LA BIOSYNTHESE DES PROTEINES


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1)    Introduction :

 

Les organismes vivants synthétisent des protéines qui sont des macromolécules constituées d’un enchaînement d’amino-acides. Il est intéressant de savoir comment les unités amino-acides sont amenées à se lier en séquences précises, spécifiques à chaque type de protéine. D’une façon annexe, il est intéressant de savoir, aussi, comment l’information sur la séquence d’enchaînement des amino-acides se transmet à chaque génération de cellules.

            Il est à présent établi que des molécules géantes de désoxyribonucléoprotéines, qui sont des acides désoxyribonucléiques (ADN) liés à des protéines de soutien, sont responsables du contrôle génétique ; elles sont essentiellement situées dans les noyaux des cellules et sont appelées chromosomes (du grec khrôma : couleur et sôma : corps) ; on en trouve aussi dans les mitochondries (organites responsables de la production d’énergie pour les cellules et transmises exclusivement par les femelles) ; on sait aussi, plus précisément que la fraction protéique de ces molécules n’est pour rien dans les informations génétiques nécessaires à la biosynthèse des enzymes et autres protéines, c’est l’ADN qui porte toutes ces informations ; c’est donc sur la structure de l’ADN qu’il faut à présent se pencher.

 

2)    La structure de l’ADN :

 

L’ADN varie d’un individu à un autre et d’une espèce à une autre dans la nature ; il y a donc autant d’ADN que d’individus, d’espèces, etc.. donc de groupes taxinomiques. Il peut paraître étrange dans ces conditions de parler de structure de l’ADN ; il faut cependant savoir qu’on peut dégager une structure de base commune à toutes les molécules d’ADN et c’est cette structure que l’on va examiner.

Les molécules d’ADN sont très grosses (ordre de grandeur de leur masse molaire : entre 1.106 et 4.109  daltons (ou g.mol-1)) et peuvent être photographiées au microscope électronique. La diffraction des rayons X  montre que l’ADN est constitué de deux longues chaînes moléculaires entrelacées qui forment une hélice à deux brins d’environ 2nm de diamètre. Les deux brins sont fermement accrochés l’un à l’autre ; ils sont composés d’éléments permettant l’établissement de liaisons hydrogène solides, entre eux ; ce fait est confirmé par les expériences suivantes : si l’ADN est chauffé vers 80°C, dans certaines conditions, les brins de l’hélice se séparent en deux fragments indépendants ;

HELICE DROITE.gif

 

si ensuite on refroidit lentement la matière, dans certaines conditions, les deux fragments se recombinent et régénèrent la structure en hélice.

 

Des études chimiques, montrent que les brins d’ADN ont la structure d’une longue chaîne de polymère faite d’une alternance d’éléments phosphate et d’éléments glucidiques substitués par une base azotée :

 

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L’élément glucidique (ose) est le (D)-2-désoxyribose :

 

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Il est lié à deux groupes phosphate par des fonctions ester impliquant les groupes hydroxyles en 3 et 5. Le motif de l’épine dorsale de l’ADN peut de ce fait être vue comme un ester phosphorique d’un 1,3 glycol :

 

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En y incluant les cycles du désoxyribose on arrive à une structure plus détaillée :

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Chaque fragment glucidique de l’ADN est relié en position 1’ à une des quatre bases azotées, adénine, guanine, cytosine et thymine, notées A et dont on donne ci-dessous la structure, par une liaison N-glycosidique. Les quatre bases sont des dérivés soit de la pyrimidine, soit de la purine.

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Remarque :

Quand l’ose est lié à une base azotée on numérote 1,2,3,4….les atomes de cette base et 1’, 2’, 3’ , ….les atomes du fragment glucidique.

 

Avec l’adénine, la liaison N-glycosidique qui s’établit, selon l’équation

 

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conduit toujours au β-N-désoxyribofuranoside.

L’estérification du groupe hydroxyle placé en 5’ des désoxyribose nucléosides avec l’acide phosphorique conduit aux nucléotides correspondants. Ainsi avec l’adénine on aboutit à l’adénine désoxyribonucléotide.

L’ADN peut être considéré comme un édifice construit à partir des nucléotides, constituant des blocs monomères, par estérification du groupe hydroxyle placé en 3’ par le groupe phosphate d’un autre nucléotide.

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Le nombre d’unités nucléotides dans une chaîne d’ADN varie d’environ 3000 à 107.

Un fait surprenant constaté dès 1953 par Watson et Crick (tous deux Prix Nobel de médecine en 1962) est que dans les différents ADN que l’on peut rencontrer, le rapport Adénine/Thymine ainsi que le rapport Guanine/Cytosine vaut toujours un pour un et ceci quel que soit le nombre d’Adénine et de thymine que l’ADN peut avoir ; ce qui leur fit conclure que les liaisons hydrogène qui existent entre les deux brins de l’hélice se font toujours entre l’adénine d’un brin et la thymine de l’autre brin ou bien entre la guanine d’un brin et la cytosine de l’autre brin. Les deux brins sont ainsi complémentaires au regard des bases azotées qu’ils contiennent. Si par exemple pour un brin la séquence des bases azotées est la suivante (A pour adénine, C pour Cytosine, T pour Thymine, G pour Guanine) :

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Celle de l’autre brin en vis-à-vis est :

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Les deux brins de l’hélice se situent donc ainsi l’un par rapport à l’autre :

 

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Il y a 10 paires de bases pour une rotation de 360° de la chaîne ; le pas géométrique de l’hélice est de 3,4 nm. 

On peut voir sur les deux représentations ci-dessous comment se font les liaisons hydrogène entre guanine et cytosine d’une part et entre adénine et thymine d’autre part :

 

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On remarque qu’entre guanine et cytosine il y a trois liaisons hydrogène alors qu’il n’y en a que deux entre adénine et thymine.

 

3)    La réplication de l’ADN :

 

L’ADN renferme la « recette » génétique qui fait que la division cellulaire produit des cellules identiques. En se reproduisant lui-même, il perpétue l’information nécessaire à la régulation de la synthèse d’enzymes spécifiques et d’autres protéines de la structure cellulaire.

L’information génétique que contient l’ADN dépend de l’arrangement des bases symbolisées par A,T,G et C le long de l’épine dorsale phosphate-élément glucidique, c’est-à-dire de l’arrangement des 4 nucléotides spécifiques à l’ADN. Ainsi la séquence G-A-C par exemple, à un endroit, correspond à un message différent de celui qui correspond à A-G-C.

Par action de l’acide nitreux, on peut chimiquement modifier les groupes amine primaire de l’adénine de la cytosine et de la guanine et les transformer en groupes OH et ceci aussi bien in vitro (en dehors de la cellule) qu’ in vivo (dans la cellule) ; ceci change totalement le message génétique, puisque l’ADN ainsi modifié conduit à des mutations dans l’organisme dont il est issu.

L’ADN se duplique de la manière suivante : les deux brins de la double hélice se séparent partiellement et deviennent des matrices ; les enzymes se mettent à assembler le nouvel ADN en couplant les nucléotides les uns aux autres de façon complémentaire de ceux de la matrice c’est-à-dire en couplant adénine et thymine, guanine et cytosine. On obtient finalement deux nouvelles doubles hélices identiques à la double hélice de départ. Ce phénomène se produit lors de la mitose qui donne deux cellules identiques sans recombinaison ou bien lors de la méiose qui conduira à produire des cellules haploïdes que sont les gamètes mâles ou femelles (le germen) avec recombinaison de l’ADN.

 

 

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4)    Le rôle de l’ARN :

 

Il est difficile d’assigner un rôle direct à l’ADN dans la synthèse des protéines dans la mesure où la plupart des synthèses des protéines ont lieu en dehors du noyau c'est-à-dire dans des zones de la cellule qui ne contiennent pas d’ADN. C’est à l’ ARN (Acide ribonucléique) qu’est dévolu le rôle de transmettre le code génétique dans les zones où ont lieu les synthèses des protéines.

C’est l’ADN qui donne naissance à l’ARN dans le noyau des cellules selon un mode de duplication semblable à celui donné plus haut pour l’ADN. L’ARN est constitué de chaînes beaucoup plus courtes que l’ADN, et diffère de celui-ci par la nature du fragment glucidique (le ribose au lieu du désoxyribose) et par le fait que la thymine est remplacée par l’uracile.

 

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Dés que sa synthèse est faite, l’ARN se détache de la matrice et rejoint les zones où ont lieu les synthèses des protéines ; il va apporter le code suivant lequel ces synthèses devront avoir lieu, on l’appelle l’ARN messager ou mARN.

Le rôle précis de ce mARN est d’indiquer l’ordre suivant lequel les acides aminés vont s’enchaîner ; en effet à chaque séquence de trois bases qui le constituent (et que l’on appelle un codon), correspond un acide aminé. Ainsi au codon G C A correspond l’alanine, au codon G G A la glycine ….

Le nombre de possibilités qui résultent du groupement des quatre bases trois par trois est de 64 (43) ; cela veut dire qu’il y a 64 séquences possibles ; or il n’y a que 20 acides aminés participant à la synthèse des protéines. Cela veut dire qu’il y a plusieurs codons pour chaque acide aminé, sauf pour deux d’entre eux, le tryptophane et la méthionine pour lesquels il n’y en a qu’un.

Mention particulière pour le codon A U G, il peut induire le démarrage de la synthèse d’une chaîne polypeptidique, mais il peut aussi s’il apparaît dans une chaîne déjà en construction programmer la méthionine. Trois des soixante quatre codons sont exclusivement réservés à l’arrêt de la croissance de la chaîne ; ce sont les codons U G A, U A A, U A G.

            Environ 85% de l’ARN d’une cellule est localisé dans le cytoplasme en paquets étroitement associés à des protéines. Ces ribonucléoprotéines sont appelées ribosomes et constituent le lieu où sont synthétisées la plupart des protéines de la cellule ; en plus du mARN il existe des tARN dont le rôle est de transporter un acide aminé particulier (à un tARN correspond un acide aminé) lorsque la matrice mARN le demande, dans la chaîne polypeptidique en formation, Les tARN  ou ARN de transport, sont des molécules de faible masse molaire, ne contenant que 70 à 90 nucléotides environ.

 

Tableau des codons qui interviennent dans la synthèse des protéines :

 

Acide aminé

Codons correspondants

Acide aminé

Codons correspondants

Acide aminé

Codons correspondants

Alanine

(Ala)

GCA

GCC

GCG

GCU

Histidine

(His)

CAC

CAU

Sérine

(Sér)

AGC

AGU

UCA

UCG

UCC

UCU

Arginine

(Arg)

AGA

AGG

CGA

CGC

CGG

CGU

Isoleucine

(Ile)

AUA

AUC

AUU

Thréonine

(Thr)

ACA

ACC

ACG

ACU

Asparagine

(Asn)

AAC

AAU

Leucine

(Leu)

CUA

CUC

CUG

CUU

UUA

UUG

Tryptophane

(Trp)

UGG

Acide aspartique

(Asp)

GAC

GAU

Lysine

(Lys)

AAA

AAG

Tyrosine

(Tyr)

UAC

UAU

Cystéine

(Cys)

UGC

UGU

Méthionine

(Mét)

AUG

Valine

(Val)

GUA

GUG

GUC

GUU

Glutamine

(Gln)

CAA

CAG

Phénylalanine

(Phé)

UUU

UUC

Initiation de la chaîne

AUG

Acide glutamique

(Glu)

GAA

GAG

Proline

(Pro)

 

CCA

CCC

CCG

CCU

Fin de la chaîne

UGA

UAA

UAG

Glycine

(Gly)

GGA

GGC

GGG

GGU

 

 

 

 

 

Remarques :

a)  La séquence complète des bases azotées de l’ADN constitue son code génétique.

b) Sous l’effet d’une radiation, d’un produit chimique ou d’une erreur de réplication (bien que des mécanismes d’auto-vérification performants existent) des mutations peuvent se produire dans la séquence des bases de l’ADN. Cela peut consister par exemple à remplacer une base par une autre. Comme à la plupart des acides aminés correspondent plusieurs codons il se peut que la mutation ne modifie pas la séquence d’acide aminés dans la protéine synthétisée ; par exemple, si par mutation de l’ADN on a une séquence CCC ou CCG ou CCU qui vient remplacer la séquence CCA initiale, cela ne modifiera pas la protéine synthétisée puisque dans tous les cas ce sera une molécule de proline qui viendra s’insérer dans la chaîne poplypeptidique en formation. On voit là l’intérêt de l’existence de plusieurs codons pour un même acide aminé.