MEMBRANES ECHANGEUSES D’IONS ET APPLICATIONS
Gérard Gomez
1) Membranes
échangeuses d’ions
1-1) Introduction
Une membrane est une structure
souple ou rigide généralement fine séparant deux milieux liquides et qui
permet, limite ou empêche le passage de certaines substances.
Par exemple, les membranes
échangeuses d'ions permettent la séparation de certains ions présents dans une
solution.
Elles jouent un rôle clé dans
les processus électrochimiques mis en jeu, par exemple dans les batteries, mais
aussi ceux mis en œuvre en biotechnologies et dans les procédés de traitement
de l’eau.
1-2) Principe de fonctionnement
Les membranes échangeuses
d'ions sont semi-perméables c’est-à-dire qu'elles sont capables de se laisser
traverser par certains ions tout en en retenant d'autres.
Leur principe repose sur les
interactions électrostatiques entre les ions qui essaient de traverser ces
membranes et les ions fixes des groupements fonctionnels que porte le matériau
constituant la membrane.
Elles sont classées en deux
grandes catégories :
- membranes échangeuses de cations :
Elles
possèdent des groupes fonctionnels fixes chargés négativement (par
exemple -SO3-) et elles se laissent traverser par des
cations (ions chargés positivement (Na+, Ca2+, H+).
Elles retiennent les ions
chargés négativement.
- membranes
échangeuses d'anions :
Elles possèdent des groupes
fonctionnels fixes chargés positivement (par exemple des amines
quaternaires -NR3+). Elles se laissent traverser par des
anions (ions chargés négativement (Cl-, HO-, NO3-
…).
Elles retiennent les ions
chargés positivement.
1-3) Nature chimique de ces membranes
Ce sont des polymères obtenus
:
- soit à partir de polymères naturels, comme par
exemple
·
La zéine, une prolamine
hydrophobe, majoritairement présente dans le maïs et constituée d'acides aminés
hydrophobes (leucine, proline, alanine) mais aussi d'acides aminés polaires
comme la glutamine (qui permet certaines interactions avec l'eau).
La zéine est insoluble dans
l'eau, mais soluble dans l'éthanol et d'autres solvants organiques.
·
Le chitosane, un
polysaccharide dérivé de la chitine que l'on trouve par exemple dans les
carapaces de crustacés marins :
Le chitosane
La chitine
Remarque : La
chitine est similaire à la cellulose, mais avec une
résistance accrue grâce aux liaisons hydrogène supplémentaires entre les
chaînes.
Le chitosane
qui dérive de la chitine par désacétylation du groupe acétamido
(un groupe amine -NH2 remplace le groupe -NH-CO-CH3)
trouve de nombreuses et importantes applications dans les domaines de
l'agriculture, la santé.... d'autant qu'il est
biodégradable grâce aux chitosanases et aux chitinases présents dans de nombreuses cellules.
·
Les alginates sont
des polysaccharides extraits de la paroi cellulaire des algues brunes,
principalement Laminaria, Ascophyllum, Fucus (on peut aussi obtenir les
alginates par voie bactérienne).
Ce sont des copolymères
linéaires constitués de deux unités de base, l'acide α-L-guluronique, G, et l'acide β-D-mannuronique, M. Le rapport M/G dépend de l'algue de
départ et conditionne les propriétés physiques, chimiques et mécaniques du
polymère.
Ces unités de base sont groupées en blocs (blocs GG correspondant à des
molécules d'acide guluronique liés en α-1->4,
blocs MM correspondant à des molécules d'acide mannuronique
liés en β-1->4, blocs MG correspondants à des enchaînements
irréguliers ou à des enchaînement alternés d'acide guluronique
et mannuronique), chaque bloc ayant une longueur
d'environ 15 à 20 unités (degré de polymérisation de chaque bloc).
Les cations compensateurs sont généralement les ions sodium ou calcium.
Blocs GG
Blocs MM
Blocs MG
·
La cellulose
Résulte de la polycondensation de glucose (C6H12O6)
CH2OH-CHOH-CHOH-CHOH-CHOH-C(H)=O sous forme
de β-D-glucopyranose
On obtient des chaînes dîtes "linéaires".
Les différentes chaînes placées côte à côte sont liées
par de nombreuses liaisons hydrogène ce qui donne à ce matériau une très grande
rigidité et qui explique qu'elle est la substance de soutien (parois) des
cellules jeunes des végétaux.
La cellulose pratiquement pure est tirée du fruit du
cotonnier ; il contient des graines recouvertes d’un duvet formé de fibres de 2
à 7 cm de long; débarrassées des impuretés, ces fibres constituent le coton
hydrophile.
La cellulose s’obtient également à partir du bois;
le bois est essentiellement constitué de cellulose et de lignine; un traitement
à l’hydrogénosulfite de calcium détruit la lignine;
il reste la pâte de bois; on en fait le papier, le carton, ....
Elle n'est pas attaquable par les sucs digestifs de
l'homme. C'est une matière première de tout premier ordre dans l'industrie
chimique.
Elle est insoluble dans l'eau et la plupart des
solvants organiques et n'est solubilisée que par une solution ammoniacale
d'hydroxyde de cuivre(II) : la liqueur de Schweitzer.
Son hydrolyse acide conduit au glucose.
·
Les pectines
Il s'agit d'un ensemble
complexe formé d'une ossature majoritaire résultant d'un enchaînement d'acides
α-D-galacturonique liés en 1-4 (unités homogalacturonanes)
Certaines des unités homogalacturonanes
peuvent être méthylées et/ou acétylées :
Certaines unités homogalacturonanes
peuvent être substituées par des oses :
-
Rhamnogalacturonanes
L'ose est alors le L(-)-rhamnose :
|
|
-
Xylogalacturonanes
L'ose est alors le D(+)-xylose :
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-
Apiogalacturonanes
L'ose est alors le D-apiose
|
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On peut donner un aperçu général de la structure d'une
pectine par le schéma suivant :
Roger PRAT, Michèle MOSINIAK, Jean-Claude ROLAND : La paroi
primaire de la cellule végétale ; les pectines.
Les pectines ont l'avantage
d'être biodégradables et renouvelables ; ce sont donc des polymères
intéressants pour des applications écologiques (traitement de l'eau).
- soit à partir de polymères synthétiques, en
particulier
·
Des polymères sulfonés
comme le
polystyrène sulfoné (PSS) encore appelé poly(styrène sulfonate de sodium).
Remarque :
On peut obtenir le PSS :
* Soit par polymérisation du sulfonate de styrène
* Soit par sulfonation du polystyrène
Cette méthode est bien moins
sélective que la précédente car le composé obtenu est un mélange de chaînes
diversement sulfonées (le nombre de groupements SO3-
n'est pas le même).
Ces PSS sont des résines
échangeuses de cations. On les utilise par exemple pour
fabriquer des membranes échangeuses de protons dans les piles à combustible.
Remarque :
L'éthylènedioxythiophène
peut s'allier au poly(styrène sulfonate) de sodium
pour donner le PEDOT:PSS
Ce PEDOT:PSS
améliore la conductivité et la stabilité des membranes échangeuses de protons.
·
De polymères aminés
comme le
polyéthylène imine ou le polyvinylamine, pour former
des résines échangeuses d'anions.
* Polyéthylène imine (ou PEI)
Plusieurs formes existent
-1- Forme linéaire
Cette molécule peut s'obtenir
part polymérisation par ouverture de cycle de l'azacyclopropane
:
-2- Forme ramifiée
*Polyvinylamine(ou PVAm)
C'est un polymère
thermoplastique incolore et soluble dans l'eau.
Il est obtenu par hydrolyse du
polyvinylformamide, lui-même obtenu par
polymérisation radicalaire du vinylformamide :
Le polyvinylamine
(PVAm) possède des groupes amine (-NH₂) qui peuvent être
protonés en -NH₃⁺ en
milieu acide.
Ces groupes ammonium
positifs permettent d'attirer et d'échanger des anions (Cl⁻, SO₄²⁻, etc.), ce qui en fait une membrane échangeuse
d'anions.
2) Une application : Pile à combustible à membrane
échangeuse de protons (PEMFC : Proton Exchange Membrane Fuel Cell).
Une pile à combustible est un dispositif
électrochimique qui convertit directement l'énergie qu'est susceptible de
fournir un combustible (énergie chimique) en énergie électrique, avec
production éventuelle de chaleur, sans passer par une combustion.
Son fonctionnement fait intervenir une réaction
d'oxydoréduction entre un combustible et un oxydant.
Deux électrodes (anode et cathode) sont séparées par
une membrane électrolyte qui permet le transfert d'ions tout en bloquant les
électrons ; on force ces électrons à passer, lorsqu'on le souhaite, dans un
circuit externe (courant électrique).
Son fonctionnement est théoriquement illimité tant
qu'on l'alimente en combustible et en oxydant.
Les piles à combustible sont utilisées dans divers
domaines comme l'automobile, l'aérospatial ….
Un schéma qui résume le fonctionnement d'une pile à combustible dont le combustible est
l'hydrogène et l'oxydant est l'oxygène.
·
L'anode et la cathode sont constituées d'une fine couche de platine
(catalyseur) appliquée sur du carbone (fine couche poreuse) qui maximise
l'efficacité des réactions électrochimiques qui ont lieu.
·
La membrane
électrolyte peut être constituée d'un polymère
solide flexible et semi-transparent, le Nafion ® :
Motif
du Nafion ® |
Il s'agit
du copolymère du tétrafluoroéthylène : CF2
= CF2 (le monomère du PTFE (téflon) et de l'acide perfluoro-3,6-dioxa-4-méthyloct-7-ènesulfonique : La chaîne principale est
en PTFE. Les groupes sulfonates hydrophiles facilitent la conduction des ions
H+ dans un environnement humide. Cette membrane doit donc être
maintenue humide sous peine de baisse de conduction des ions H+ c’est-à-dire
une baisse de rendement de la pile. |