SO4)3, MlSO4, 24 H2O.

Il est choisi pour des raisons de commodité mais l'élément déterminant Al3+ peut provenir de Al2(SO4)3 ou Al(CH3COO)3.

Les composés apportant Cr3+ donnent aussi d'excellents résultats.

·         Expérience utilisant l'alizarine :

ALIZARINE.gif

C'est une poudre rouge orangé ; dissolvons-la dans une solution de soude, on obtient une solution rouge-violet ; ajoutons une solution contenant Al3+, on obtient un colorant rouge vif gélatineux.

Les colorants gélatineux sont appelés "laques".

On peut teindre un morceau de tissu de coton en le trempant dans cette solution.

On peut écrire, en représentant schématiquement la cellulose par

TEINTURES24.gif et en milieu alcalin dilué :

TEINTURES24.gif

Mais on peut envisager d'autres possibilités :

            - remplacer les deux molécules d'eau par une autre molécule d'alizarine ou par deux autres –OH cellulosiques

            - ioniser le deuxième –OH de l'alizarine (soude plus concentrée) d'où un deuxième TEINTURES25.gif.

Dans le cas de la laine, qui se teint aussi très bien, les liaisons covalentes de coordination issues des –OH de la cellulose sont remplacées par des liaisons issues de l'azote et de l'oxygène des groupes teintes4.gif

.TEINTES5.gif

·         Enfin l'alizarine peut être remplacée par toute une série de dérivés hydroxylés de l'anthraquinone, certains d'ailleurs présents à côté de l'alizarine dans la racine de garance :

 

 

PURPURINE

 

 

XANTHOPURPURINE.gif

PSEUDOPURPURINE.gif

RUBIADINE.gif

 

Purpurine

 

Xanthopurpurine

Pseudopurpurine

Rubiadine

 

 

 

 

 

 

¾     Mordançage au tanin :

 

·         Les tanins sont des polyphénols présents en abondance dans certains arbres : chêne (notamment dans les galles), châtaignier, pistachier (pourtour méditerranéen), sumac (Chine, Japon, Laos), acacia à cachou (versant sud de l'Himalaya, Thaïlande, …..).

 

·         Certains tanins sont des hétérosides mais leur hydrolyse libère facilement deux molécules fondamentales. Selon le cas ces molécules sont :

 

ACIDEGALLIQUE.gif

ACIDELLAGIQUE.gif

Acide gallique

Acide ellagique

 

Par leurs multiples fonctions phénol ou phénate (en milieu alcalin) ils peuvent produire des chélations ou donner des liaisons hydrogène, autant de "dents" pour accrocher la cellulose ou les protéines d'une part et certains colorants d'autre part.

En ce qui concerne la couleur obtenue, on peut s'en servir pour teindre directement en jaune, roux ou brun.

 

·         Un deuxième groupe de tanins, présents dans des plantes, ne donnent pas lieu à hydrolyse. Ce sont des anthocyanes. Par exemple la gallo catéchine :

 

GALLOCATECHINE.gif

Ils teignent directement, donnant des tons plus rouges et plus intenses.

·         Ainsi, beaucoup de tanins sont des mordants mais, ils peuvent aussi apporter eux-mêmes la couleur, tout au moins dans une certaine gamme.

·         Enfin, l'addition de sels de fer donne, avec les phénols, des colorants noir, gris, brun (le fer est probablement complexé) et ces colorants peuvent, eux aussi, se fixer sur les fibres.

 

Remarque : tannage

Le tannage des peaux, pour les rendre imputrescibles et donner des cuirs, peut se faire par action du tanin de chêne sur les fibres dermiques de la peau, le collagène.

Le fait que le tannage puisse se faire aussi avec l'alun fait penser à rapprocher mordançage et tannage. Mais on ne compte pas sur le tannage pour obtenir la couleur définitive d'un cuir ; on fait appel ensuite, par exemple à des amines aromatiques, notamment l'aniline.

 

7) Colorants métallifères :

 

¾     On les a définis jadis comme des colorants qui se fixent sur les fibres mais qui ne donnent une teinte définitive stable qu'après avoir été trempés dans une solution de sulfate de cuivre (CuSO4).

¾     Exemple1 : On peut traiter des tissus par un colorant naturel jaune à base de flavonols et issu du "pied d'alouette jaune" (Delphinium zalil), le kaempférol et des molécules voisines.

KAEMPFEROL.gif

La solution de ce colorant, additionnée de Na2CO3, donne une teinte jaune d'or ; mais si on ajoute un peu de CuSO4, on obtient un très joli vert. Le métal se fixe sur ces molécules (flavones, anthocyanes, ….) par complexation mettant en jeu deux –OH voisins ou un –OH et un C=O voisins.

¾     Exemple2 :

On trempe un morceau de tissu de coton dans une solution aqueuse d'un colorant bleu turquoise, la phtalocyanine de formule :

PHTALOCYANINE.gif

On ajoute du sulfate de sodium et on chauffe à ébullition. On retire le morceau de tissu, on le rince et on le sèche. Il est d'un bleu assez clair. Ensuite, on trempe ce tissu dans un mélange en solution aqueuse de sulfate de cuivre et d'acide acétique. On porte à 80°C pendant quinze minutes ; puis on retire le tissu, on le rince et on le sèche. Il est devenu d'un bleu soutenu, il s'est formé de la phtalocyanine de cuivre de formule :

CUPHTALOCYANINE.gif

¾     Ces deux exemples montrent que l’incorporation d’un ion métallique peut modifier une teinture.

      Les mécanismes de liaison du colorant à la fibre sont de divers types connus : forces de Van der Waals, liaisons hydrogène, mordançage, colorants acides, …..

      Ce sont des colorants dus à des complexes métalliques.

      On peut considérer en principe qu’avec les colorants métallifères on fait agir un sel métallique sur un colorant de base puis on traite la fibre ; le colorant est dit « pré-métallisé » .Alors que dans le mordançage, on traite la       fibre avec un sel métallique puis on ajoute le colorant mais les techniques évoluent .

¾     Exemple d'un colorant azoïque qui a fixé du chrome Cr3+

Avec

CORRECTIF1.gif

On a :

COLORANTAUCHROME.gif

 

Grâce à ses groupements –SO3H, ce colorant se fixera sur les parties basiques de la fibre, par exemple –NH- de la laine.

 

8) Colorants au soufre :

           

            8-1) On peut teindre avec des colorants obtenus par fixation du soufre sur des composés

·         à noyau benzène diversement substitué (amines aromatiques, dérivés nitrés, phénols, ….)

 

HUITUNUN.gif

HUITUNDEUX.gif

HUITUNTROIS.gif

HUITUNQUATRE.gif

 

·         à noyau hétérocyclique, le plus souvent azoté

 

Exemple : dérivé de pyrazine

HUITUNCINQ.gif

 

·         et d'autres encore, à masse molaire plus ou moins élevée.

 

 Exemple de réaction entre le soufre et une molécule de ce type

 

HUITUNSIX.gif

Mais on constate que le bleu de méthylène ne peut pas servir à teindre les fibres de façon durable.

 

            8-2) On réserve l'appellation "colorants au soufre" à des substances organiques soufrées qui teintent les fibres parce qu'elles ont été retenues au sein de celles-ci grâce à une insolubilisation.

Ce sont essentiellement les fibres cellulosiques qui se prêtent bien à l'opération.

 

Le produit de la fixation du soufre sur une molécule appropriée (parfois un mélange de deux molécules différentes) est insoluble dans l'eau. On peut lui donner une forme soluble en le réduisant par action du sulfure de sodium en milieu alcalin. Il est alors apte à être absorbé par la fibre. De ce fait, il est intéressant d'utiliser, si ce n'est pas le soufre lui-même, des polysulfures alcalins.

 

En effectuant ensuite une oxydation, par l'eau oxygénée ou des composés halogénés oxydants, le produit devient insoluble et reste emprisonné.

 

Le procédé rappelle les colorants de cuve.

 

            8-3) La structure des colorants obtenus est généralement mal connue. C'est pourquoi ces matières colorantes sont désignées par la nature de leur(s) composant(s) de départ.

 

SULFURBLACK1.gif

 

SULFURBROWN12.gif

 

Dans les colorants au soufre, il peut y avoir des atomes de soufre dans les noyaux et dans les chaînes.

On a mis en évidence, par exemple,

les cycles  thiazole

et  dibenzothiazinone

                THIAZOLE.gif

DIBENZOTHIAZINONE.gif

 

Une molécule de type Col-SH peut, par oxydation, donner Col-S-S-Col.

 

9) Vue d'ensemble sur la coloration des matières plastiques :

            Affinité des matières plastiques – Colorants :

¾     Certaines matières plastiques peuvent se teindre comme les fibres cellulosiques ou protéiniques à cause de leur structure moléculaire qui est comparable.

Exemples : acétate de cellulose acétylé à 60%

                  Polyamides, à rapprocher de la laine et de la soie.

¾     On peut aussi greffer au polymère des groupements qui permettront la teinture.

Exemple : polyacrylonitrile greffé avec –SO3H.

¾     Mais s'agissant de liaisons entre matières colorantes et matières plastiques, on peut dire que, la plupart du temps, il n'y a pas affinité.

 

Mise en œuvre de la coloration

¾     Il peut arriver que la matière colorante soit soluble dans un solvant du polymère.

Exemple : le benzène dissout le polystyrène ; l'alizarine est également soluble dans le benzène.

On parle alors de colorants plastosolubles.

¾     Le plus souvent, la matière colorante est insoluble, c'est-à dire qu'il n'y a pas de solvant compatible ; on a alors à faire à des pigments.

·        On peut employer des pigments d'origine minérale (oxydes, sels,….).

Quelques exemples :

A base de

Couleur

Ti, Zn

Blanc (TiO2 des appareils ménagers)

Cd

Jaune

Co, Mn

Violet

C

Noir (noir de carbone des pneus)

Ils sont stables à la chaleur et aux UV, conviennent bien pour exposition à l'extérieur.

·        Les pigments de nature organique sont des molécules plus ou moins riches en doubles liaisons.

Quelques exemples :

Nature

Couleur

Azoïques

Jaune, orangé, rouge

Phtalocyanines

Vert, bleu

Dérivés d'oxydation de l'aniline

Noir

¾     En pratique, couramment, colorants liquides ou pigments sont mélangés progressivement à la matrice polymère à l'état visqueux (avant extrusion le cas échéant), permettant d'obtenir des objets colorés dans la masse, transparents dans le cas des colorants, opaques dans le cas des pigments.

Ce sont des matières colorantes dispersables.

Exemples :

·        Polyéthylène, polychlorure de vinyle, polyacrylonitrile,….opaques, teintés dans la masse.

·        Plaques transparentes et colorées en polyméthacrylate de méthyle, polycarbonate,….

¾     Mais il arrive également qu'on soit amené à mettre en œuvre un "véhiculeur", molécule capable de rapprocher l'espèce colorante de la matière plastique, notamment en fils, et de pénétrer entre les fibres pour favoriser la migration de la couleur. Le véhiculeur, très peu soluble dans l'eau, est en émulsion et joue le rôle de solvant entre espèce colorante et polymère. Au cours de la teinture, à chaud, le véhiculeur s'évapore. Au refroidisement, l'espèce colorante reste emprisonnée.

Exemple : on peut teindre ainsi des polyesters à l'anthraquinone ou au rouge de paranitroaniline avec le diphényle comme véhiculeur.

¾     Remarque : le verre, en blocs, en lames ou en fibres est teinté par dispersion puisque la masse de verre en fusion reçoit des pigments minéraux divers en fonction de la teinte à obtenir. Mais dans cette structure cristalline semi-ordonnée de silicates, il peut y avoir des liaisons chimiques résultant de l'action du pigment coloré sur les éléments fondamentaux du verre.

 

10) Conclusion :

 

            Pour conclure ce sujet sur les teintures, nous nous appuierons sur deux constatations :

¾     L'élasthane

ELASTHANE.gif

un polyuréthane aux propriétés élastiques remarquables peut se teindre par la presque totalité des méthodes précédemment exposées (colorants acides, basiques, réactifs, par mordançage, dispersés).

 

¾     La curcumine, issue des rhizomes de curcuma est un colorant extrêmement répandu en Inde et dans le sud-est asiatique :

CURCUMINE.gif

Elle teint d'un jaune éclatant pratiquement n'importe quelle matière.

Les robes des bonzes en sont un magnifique exemple.

 

            Au vu des formules, on peut supposer que différents types de liaisons interviennent.

            En teinture, les modes de liaisons support-colorant ne sont pas toujours bien connus.

            Ces techniques, qui sont ancestrales, gardent encore une partie de leurs secrets.