LES CAOUTCHOUCS


Plan de l’étude :

 

1)     Découverte - Les premières applications

2)     Le caoutchouc naturel  

3)     Les caoutchoucs synthétiques

4)     Les caoutchoucs utilisés pour les pneumatiques

5)     Biosynthèses des 1,4-polyisoprènes 



1) Découverte - Les premières applications :
    Les civilisations précolombiennes d'Amérique s'intéressent déjà au "cahutchu" ("bois qui pleure" en indien).
    Au milieu du XVIIIème siècle (1747 précisément) un ingénieur français de Cayenne, François Fresneau de la Gataudière (1703-1770), renseigné par Charles Marie de La Condamine (1701-1774), scientifique français en mission géodésique en Amérique, identifie l'arbre à caoutchouc (Ficus elastica).

Les premiers hévéas qui fournissent le latex par saignée sont originaires du Brésil (Hevea brasiliensis). Ils sont ensuite cultivés en Extrême-orient puis en Afrique.

 

 

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Les premières applications intéressantes du latex, tiré de l'hévéa, datent de la deuxième moitié du XVIIIème siècle (imperméabilisations des tissus, fabrication de tissus élastiques comme les bretelles...).
    En 1840 l'Anglais Charles Goodyear (1800-1860) invente la vulcanisation (introduction de ponts soufre entre les chaînes de polymère qui stabilisent et renforcent l'élasticité du matériau) en utilisant les travaux de l'allemand Friedrich Ludersdorf et de l'américain Nathaniel Hayward qui avaient remarqué dès 1834 que le caoutchouc devenait moins collant quand on ajoutait du soufre à la gomme issue de l'arbre.
    L'invention des pneumatiques pour la bicyclette, revient à un écossais Robert William Thomson en 1845 ; l'introduction d'une chambre à air avec valve est l'oeuvre d'un autre écossais, John Boyd Dunlop (1888) ; l'invention du pneu démontable par les frères Michelin ( André et Edouard) en 1891 facilite la réparation en cas de crevaison ; ils les adaptent aux voitures.

 2) Le caoutchouc naturel  (désigné par le sigle NR (Natural Rubber)

            Lorsqu'il coule de l'arbre, le latex est un liquide laiteux composé de 2/3 d'eau et d'1/3 de caoutchouc. En acidifiant ce liquide, le latex coagule libérant le caoutchouc solide qu'il avait en suspension.
Le caoutchouc ainsi récupéré  est un solide blanc, un peu moins dense que l’eau, soluble dans le benzène (C6H6), le tétrachlorométhane (CCl4). Il se soude à lui-même, à froid, par simple pression. A température inférieure à 5°C, il est cassant; à température supérieure à 35°C, il se ramollit.Il est laminé et les feuilles sont séchées par un courant d'air chaud, puis fumées au feu de bois pour en assurer la conservation. On l'appelle alors "crêpe".
           

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Remarque : On trouve du latex aussi dans le guayule, une plante originaire du Mexique et qui s'adapte bien sur le pourtour méditerranéen. Il ne coule pas comme pour l'hévéa lorsqu'on incise le tronc. Pour l'extraire, il faut broyer les branches dans l'écorce desquelles il se trouve. La particularité de ce latex est d'être hypoallergénique, contrairement à celui produit par l'hévéa. Signalons que ce n'est pas le latex qui produit des allergies, mais des protéines produites par l'hévéa, qui se retrouvent dans le produit fini. Ces protéines ne se trouvent pas dans le guayule et donc le caoutchouc qui en résulte n'est pas allergisant.

 

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Les caoutchoucs appartiennent à la famille des élastomères. Ce sont des substances qui sous l'effet de la traction subissent un allongement important (seules sont intéressantes celles dont les dimensions peuvent au moins tripler) qui cesse quand l'action mécanique cesse.
    Le caoutchouc naturel extrait du latex de l'hévéa est le polyisoprène, l’isoprène étant le 2-méthylbutadiène :

Le motif du caoutchouc naturel :

correspond à un enchaînement (Z) 1,4 de l'isoprène :

Cette longue chaîne est enroulée sur elle-même ; si l'on tire sur ses extrémités, elle se déroule (à la manière d'un long cheveu frisé) et reprend sa forme quand cesse la traction.
Le caoutchouc naturel est ainsi formé de longues chaînes enchevêtrées. Comme il a été dit plus haut, on peut parfaire son élasticité en y incorporant des "ponts soufre" c'est à dire des atomes de soufre qui vont se lier par liaison covalente à deux atomes de carbone appartenant à des chaînes adjacentes et ceci grâce aux doubles liaisons résiduelles de la chaîne, qui vont s'ouvrir : c'est la vulcanisation.

Cette opération peut être menée :
    - à chaud : on mélange du soufre (ou du sélénium ou du tellure) broyé avec le caoutchouc et on porte l'ensemble à haute température (150-300°C) et à forte pression (10 à 20 bars) ; c'est le procédé le plus courant.
    - à froid : technique principalement utilisée pour les articles souples et minces (gants, feuilles). On expose ces articles à du dichlorure de disoufre (S2Cl2).
En incorporant environ 3% de soufre et diverses charges (magnésie,craie,....) à du caoutchouc, on lui conserve son élasticité à froid et à chaud ; en incorporant davantage de soufre (30%), on obtient un produit dur et cassant, l’ébonite qui est un bon isolant électrique.

Remarque :

Le (E) 1,4-polyisoprène appelé gutta-percha a des propriétés différentes du caoutchouc naturel (plus dur et cassant). Contrairement à celui-ci qui a une structure amorphe, le gutta-percha, du fait de son enchaînement (E), a une structure semi-cristalline :

On le trouve à l’état naturel dans la gomme d’un arbre de l’espèce Eucommia ulmoides appelé couramment « gutta-percha ».

3) Les caoutchoucs synthétiques :
Les principales dates qui jalonnent la production de ces polymères sont :
1879 Georges Bouchardat un chimiste français polymérise l'isoprène.
1909 Fritz Hofmann l'imite en Allemagne à partir du p.crésol extrait des goudrons de houille.
1910 Matthews et Strange réalisent l'initiation de la polymérisation du butadiène par du sodium (Natrium en allemand) et obtiennent du BuNa (Butadiène-Natrium) ; le produit obtenu a des propriétés très médiocres. Ils réaliseront des copolymères à partir du butadiène et donneront quand même à ces matières le nom commercial de Buna.
Puis suivent de nombreuses polymérisations ou copolymérisations dont on peut avoir un aperçu avec les quelques exemples suivants :

        - A partir de l'isoprène :
La polymérisation du 2-méthylbutadiène peut comme dans le caoutchouc naturel, se faire par enchaînement (Z) 1,4 en utilisant du lithium métal finement divisé ou des catalyseurs de type Ziegler (tétrachlorure de titane et trialkylaluminium). Le produit obtenu n'a pas exactement les propriétés du caoutchouc naturel et cela ne semble pas être dû aux chaînes du polymère mais à des éléments autres qui existent dans le produit naturel et qui sont absents dans le produit fabriqué.
        - A partir du butadiène :

* copolymérisation avec le styrène:

On obtient le S.B.R. (Styrène Butadiène Rubber) utilisé pour la fabrication des pneus de tourisme.
* copolymérisé avec l’acrylonitrile :

On obtient le caoutchouc nitrile particulièrement résistant à l’essence et à l’huile (application: tuyaux d’essence).

Remarque : La polymérisation du butadiène seul donne un produit sans intérêt ; cependant lorsqu'il est mélangé à du caoutchouc naturel, à du polyisoprène de synthèse ou à du S.B.R., il sert à faire des pneus très résistants pour gros engins.

        - A partir de l’isobutène :

copolymérisé avec quelques % d’isoprène il donne le Butyl, particulièrement imperméable aux gaz; application: chambres à air.

        - A partir du chloroprène :

On obtient le Néoprène....résistant aux frottements, au soleil,aux solvants ; ne propage pas la flamme.
Application : gaines électriques,courroies,combinaisons de plongée, pâtes élastiques pour l’étanchéïté, colle (colle au néoprène).

4) Les caoutchoucs utilisés pour les pneumatiques :
    Les caoutchoucs utilisés pour fabriquer les pneus, sont constitués de caoutchoucs bruts (naturels ou synthétiques), auxquels on ajoute pour améliorer leur résistance à l'usure, du noir de carbone (carbon black : de 15 à 200 nanomètres) obtenu par combustion ou décomposition thermique d'hydrocarbures, ainsi que des charges minérales (kaolins, craies, silices). On fait intervenir aussi des agents vulcanisants, des accélérateurs de vulcanisation(aniline, thiocarbanilide), des antioxygènes...
    L'armature des pneus est constituée de textiles et de métaux ferreux.
Les pneus "verts" :
    La notion de pneu "vert" correspond à un souci de limiter l'impact des pneus sur l'environnement sans modifier leur résistance.
    Michelin procède à des essais de remplacement partiel du noir de carbone par des silices amorphes précipitées renforçantes.
    Goodyear a un projet dont l'un des principaux axes de développement est la mise au point d'un nouveau matériau de charge de renforcement ‘bio', comme alternative à la charge de renforcement traditionnellement utilisée. Cette nouvelle charge de renforcement est fabriquée à partir de ressources renouvelables comme l'amidon de maïs.

5) Biosynthèses des 1,4-polyisoprènes :

 

La biosynthèse du caoutchouc naturel (dérivé cis) et du gutta-percha (dérivé trans) avec comme point de départ l’acide éthanoïque et le coenzyme A (CoASH) est la même que celle des terpènes :

 

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Puis un composé à chaîne ramifiée se forme ; en effet l’acétoacétylcoenzyme A donne une addition aldolique avec la fonction cétone de l’acétylcoenzyme A, pour donner un dérivé de l’acide glutarique :

 

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  Par réduction on passe ensuite à l’acide mévalonique :

 

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  La formation de l’unité isoprène se fait d’abord par phosphorylation des 2 groupes alcool de l’acide mévalonique (grâce à l’ATP) puis il y a élimination d’eau avec formation d’une double liaison C=C, puis décarboxylation (-CO2), l’ensemble conduisant au 3-méthylbut-3-ènylpyrophosphate :

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Il y a ensuite isomérisation du composé obtenu grâce à un enzyme ayant un groupement S-H  (E-SH)

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  Puis il y a formation d’un carbocation :


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Ce carbocation agit sur une autre molécule de 3-méthylbut-3-ènylpyrophosphate et l’on obtient du géranylpyrophosphate après élimination d’un ion H+ :

 

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Le composé obtenu est trans, mais lors de l’élimination de H+ la double liaison créée peut être de configuration cis, il s’agit alors du nérylpyrophosphate :

 

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On peut écrire ces deux molécules un peu différemment :

 

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Une autre réaction de ce type peut avoir lieu entre le géranylpyrophosphate et le 3-méthylbut-3-ènylpyrophosphate pour conduire au farnésylpyrophosphate :

 

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Si l’on continue à ajouter des unités à cinq carbones au farnésylpyrophosphate selon le même processus on aboutit au gutta-percha :

 

Si l’on part du nérylpyrophosphate on aboutit au (Z)-1-4-polyisoprène c'est-à-dire au caoutchouc naturel (NR) :

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Hevea brasiliensis – Groupe  d’arbres et détail de la récolte

(Banque nationale d’images pour SVT)