OESTROPROGESTATIFS

Gérard GOMEZ


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1) Définition – Généralités :

            Les oestroprogestatifs sont des médicaments alliant deux hormones ; ils sont soit à visée contraceptive soit à visée thérapeutique dans le cas d'anomalies du fonctionnement hormonal féminin. Nous n'examinerons ici que les médicaments contraceptifs oraux couramment désignés par "pilules contraceptives" ou plus simplement "pilules".

            L'une des deux hormones a un pouvoir œstrogène et régule le cycle menstruel. L'autre, une hormone progestative, joue le rôle de contraceptif ; elle bloque l'ovulation en inhibant deux hormones du cycle féminin la LH et la FSH (document 1) ; elle épaissit la glaire cervicale, cette sécrétion de glycoprotéines au niveau du col de l'utérus, ce qui rend plus difficile le passage des spermatozoïdes ; elle modifie l'endomètre (elle amincit cette muqueuse qui tapisse l'intérieur de l'utérus) ce qui rend plus difficile la fixation de l'œuf fécondé.

            C'est en 1957 qu'est apparue la première combinaison oestroprogestative ; l'œstrogène était le mestranol :

MESTRANOL.gif

            et le progestatif, le Noréthynodrel :

NORETHYNODREL.gif

Les caractéristiques de ces deux molécules sont données dans les annexes (a) et (b).

Depuis, beaucoup d'autres oestroprogestatifs ont été commercialisés ; nous allons tour à tour voir quels sont les oestrogènes et les progestatifs utilisés.

Remarque :

La présentation des oestroprogestatifs suppose une bonne connaissance de la numérotation habituelle du noyau des stéroïdes. Nous la rappelons :

NOYAUSTEROIDE.gif

2) L'hormone œstrogène :

            C'est très souvent une hormone de synthèse de type stéroïde, l'éthynyloestradiol :

ETHINYLESTRADIOL.gif

 

dont les caractéristiques sont regroupées dans l'annexe 1.

Cette molécule dérive d'un des principaux oestrogènes naturels, l'oestradiol :

ESTRADIOL.gif

par remplacement d'un hydrogène du carbone 17 par un groupement éthynyle.

Sa synthèse a été réalisée la première fois en 1938.

On peut obtenir cette molécule en une étape par éthynylation de l'oestrone par l'éthyne (acétylène) en présence d'une base forte, l'amidure de sodium :

GEST1.gif

 

Des développements récents conduisent à utiliser directement l'oestradiol comme œstrogène au lieu de son dérivé éthynylé ; bien que ce soit un produit de synthèse, on emploie alors l'expression très parlante de pilule à œstrogène "naturel" parce que l'oestradiol est l'hormone présente dans l'organisme (document 1).

 

3) Les hormones progestatives :

Contrairement à l'hormone œstrogène qui, nous l'avons dit, est très souvent l'éthynyloestradiol, on utilise plusieurs hormones progestatives.

Ce sont des hormones de synthèse dont le rôle s'apparente à celui de l'hormone naturelle, la progestérone :

PROGESTERONE.gif

 

On trouve par exemple :

            - Noréthistérone dont la formule est :

NORETHISTERONE.gif

Cette molécule de synthèse a une structure voisine de la 19-nortestostérone (annexe (c)). Elle en dérive par remplacement d'un hydrogène du carbone 17 par un groupement éthynyle. Elle est présente dans des oestroprogestatifs de première génération.

Les caractéristiques de cette molécule sont données dans l'annexe 2.

 

            - Norplant ou Norgestrel (-) ou lévonorgestrel dont la formule est

NORGESTREL.gif

Cette molécule de synthèse a une structure voisine de la 19-nortestostérone (annexe (c)). Elle est présente dans des oestroprogestatifs de deuxième génération.

Les caractéristiques de cette molécule sont données dans l'annexe 3.

 

            - Gestodène

GESTODENE.gif

Cette hormone de synthèse a une structure voisine de la 19-nortestostérone (annexe (c)). Elle possède une très faible activité androgénique. Elle est présente dans des oestroprogestatifs de troisième génération.

Ses caractéristiques sont données dans l'annexe 4.

 

            - Diénogest

De structure voisine de la 19-nortestostérone (annexe (c)) cette molécule de synthèse ne possède pas de groupement éthynyle. Elle possède une très faible activité androgénique. Elle est présente dans des oestroprogestatifs de quatrième génération.

Ses caractéristiques sont données dans l'annexe 5.

OESTRO1.gif

 

            - Drospirénone

Une spironolactone de synthèse présente dans des oetroprogestatifs dits de quatrième génération ; son profil est similaire à celui de la progestérone.

Ses caractéristiques sont données à l'annexe 6.

DROSPIRENONE.gif

 

            - Norgestimate :

C'est un progestatif de synthèse présent dans les contraceptifs oraux dits de troisième génération. Il ne présente pratiquement pas d'effet androgène.

Ses caractéristiques sont données à l'annexe 7.

norgestimate.gif

 

            - Désogestrel :

C'est un progestatif de synthèse présent dans les contraceptifs oraux dits de troisième génération. Il ne présente pratiquement pas d'effet androgène.

Ses caractéristiques sont données à l'annexe 8

DESOGESTREL.gif.

 

4) Les différentes générations d'oestroprogestatifs :

C'est par la nature du progestatif que l'on distingue les différentes générations de contraceptifs oraux.

La première génération est apparue dans les années 1960 et la deuxième entre 1970 et 1980.

C'est pour pallier certains inconvénients comme par exemple les effets androgènes des progestatifs utilisés dans ces médicaments que des oestroprogestatifs de troisième et quatrième génération ont été mis au point dans les années 1990-2000.

Il est apparu que ces derniers augmentaient les risques de thrombose veineuse et d'accidents vasculaires cérébraux ischémiques par rapport aux médicaments de deuxième génération ; dès lors ils ont été réservés à des profils particuliers de femmes ne supportant pas les oestroprogestatifs de deuxième génération.

 

5) Retour sur le Norplant ou Lévonorgestrel :

Ce progestatif, on l'a dit, entre dans la composition des contraceptifs oraux de deuxième génération, à faible dose. Il sert également à forte dose, de "contraceptif" d'urgence (pilule dite du lendemain) ; on ne parle plus alors de contraception mais de contragestion.

Il est pour ce dernier usage, en concurrence avec une autre molécule de synthèse, l'acétate d'ulipristal, un inhibiteur des récepteurs de la progestérone, commercialisé en Europe sous le nom d'Ellaone :

ELLAONE

 

ainsi qu'avec la mifépristone ou RU-486 une autre molécule de synthèse plus ancienne, inhibitrice elle aussi des récepteurs de la progestérone :

MIFEPRISTONE

On trouvera en annexe 9 les caractéristiques de l'acétate d'ulipristal et en annexe 10 les caractéristiques de la mifépristone.

 

6) Oestroprogestatifs et environnement :

Depuis novembre 2012, la directive-cadre sur l'eau du Parlement européen, directive visant à prévenir et réduire la pollution des eaux, impose que l'éthynyloestradiol et l'oestradiol soient surveillés et contrôlés dans les eaux de surface en Europe en attendant d'établir des normes quand les données sur ces molécules seront suffisamment nombreuses.

On relève sur la thèse de Olivier Bazard (du premier avril 2011) intitulée "Les médicaments dans les eaux : Présence et impact écotoxicologique …" (http://www.scd.uhp-nancy.fr/docnum/SCDPHA_T_2011_BAZARD_OLIVIER.pdf)

les points suivants :

L'éthynyloestradiol a un temps de demi-vie qui se situe entre 46 et 81 jours dans les eaux de surface, 4,5 et 120 jours dans les sols et 240 à 540 jours dans les sédiments.

L'éthynyloestradiol est excrété dans les urines sous forme de glucuronide ; certaines bactéries sont capables de le libérer de ce composé ; il se fixe alors sur des particules en suspension et peut être transporté sur de longues distances.

Les effets de l'éthynyloestradiol sur les poissons sont la féminisation et des effets nuisibles sur la reproduction.

Ces effets ne se font pas sentir si la concentration est inférieure ou égale à 0,05ng.L-1 ; dans la plupart des eaux de surface ce seuil est largement dépassé (En moyenne, 4,3 ng.L-1 aux Pays-Bas ; 1,3 ng.L-1 en Corée).

A titre de simple information la concentration, en Allemagne, de l'éthynyloestradiol dans l'eau potable est de 2,4 ng.L-1.


Document 1 : Cycle menstruel et hormones.

La fonction de reproduction chez la femme met en jeu l'ovaire et l'utérus mais aussi l'hypothalamus et l'hypophyse.

L'hypothalamus sécrète une gonadostimuline la GnRH (acronyme de Gonadotropin-Releasing Hormone) une hormone peptidique qui stimule la synthèse et la libération de gonadotrophines par l'hypophyse : l'hormone lutéinisante (LH) et l'hormone folliculo-stimulante (FSH) qui sont deux hormones glycoprotéiques.

La LH intervient essentiellement pour provoquer l'ovulation.

La FSH active la croissance du follicule ; Le follicule est un ensemble de cellules situées dans l'ovaire, entourant l'ovocyte (la cellule qui évoluera en ovule après maturation) et qui sécrètent les hormones sexuelles féminines : oestragènes et progestérone. De ce fait, on voit que la FSH induit la sécrétion d'oestrogènes (essentiellement l'oestradiol) jusqu'au 12ème jour du cycle. Ces oestrogènes reconstituent et épaississent l'endomètre (paroi intérieure de l'utérus).

A partir du 14ème jour et jusqu'au 28ème, pendant la phase lutéale, le follicule se transforme en corps jaune* qui sécrète oestrogènes et progestérone. Ces deux hormones agissant en synergie stimulent notamment la formation de la dentelle utérine pour la rendre prête à recevoir l'embryon si l'ovocyte est fécondé.

En l'absence de fécondation le corps jaune régresse, il y a diminution de la concentration des hormones sexuelles et il se produit la menstruation (évacuation de la muqueuse utérine).

Ce schéma des opérations est un schéma très simplifié. En fait vient s'ajouter à ces actions un rétrocontrôle de l'axe hypothalamus-hypophyse par l'ovaire.

La nature de ce rétrocontrôle (positif c'est-à-dire renforçant l'action de l'hypothalamus et de l'hypophyse, ou au contraire négatif, c'est-à-dire inhibant cette action) dépend du moment considéré du cycle.


* Le corps jaune est ainsi appelé parce qu’il contient de la lutéine, un pigment caroténoïde de formule

LUTEINE2

Absorption à λmax= 446 nm ; jaune à faible concentration, rouge orangé à plus forte concentration.


Annexe (a) : Caractéristiques du Mestranol

 

Mestranol

C21H26O2

Aspect :

Cristaux

Masse molaire :

310,430 g.mol-1

Fusion :

151°C

Solubilité :

Soluble dans le chloroforme, le dioxane, l'éther, l'éthanol ; insoluble dans l'eau.

N° CAS :

72-33-3

MESTRANOL.gif


Annexe (b) : Caractéristiques du Noréthynodrel

 

Noréthynodrel

C20H26O2

Aspect :

Cristaux (lorsque recristallisé dans le méthanol)

Masse molaire :

298,419 g.mol-1

Fusion :

170°C

N° CAS :

68-23-5

NORETHYNODREL.gif


Annexe (c) : Caractéristiques de la 19-nortestostérone

 

19-Nortestostérone

ou

Nandrolone

ou

17-hydroxyestr-4-èn-3-one C18H26O2

Aspect :

Cristaux

Masse molaire :

274,398 g.mol-1

Fusion :

112°C

Solubilité :

Soluble dans l'éthanol, l'éther, le chloroforme.

N° CAS :

434-22-0

19nortesto.gif

19-nortestostérone

C'est un stéroïde anabolisant.


Remarque :

Le préfixe 19- nor- signifie que le groupement CH3 dont le carbone porte le numéro 19 dans la numérotation habituelle des stéroïdes (voir testostérone ci-dessous), est remplacé par un hydrogène.

TESTO.gif

 

 


Annexe 1 : Caractéristiques de l'éthynyloestradiol

 

Ethynyloestradiol

ou

19-Norpregna-1,3,5(10)-trien-20-yne-3,17-diol, (17α)-

C20H24O2

Masse molaire :

296,404 g.mol-1

Solubilité :

Soluble dans le chloroforme ; solubilité dans l'eau : 11,3 mg.L-1 à 27°C.

N° CAS :

57-63-6

ETHINYLESTRADIOL.gif


Annexe 2 : Caractéristiques de Noréthistérone

Noréthistérone

ou

Noréthindrone

ou

19-Norpregn-4-èn-20-yn-3-one, 17-hydroxy-, (17α)-

Aspect :

Cristaux

C20H26O2

Masse molaire :

298,419 g.mol-1

Fusion :

204°C

N° CAS :

68-22-4

NORETHISTERONE.gif


Annexe 3 : Caractéristiques de Norplant

Norplant

ou

Norgestrel(-)

ou

Lévonorgestrel

Aspect :

Cristaux lorsque recristallisé dans le méthanol.

C21H28O2

Masse molaire :

312,446 g.mol-1

Fusion :

206°C

N° CAS :

797-63-7

NORGESTREL.gif


Annexe 4 : Caractéristiques du Gestodène

Gestodène

C21H26O2

Masse molaire :

310,430 g.mol-1

N° CAS :

60282-87-3

GESTODENE9


Annexe 5 : Caractéristiques du Diénogest

Diénogest

C20H25 NO2

Masse molaire :

311,42 g.mol-1

Densité :

1,2

Ebullition :

549°C

N° CAS :

65928-58-7

DIENOGEST9


Annexe 6 : Caractéristiques de la Drospirénone

Drospirénone

C24H30O3

Aspect :

Cristaux en poudre blanc cassé

Masse molaire :

366,493 g.mol-1

Fusion :

198°C

Ebullition :

552,2°C

Densité :

1,26

N° CAS :

67392-87-4

DROSPIRENONE.gif


Annexe 7 : Caractéristiques de Norgestimate

Norgestimate

C22H31NO3

Masse molaire :

369,497 g.mol-1

N° CAS :

35189-28-7

norgestimate.gif


Annexe 8 : Caractéristiques du Désogestrel

Désogestrel

C22H30O

Aspect :

Cristaux en poudre blanc cassé

Masse molaire :

310,473 g.mol-1

Fusion :

109,5°C

Ebullition :

428,3°C

Solubilité :

Pratiquement insoluble dans l'eau.

N° CAS :

54024-22-5

DESOGESTREL.gif


Annexe 9 : Caractéristiques de l'acétate d'ulipristal

Ulipristal (acétate)

ou

CDB-2914

C30H37NO4

Masse molaire :

475,6191 g.mol-1

Fusion :

185°C

Densité :

1,19

N° CAS :

126784-99-4

ULIPRISTAL


Annexe 10 : Caractéristiques de la mifépristone

Mifépristone
ou
RU-486
C29H35NO2
Masse molaire :
429,594 g.mol-1
Fusion :
150°C
Aspect :
Cristaux.
N° CAS :
84371-65-3

MIFEPRISTONE