CHIMIE CLICK
Inspiré
par le sujet de chimie ENS 2012
Gérard
GOMEZ
avec
la collaboration de
Jacques
BARON
Plan
de l'étude
:
1) Définition
2) Un premier
exemple : la réaction de Huisgen
3) Synthèse
de polymères par chimie click
3-1) Polymérisations avec précurseurs homofonctionnels de type A-A
et B-B
3-2) Polymérisations avec
précurseurs de type A-B et A-B
4) Synthèse
d'un composé polycyclique par chimie click
5) Synthèse
de macrocycles par chimie click
5-1) Macrocycle bi-moléculaire obtenu par click CuAAC de précurseurs
diazoture et dialcyne
5-2) Synthèse d'un caténane (Schuster et col.)
6) La catalyse
en chimie click
7) La chimie
click en biologie
1) Définition :
La «
Chimie click » est un concept introduit par K.B. Sharpless en 2001 (Prix
Nobel cette même année) pour décrire une chimie qui s’applique à synthétiser
des produits de manière rapide et efficace en assemblant de petites unités
entre elles par des liaisons avec des hétéroatomes. Cette approche est
directement inspirée des réactions mises en jeu dans la nature. Pour être
considérées comme appartenant à la Chimie click, les réactions chimiques
doivent répondre à plusieurs critères :
- Rendement élevé,
- Utilisation de solvants non
toxiques,
- Stéréospécificité,
- Facilité de mise en œuvre,
- Absence d’utilisation de
techniques de chromatographie pour la purification des composés obtenus.
La Chimie
click constitue aujourd’hui un outil innovant et précieux en synthèse organique
avec des applications dans divers domaines : chimie pharmaceutique, biologie,
chimie supramoléculaire et des polymères, nanotechnologies...
Remarque : Le qualificatif
"click" est une image censée traduire le fait que deux molécules se
"clipsent".
2) Un premier exemple : la réaction de Huisgen
La
réaction de Huisgen consiste en une cycloaddition dipolaire-1,3 impliquant un
dipôle-1,3 (espèce chimique possédant un enchaînement de 3 atomes avec une
charge positive sur un atome et une charge négative sur un autre, soit 4
électrons π délocalisés sur 3 atomes) par exemple un azoture, qui réagit
ici avec un alcène.
Les
alcynes réagissent suivant une réaction analogue pour former les produits comme
indiqué
Une
application avec un alcyne vrai :
Le mécanisme de la réaction qui
aboutit à la formation du cycle triazole mettant en jeu un alcyne vrai se
conçoit de la manière suivante :
Mésomérie
de l'azoture
Réaction
1
Réaction
2
Kolbe
et col. ont proposé de contrôler la régiosélectivité de la réaction avec un
alcyne vrai en utilisant le Cu(I) comme catalyseur.
Seul le
triazole 1,4-disubstitué se forme, le chauffage n'étant plus nécessaire.
Remarque :
La cycloaddition
de Huisgen catalysée par Cu(I) fait partie de la chimie click.
De
telles réactions catalysées par le cuivre (I) sont souvent désignées par
l'abréviation CuAAC, pour Copper(I)-catalysed Alkyne-Azide
Cycloaddition ; le terme azide est le terme anglais désignant un azoture.
3) Synthèse de polymères par chimie click CuAAC
3-1)
Polymérisations avec précurseurs homofonctionnels de
type A-A et B-B (Voir annexe 1)
- Premier exemple :
La catalyse est assurée par Cu(I) ;
l'ion cuivreux résulte de la réduction de Cu2+ du sulfate de cuivre
par l'ascorbate de sodium.
- Deuxième exemple :
Ici Cu+ résulte de la
présence conjointe de cuivre métallique et d'acétate cuivrique Cu(OAc)2.
Si Cu2+
est présent sous forme de ligand le pouvoir catalytique peut être amélioré
(Voir annexe 2).
3-2) Polymérisations
avec précurseurs de type A-B et A-B (Voir annexe 1)
- Premier exemple :
R
correspond à
R'
correspond à
- Deuxième exemple :
R correspond à
R'
correspond à
Remarque :
La
polymérisation a lieu dans ce cas entre l'azoture d'une molécule et la triple
liaison de l'alcyne d'une autre molécule.
4) Synthèse d'un composé polycyclique par chimie click
On
reconnaît au passage, en deux exemplaires, la cyclisation de Huisgen.
5) Synthèse de macrocycles par chimie click CuAAC
5-1) Macrocycle
bi-moléculaire obtenu par click CuAAC de précurseurs diazoture et
dialcyne
5-2) Synthèse
d'un caténane (Schuster et col.)
- A - Deux
précurseurs dialcynes sont fixés l'un par rapport à l'autre grâce à la
formation d'un complexe de cuivre (I).
- B -
Deux précurseurs diazotures provoquent un double click et referment les chaînes
sur elles-mêmes en constituant des anneaux.
- C -
On détruit le complexe pour libérer le caténane.
6) La catalyse en chimie click
Comme
on l'a vu, la chimie click est principalement constituée de réactions
catalysées par le cuivre (I) assez souvent issu d'une réduction d'ions
cuivriques Cu2+ pour des raisons pratiques (nature des produits mis
en œuvre, fragilité de Cu+,…).
Les
composants des principaux milieux réactionnels sont rassemblés dans le tableau
ci-dessous :
Degré d'oxydation initial |
Catalyseurs % (0,25-2)mol |
Agent réducteur ou oxydant |
Bases additionnelles |
Solvants |
Cu(II) |
CuSO4.5H2O Cu(OAc)2 |
Ascorbate de sodium Cu |
Aucune Aucune |
H2O, t-BuOH (1:1) ou H2O, EtOH
(1:1) THF ou MeOH |
Cu(I) |
CuI CuBr [Cu(PPh3)3Br] |
Aucun |
Triéthylamine |
Toluène MeCN |
Cu(0) |
Cuivre métallique Poudres/nanoparticules |
Sel d'ammonium |
Aucune |
H2O, t-BuOH (2:1) |
Un exemple
de réaction click catalysée par le cuivre métallique oxydé :
La
réaction a lieu en présence d'un large excès de tournure de cuivre ou de cuivre
en poudre (en présence de chlorhydrate de triéthylamine) et nécessite des temps
de réaction longs.
La
plupart des réactions CuAAC peuvent fonctionner sans l'aide de catalyseur mais
à des vitesses très faibles et c'est pourquoi on a introduit le Cu(I).
Certaines
réactions cependant répondent aux critères de la chimie "click" sans
catalyseur à base de cuivre et même sans catalyseur ; c'est le cas de l'exemple
qui a été donné au paragraphe 4 de cet exposé.
On peut
également citer les réactions suivantes
- Cycloaddition de Diels-Alder
En
terme de mécanisme, la réaction de Diels Alder s'effectue en une seule étape,
c'est une réaction concertée et stéréospécifique :
- A partir d'un composé carbonylé
- Ouverture nucléophilique d'un
époxyde
7) La chimie click en biologie :
Les
réactions n'utilisant pas le cuivre comme catalyseur sont précieuses en
biologie à cause de la toxicité que présente le cuivre à partir d'une certaine
concentration.
On
s'efforce d'utiliser des molécules très contraintes (tendues) qui ont une forte
énergie d'activation, ce qui réduit considérablement le temps de réaction ; ces
réactions sont désignées par SPAAC (Strain Promoted Alkyne-Azide Cycloaddition)
pour les différencier des CuAAC.
Les 3
schémas ci-dessous illustrent les 3 générations de réactions qui ont été et
sont utilisées en chimie biomoléculaire :
§ 1ère génération
: CuAAC
Il
s'agit de la réaction classique d'un azoture sur un alcyne catalysée par le
cuivre (I) :
Il
existe des risques liés à un excès de Cu+
§ 2ème génération
: SPAAC
Quelques
réactifs utilisés :
DBCO
(Dibenzylcyclooctyne amine) |
TCO
(Trans-cyclooctène) |
BCN (Bicyclo[6.1.0] nonyne) |
|
|
|
§ 3ème génération
: SPAAC
Cette
réaction est très rapide.
On
donne ci-dessous, quelques diénophiles et quelques tétrazines très réactives :
Quelques diénophiles |
Quelques tétrazines |
Trans-bicyclononène |
|
Méthylcyclopropène
|
|
Ces
réactions sont dites bio-orthogonales c'est-à-dire
qu'elles peuvent avoir lieu dans un milieu biologique sans le dénaturer.
La
chimie click permet d'effectuer plusieurs réactions successives dans un milieu
biologique sans que l'on ait l'obligation de purifier les produits obtenus à
chaque étape, les produits annexes ou sous-produits n'étant pas gênants pour ce
milieu (synthèse monotope).
Les
applications de la chimie click en biologie sont nombreuses, citons par exemple
:
- La recherche de nouvelles
molécules actives par la technique du "fragment based drug design"
(une alternative au criblage à haut débit) ; on mélange des synthons alcynes et
azotures dans un milieu contenant la cible choisie, une enzyme par exemple et
seuls les synthons dont les fonctions réactives sont bien placées dans les
sites actifs de l'enzyme vont réagir et former l'hétérodimère correspondant
(chimie click "in situ" d'après Sharpless et col.).
- La fixation de sondes portant une
fonction réactive bio-orthogonale (voir annexe3) et qui
sont incorporées à des molécules de la surface cellulaire. On révèle les
conditions de cette incorporation grâce à un marqueur se fixant sur les sondes
et qui porte un groupe détectable, un fluorophore par
exemple (voir annexe 4).
Précurseurs de type A-A et B-B
On a l'habitude de qualifier une
polymérisation par condensation de "type A-A et B-B" lorsque les
molécules qui interviennent possèdent, chacune, deux groupes fonctionnels actifs
dans la polymérisation, identiques (Acide ou alcool ou amine ou …..) ; ainsi la
fabrication du nylon 6-6 fait intervenir
-
L'acide hexanedioïque (A-A)
-
L'hexaméthylènediamine(B-B)
Précurseurs de type A-B
On a l'habitude de qualifier une
polymérisation par condensation de "type A-B" lorsque le monomère qui
intervient possède les deux groupes fonctionnels nécessaires à la
polymérisation (Acide et alcool ou acide et amine ou …..) ; ainsi la
fabrication du Rilsan fait intervenir
-
L'acide amino-undécanoïque (A-B)
Les ligands de Cu(I) sont
généralement des composés aminés.
L'un des plus utilisés est la TBTA :
Tris-(Benzyl Triazolyl méthyl) amine
Une
sonde est une molécule qu'on associe à un marqueur et qu'on introduit dans un
milieu biologique pour que ses propriétés vis-a-vis des constituants de ce
milieu soient révélées par l'émission d'un signal détectable par des
instruments de mesure.
Un
fluorophore est une substance chimique capable d'émettre de la lumière de
fluorescence après excitation.
Exemple
de fluorophore en chimie bio-orthogonale :