LE CAFE


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Plan de l'étude

1) Généralités

2) Obtention du café vert

                2-1) La récolte

                2-2) Le café vert

3) Les constituants des graines de café vert

                3-1) Les principaux constituants

                3-2) Les molécules des principaux constituants

                               3-2-1) Glucides et fibres

                               3-2-2) Substances azotées

                               3-2-3) Lipides

                               3-2-4) Les acides

                               3-2-5) Minéraux et vitamines

4) La torréfaction du café

                4-1) Considérations générales

                4-2) La réaction de Maillard

                               4-2-1) Influence de la nature des glucides sur la réaction de Maillard

                               4-2-2) Influence de la nature des acides aminés sur la réaction de Maillard

                               4-2-3) Quelques classes de composés issus de la réaction de Maillard

                4-3) Les constituants des grains de café torréfiés

5) Le café boisson et le marc de café

                5-1) Le café boisson

                5-2) Le marc de café

6) Le café soluble

7) Le café décaféiné

                7-1) Extraction par solvants organiques

                7-2) Extraction par CO2 supercritique

                7-3) Extraction par l'eau

 

Annexe 1               Théobromine, théophylline

Annexe 2               Mode d'action de la vitamine E vis-à-vis de l'oxydation des lipides

Annexe 3               Acides caféique, férulique et para-coumarique

Annexe 4               Extraction par CO2 à l'état de fluide supercritique


1) Généralités :

C'est probablement en Ethiopie où les caféiers sauvages poussent sur les hauts plateaux que le café a été découvert.

Les plantes de genre Coffea de la famille des Rubiacées sont des arbustes à feuilles persistantes, à écorce gris pâle et dont les fruits sont des drupes à pulpe sucrée, brillantes, rouges, jaunes ou pourpres renfermant chacune deux noyaux ; chacun d'eux contient une graine. Les fleurs disposées en bouquets sentent le jasmin.

La durée de vie de ces arbustes varie de trente à cinquante ans.

 

CAFE1.jpg

CAFE2.jpg

 

CAFE3.jpgCAFE4.jpg

 -1- Une branche de Coffea arabica

 -2- Fruits (drupes)

 -3- Graine de café verte (non torréfiée)

 -4- Graine de café torréfiée (grain de café)

 

 

Parmi les quelques 80 espèces d'arbres du genre Coffea existant dans le monde deux seulement sont cultivées, le caféier arabica (Coffea arabica) donnant le café le plus apprécié et le caféier robusta (Coffea canephora) nécessitant moins d'entretien.

On les trouve dans les régions situées de part et d'autre de l'équateur entre le 28ème degré de latitude nord et le 30ème degré de latitude sud. Ils aiment les climats modérés et ne se développent que si la température ne descend pas au dessous de 10°C et n'excède pas 35°C.

Coffea arabica aime la moyenne altitude (entre 200 et 2000 mètres) et apprécie l'ombre et l'humidité tandis que Coffea canephora pousse en basse altitude, s'accommode mieux de la chaleur mais a besoin aussi d'humidité.

Les principaux pays producteurs de café dans le monde sont (leur production en millions de tonnes en 2018 est indiquée à côté) :

 

Brésil

3,7

Vietnam

1,8

Colombie

0,85

Indonésie

0,61

Ethiopie

0,45

Honduras

0,45

Inde

0,31

Ouganda

0,29

Pérou

0,26

 

Le Brésil produit surtout du café arabica (67% de sa production) qui, il faut le signaler, n'est pas cultivé en altitude. Il en est de même (café arabica) en Colombie et en Ethiopie.

Le Vietnam et l'Indonésie produisent surtout du robusta.

 

2) Obtention du café vert

            2-1) La récolte

On obtient un peu plus de 2kg de fruits par arbre pour un caféier arabica. La récolte a lieu en 2 ou 3 mois à une période dépendant de la situation géographique des plantations.

Il existe trois procédés de récolte des drupes ; la méthode utilisée, qui conditionnera la qualité des graines et l'avenir des arbres, est importante :

            - En secouant les arbres, on obtient des fruits à divers degrés de maturité et sans aucun tri (fruits sains et abîmés) ce qui n'assure pas une qualité reproductible pour des récoltes successives.

            - En passant un peigne dans le feuillage, strip-picking, ce qui arrache les drupes mais aussi beaucoup de feuilles et l'écorce des arbres.

            - En cueillant à la main les fruits sains et rouges, c'est le picking ; cette méthode plus coûteuse car nécessitant de la main-d'œuvre et du temps est réservée aux caféiers arabica qui fournissent les cafés les plus fins.

            2-2) Le café vert

Les drupes recueillies (appelées "cerises") sont ensuite traitées sans délai, par voie sèche ou par voie humide.

            - par voie sèche

on place les "cerises" au soleil, soit directement sur une aire en béton ou sur des bâches ou sur des tissages suspendus ("lit africain") ; les "cerises" disposées en couches fines sont régulièrement brassées avec de grands râteaux et protégées de la pluie. Le séchage dure environ une vingtaine de jours.

L'eau contenue dans le fruit est réduite à 12% environ (contre 65% dans le fruit frais). Tout ce qui entoure les graines de café (peau, pulpe et enveloppe des graines appelée parche) a séché et constitue la coque. On estime que le séchage est terminé quand on entend la graine bouger quand on agite la coque.

            - par voie humide

on enlève la majeure partie de la pulpe des drupes mécaniquement puis le reste par fermentation (actions d'enzymes microbiennes) en les plaçant dans de grands bacs d'eau et en les agitant régulièrement pendant environ 24 heures.

Les graines seulement entourées de leur parche, sont ensuite séchées au soleil ou dans des grands fours à air chaud ; on utilise parfois les deux méthodes successivement.

Comme précédemment l'eau est réduite dans la graine à 12%.

Cette méthode est considérée comme la plus "noble" et est réservée aux cafés les plus délicats (l'eau diminue l'amertume, l'astrigence et augmente l'acidité ce qui fait dire à certains qu'il est plus fin).

 

Le café dit "coque" car obtenu par voie sèche, donc dans une coque, est ensuite débarrassé de celle-ci et on obtient le café vert nature.

Le café obtenu par voie humide est débarrassé de la parche et on obtient le café vert lavé.

Dans les deux cas les graines passent dans des cribles qui les trient en fonction de leur grosseur ; un deuxième tri a lieu par densité, dans l'eau : les graines les plus mûres sont plus denses et restent au fond ; un troisième tri (colorimétrique) permet d'éliminer certaines graines de couleur indésirable (noire qui donnerait un goût amer et terreux à la boisson ou blanche qui donnerait un goût plat, ligneux au café) et de ne garder que celles de couleur vert bleu pour l'arabica lavé et plutôt brune pour le robusta obtenu par voie sèche.

Le café doit être placé dans des sacs de sisal ou des toiles de jute qui permettent à l'air de passer, empêchent ainsi l'humidité de stagner et évitent le développement des moisissures ; on l'entrepose vert plutôt que torréfié si on veut préserver l'ensemble des arômes.

 

3) Les constituants des graines de café vert

La composition chimique des graines de café dépend, comme pour toute substance issue de l'arboriculture ou même de l'agriculture en général, de beaucoup de facteurs ; l'espèce de caféier bien sûr, arabica et canephora ont en gros les mêmes constituants mais en proportions différentes ; mais encore pour une même espèce, le type de terre, l'humidité, la chaleur, l'altitude, l'ensoleillement, le mode de production … vont avoir une influence sur cette composition.

            3-1) Les principaux constituants

Le tableau ci-dessous donne les valeurs limites, en pourcentage en masse (g pour 100g de matière sèche ; la teneur en eau des graines de café oscillant entre 5 et 12%) des principales familles de composés que l'on rencontre dans le café vert pour Coffea arabica et Coffea canephora en sachant que ce récapitulatif n'est pas exhaustif ; il existe en effet de très nombreuses molécules dans une graine de café.

 

 

 

Arabica vert

Canephora vert

 

 

g/100g

g/100g

Glucides et fibres

 

 

 

Oses réducteurs

0,1

0,4

 

Oligoholosides

6,0 – 9,0

0,9 – 4,0

 

Polyholosides

34 – 44

48 – 55

 

Lignine

3,0

3,0

 

Pectine

2,0

2,0

Total glucides

 

45,1 – 58,1

54,3 – 64,4

 

 

 

 

Substances azotées

 

 

 

 

Protéines et peptides

10 - 11

11 -15

 

Acides aminés libres

0,5

0,8 – 1,0

 

Caféine

0,9 – 1,3

1,5 – 2,5

 

Trigonelline

0,6 – 2,0

0,6 – 0,7

Total substances azotées

 

12,0 – 14,8

13,9 – 19,2

 

 

 

 

Lipides

 

 

 

 

Triglycérides

11 - 13

5 – 8

 

Divers dont diterpéniques

0,4 – 0,9

0,15 – 0,6

Total lipides

 

11,4 – 13,9

5,15 – 8,6

 

 

 

 

Acides

 

 

 

 

Acides chlorogéniques

4,1 – 7,9

6,1 – 11,3

 

Acides aliphatiques

1,0

1,0

 

Acide quinique

0,4

0,4

Total acides

 

5,5 – 9,3

7,1 – 12,7

 

 

 

 

Minéraux et vitamines

 

3,0 – 4,2

4,4 – 4,5

 

            3-2) Les molécules des principaux constituants

                        3-2-1) Glucides et fibres

 

Glucides

 

            - Oses

 

MANNOSE

GALACTOSE

GLUCOSE

FRUCTOSE

RIBOSE

ARABINOSE

XYLOSE

ADMANNOPH

ADGALACTPH.gif

ADGLUCOPH.gif

FRUCTOPH.gif

ADRIBOPH

ADARABINOPH

XYLOPH.gif

Mannose

Galactose

Glucose

Fructose

Ribose

Arabinose

Xylose

 

A part le fructose, l'ensemble de ces oses sont des aldoses et ils sont réducteurs.

 

            - Oligosides

                                   * Le saccharose

C'est un des sucres formés au cours de la photosynthèse. Il est très aisément soluble dans l’eau : 200g dans 100ml à 20°C (à 100°C : 400g dans 100ml) et, de ce fait, il circule facilement dans les plantes afin de leur fournir l’énergie qui leur est nécessaire. Toutefois, cette substance fixe de grandes quantités d’eau et influe sur l’équilibre osmotique. La teneur en saccharose de la sève des plantes n’excède par conséquent guère plus de 15%.

Le saccharose de structure

SACCHAROSELESUCRE.gif

α-D-glucopyrannosyl-β-D-fructofurannose

 

est formé à partir de deux glucides simples, c’est un diholoside.

                                  

                                   * Le raffinose ou mélitose

RAFFINOSE

est un triholoside formé d'un enchaînement de D-galactose, de D-glucose et de D-fructose.

Par hydrolyse en présence de l'enzyme α-galactosidase il se scinde en saccharose (enchaînement de glucose et de fructose) et en galactose.

 

                                   * Le stachyose

STACHYOSE.gif

est un tétraholoside formé d'un enchaînement de  deux unités D-galactopyranose, d'une unité D-glucopyranose et d'une unité D-fructofuranose.

Il a un pouvoir sucrant d'environ deux tiers de celui du saccharose.

Remarques :

La présence en quantité plus importante des oses et des oligoholosides dans le café arabica que dans le café robusta explique en grande partie la plus grande douceur que l'on perçoit lorsqu'on déguste l'arabica.

Tous ces oses et osides sont solubles dans l'eau.

 

            - Polyholosides

                                   * Galactomannanes

GUAR2

Il s'agit de chaînes de β-D-mannose (β-(1->4)-D-mannanes) substituées en C-6 par des résidus galactose avec environ 1 mannose substitué sur 20.

Les galactomannanes sont partiellement solubles dans l'eau.

 

                                   * Arabinogalactanes

Il s'agit de chaînes de β-(1->3)-D-galactose substituées en C-6 par des résidus de galactose et d'arabinose (arabinogalactanes de type II) ; il y a environ 4 arabinoses pour 10 galactoses.

Les arabinogalactanes sont totalement solubles dans l'eau.

ARABINOGALACTANES.gif

 

                                   * Cellulose

CELLULOSE2

 

Différentes chaînes linéaires placées côte à côte sont liées par de nombreuses liaisons hydrogène ce qui donne à ce matériau une très grande rigidité.

 

Fibres

 

            -  Lignines

C'est le troisième constituant de la paroi cellulaire (constituant de la paroi secondaire des cellules des végétaux) ; c'est un polymère réticulé (tridimensionnel) dont la structure complexe varie, en fonction de l'espèce, de l'âge du végétal et des conditions climatiques.
On peut cependant dégager une structure de base commune dite "phénol propane" :

 

- pour les plantes annuelles

LIGNINE2

- pour les bois résineux

LIGNINE1

- pour les bois feuillus

LIGNINE3

Les lignines sont insolubles dans l'eau.

 

            - Pectines

C'est un ensemble complexe formé d'une ossature majoritaire résultant d'un enchaînement d'acides α-D-galacturonique liés en 1-4 (unités homogalacturonanes)

PECTINE1.jpg

Certaines des unités homogalacturonanes peuvent être méthylées et/ou acétylées :

 

PECTINES4.gif

Certaines unités homogalacturonanes peuvent être substituées par des oses :

                                   * Rhamnogalacturonanes

L'ose est alors le L(-)-rhamnose :

RHAMNOSE1.gif

RHAMNOSE2.gif

                                   * Xylogalacturonanes

L'ose est alors le D(+)-xylose :

XYLOSE2.gif

XYLOSE1.gif

                                   *Apiogalacturonanes

L'ose est alors le D-apiose

APIOSE.gif

APIOSE3.gif

                       

                        3-2-2) Substances azotées

 

            - Amines

Présentes dans de nombreuses plantes, on en trouve en faibles quantités, de l'ordre d'une centaine de milligrammes par kilogramme de matière sèche, dans les graines de café vert.

 

PUTRESCINE.gif

SPERMIDINE.gif

SPERMINE.gif

Putrescine (55% des amines environ)

Spermidine (25% des amines environ)

Spermine (20% des amines environ)

 

            - Acides aminés libres

On trouve essentiellement

 

GLUTAMIQUE

ASPARTIQUE

AMINOBUTANOIQUE.gif

L'acide glutamique

L'acide aspartique

L'acide γ-aminobutyrique ou GABA

Acide α-aminé ; ce n'est pas un acide aminé essentiel pour l'homme, mais l'apport par l'alimentation peut être nécessaire si l'apport endogène est insuffisant.

Acide α-aminé ; ce n'est pas un acide aminé essentiel pour l'homme. C'est un métabolite du cycle de l'urée.

C'est un important neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central.

 

            - Acides aminés constituant les peptides ou les protéines

Outre les trois déjà cités dans la fraction libre, on trouve :

L'alanine, l'arginine, l'asparagine, la cystéine, la glycine, l'histidine, la 3-méthylhistidine, l'isoleucine, la leucine, la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la proline, la sérine, la thréonine, la tyrosine, la valine, le tryptophane.

Les acides aminés soulignés sont des acides α-aminés essentiels.

Des enzymes participent pour une part infime à la présence de protéines dans le café vert ; elles sont importantes dans les processus de modifications biochimiques de celui-ci ; on trouve par exemple des protéases des lipases, des amylases, des catalases, des polyphénoloxydases, des α et β-galactosidases, des phosphatases acides ….

 

            - Alcaloïdes

                                   *Caféine

CAFEINE10.gif

Connue aussi sous le nom de 1,3,7-triméthylxanthine, cette molécule est un alcaloïde, excitant du système nerveux central et stimulant du système cardio-vasculaire, présent aussi dans le thé.
La caféine a été isolée des graines de café en 1820 pour la première fois, par Robiquet.

D'autres alcaloïdes qui sont aussi des xanthines (théobromine, théophylline, ….Voir annexe 1) sont présents en quantités très faibles.

La caféine est moyennement soluble dans l'eau à froid ; sa solubilité augmente avec la température.

La caféine est présente en moins grande quantité dans l'arabica que dans le robusta (environ deux fois moins).

 

                                   *Trigonelline ou méthylbétaïne

TRIGONELLINE.gif

C'est un alcaloïde dérivé de l'acide nicotinique dont il est un produit du métabolisme, par addition d'un groupement méthyle sur l'azote.

Il est présent dans de nombreuses autres plantes (chanvre, avoine, fenugrec ….).

La trigonelline est très soluble dans l'eau. La torréfaction va dégrader la molécule conduisant à des composés renforçant les arômes.

 

                        3-2-3) Lipides

Les fractions lipidiques que l'on peut extraire à l'hexane, au Soxhlet, des grains de café vert sont

            - Les triglycérides

Ils constituent environ 75 % de l'ensemble des lipides.

Ce sont essentiellement des esters du glycérol et des acides linoléique, stéarique, oléique mais aussi palmitique …

Trois composés majoritaires (environ 60% de l'ensemble des triglycérides)

                        *distéarolinoléine

DISTEAROLINOLEIQUE.gif

 

                        *stéarodilinoléine

STEARODILINOLEIQUE.gif

 

                        *stéarooléolinoléine

 

STEAROOLEOLINOLEIQUE.gif

 

            - Esters diterpéniques

On trouve aussi des esters d'acides gras avec les alcools diterpéniques suivants,

                        *le cafestol

 

CAFESTOL.gif

                        *le kahwéol

 

KAHWEOL.gif

Le cafestol est le plus abondant.

Remarque :

On trouve aussi le cafestol et le kahwéol libres

 

            - Esters de stérols

On trouve aussi des linoléates ou des palmitates de

 

                        * β-Sitostérol

SITOSTEROL.gif

Le plus abondant des phytostérols (stérols végétaux)
Sa structure ne diffère du cholestérol que par la présence d'un groupement éthyle sur le carbone n°24
(numérotation des stéroïdes).
Les animaux supérieurs synthétisent le cholestérol, mais pas le β-Sitostérol ce qui montre combien sont spécifiques les enzymes servant à ces synthèses.

 

                        *Stigmastérol

STIGMASTEROL.gif

Phytostérol présent, en particulier, dans l'huile des graines de soja.
Sa molécule ne diffère de celle du β-Sitostérol, que par la présence d'une double liaison en C(22)-C(23).

                        *Campestérol

CAMPESTEROL.gif

 

C'est aussi un phytostérol, très voisin des précédents et présent dans de nombreux légumes et fruits.

 

                        *Cycloarténol

CYCLOARTENOL.gif

Phytostérol produit à partir du squalène, à propriétés anti-inflammatoires.

 

                        3-2-4) Les acides

L'acidité est un caractère important d'un café ; de la même façon qu'on attache de l'importance à son arôme, on est sensible à son acidité.

            - Les acides aliphatiques

Ceux que l'on rencontre en quantités sensiblement égales dans les deux types de café sont

                        * L'acide citrique (≈ 1% de la matière sèche)

 

ACIDECITRIQUE.gif

                        * L'acide malique (≈ 0,5% de la matière sèche)

 

MALIQUE

                        * On trouve aussi de l'acide quinique

QUINIQUE2

en quantité légèrement plus importante dans l'arabica (≈ 0,5% de la matière sèche) que dans le robusta (≈ 0,3% de la matière sèche).

            - Les acides chlorogéniques

Les acides chlorogéniques sont des composés phénoliques, esters des acides caféique, férulique et para-hydroxycinnamique (ou p.coumarique) (voir annexe 3) avec les fonctions alcool de l'acide quinique en 3,4 et 5.

On distingue les acides

                        * 3 ou 4 ou 5-caféylquiniques (3-ACQ, 4-ACQ, 5-ACQ)

Ils sont prépondérants dans l'arabica et constituent 86% de l'ensemble des acides chlorogéniques ; le plus abondant étant le 5-ACQ qui représente 61% des acides caféylquiniques.

 

3ACQ2

4ACQ

 

 

5ACQ2

 

3-ACQ

4-ACQ

5-ACQ

 

                        * 3,4 ou 3,5 ou 4,5-dicaféylquiniques (3,4-AdiCQ, 3,5-AdiCQ, 4,5-AdiCQ)

 

34DIACQ3

 

 

35DIACQ2

34DIACQ2

3,4-AdiCQ

3,5-AdiCQ

4,5-AdiCQ

 

                        * 3 ou 4 ou 5-férulylquiniques (3AFQ, 4AFQ, 5-AFQ)

 

3AFQ2

4AFQ

 

 

5AFQ2

3AFQ

4AFQ

5-AFQ

 

                        *3 ou 4 ou 5-parahydroxycinnamylquiniques (3-ACoQ, 4-ACoQ, 5-ACoQ)

 

3ACoQ2

4ACoQ

 

 

5ACoQ2

3-ACoQ

4-ACoQ

5-ACoQ

 

Etymologie : du grec ancien χλωρός (khlôrós) "vert",  γένος (genos) "naissance".

 

Ce nom est dû aux composés verts que certains de ces acides donnent par oxydation ; en effet ils constituent des substrats pour les enzymes polyphénols oxydases (PPO). Ceux-ci oxyderaient  les ortho-diphénols en ortho-quinones qui après polymérisation formeraient des pigments colorés.

OXACCHLOROGENIQUE.gif

 

Dans les végétaux, les acides chlorogéniques sont généralement des composés de défense ou des précurseurs de la synthèse de la lignine. Leur présence augmente à la suite d'une blessure des végétaux.

 

                        3-2-5) Minéraux et vitamines

            - Les éléments minéraux principaux des cafés verts sont le potassium (K) environ 39%, le  Magnésium (Mg), le Phosphore (P).

Mais beaucoup d'autres sont présents en très petites quantités et parfois même à l'état de traces : Sodium (Na), Calcium (Ca), Soufre (S), Zinc (Zn), Strontium (Sr), Manganèse (Mn), Fer (Fe), Cuivre (Cu) …..

Ces minéraux sont présents sous forme de composés solubles dans l'eau et donc présents dans la boisson.

            - La vitamine B3 est majoritaire dans les cafés verts mais on trouve également les vitamines B5, B2, B6, B1, C et E.

Toutes ces vitamines sauf la vitamine E sont hydrosolubles et se retrouvent (à l'exception de B1 et C qui sont dégradées lors de la torréfaction) dans la boisson.

 

B1

B2

 

B3

Vitamine B1 (ou thiamine)

Vitamine B2 (ou riboflavine)

Vitamine B3 (acide nicotinique)

 

B5

B6

C

Vitamine B5 (ou acide pantothénique)

Vitamine B6 (ou pyridoxine)

Vitamine C (acide ascorbique)

 

 Les tocophérols

Ces molécules présentes en petites quantités (quelques μg/g de matière sèche) dans le café vert et dont le mélange constitue la vitamine E, sont des agents réducteurs protégeant les lipides insérés dans les membranes cellulaires en les empêchant de se détruire par oxydation ; elle stoppe le mécanisme de propagation de la chaîne d'oxydation en réduisant les intermédiaires radicalaires (voir annexe 2).

 

                               *α-tocophérol

ALPHATOCO.gif

                               *β-tocophérol

BETATOCO.gif

                               *γ-tocophérol

GAMMATOCO.gif

4) La torréfaction du café

            4-1) Considérations générales

C'est une opération capitale qui va consister à chauffer au gaz ou à l'éléctricité (le fioul apporte parfois une odeur) les graines de café vert pour d'abord éliminer les 12% d'eau qu'elles contiennent puis permettre à diverses réactions chimiques dites réactions de Maillard d'avoir lieu, ce qui conduira aux arômes si divers, si subtils et agréables que l'on perçoit dans l'atelier d'un torréfacteur. Notons que le café vert n'a pas d'arôme.

Plusieurs méthodes de torréfaction parmi lesquelles :

            - 1 - On porte à 200°C pendant 20 minutes c'est la torréfaction traditionnelle.

            - 2 - On porte à 250°C pendant 10 minutes ; c'est la torréfaction industrielle.

            - 3 - La torréfaction flash : on porte à 850°C pendant 90 secondes.

Les graines sont constamment brassées pour que la chaleur qu'elles reçoivent soit uniforme.

Dès la fin du chauffage, il faut refroidir de façon efficace par brassage de l'air pour éviter que les composés formés ne continuent à se transformer.

La torréfaction est une opération de spécialiste car elle exige en cours d'opération une analyse à la fois visuelle et olfactive des graines.

Des processus industriels permettent une automatisation de l'opération mais le résultat dépend beaucoup des graines de départ. Signalons qu'avant torréfaction des mélanges de cafés verts sont souvent effectués, jusqu'à 7 provenances différentes et ceci pour des raisons organoleptiques (les différents arômes résultant de ces graines se complètent), économiques et de constance de la qualité du café torréfié proposé au consommateur.

Pendant la torréfaction on voit la graine de café se modifier car les parties volatiles (eau et autres gaz formés) s'en vont. La graine augmente de volume, devient poreuse, sa couleur change et passe au brun plus ou moins foncé suivant le degré de torréfaction ; on parle alors de grain de café.

Les réactions de Maillard et Strecker qui ont lieu conduisent à la formation des pyrazines, alkylpyrazines, alkylpyridines, pyrroles, furannes, furanones, pyranones, oxazoles ….(voir les formules en 4-2-3) molécules contribuant aux différents arômes que l'on peut percevoir au fur et à mesure de l'opération. La matière grasse contribue largement à dissoudre certains de ces composés et donc à fixer ces arômes. Les couleurs  successives des grains de café sont dues aux mélanoïdines formées.

Les composés ne sont pas les mêmes suivant l'importance de la température atteinte et le temps de torréfaction. La torréfaction flash par exemple ne permet pas aux réactions de Maillard et Strecker de se produire et donc aux arômes de se former. Elle est plutôt utilisée pour fabriquer les cafés solubles.

           

            4-2) La réaction de Maillard

C'est une réaction entre la fonction carbonyle

CARBONYLE2.gif

d'un ose et la fonction amine (-NH2) d'une protéine ou d'un acide aminé, à chaud.
Il se forme une imine, qui se réarrange (réarrangement d'Amadori) et conduit à une cétone qui peut alors réagir elle aussi avec une autre fonction amine. Il peut ainsi se produire une polymérisation qui aboutit à des produits bruns.

MAILLARD.gif

Réarrangement d'Amadori:
AMADORI.gif
La réaction de Maillard est favorisée à pH compris entre 4 et 7, gamme de pH de la plupart des aliments et donne les produits bruns de la bière.

C'est ainsi aussi que l'on obtient la teinte d'un brun plus ou moins foncé de la croûte du pain, du café torréfié, du sucre de canne roux, de la viande grillée, …...
Cette réaction intéresse beaucoup l'industrie agro-alimentaire car elle conditionne fortement le développement d'arômes et de textures croustillantes.

Signalons que la réaction de Maillard peut présenter quelques inconvénients :
Elle rend inassimilable la lysine (acide aminé essentiel) qui a subi cette transformation dans certains produits en conserves. Il se trouve que cet acide aminé en particulier est plus spécialement mis en jeu dans le phénomène.
Les produits qui se forment lors de la réaction de Maillard (MRP pour Maillard Reaction Products, ou AGEs pour Advanced Glycation End-products ou PTG pour Produits Terminaux de Glycation) dans les aliments à forte teneur en sucre et en présence d'acides aminés sont très nombreux et n'ont pas tous été identifiés. Pris dans leur ensemble les MRP sont néphrotoxiques à fortes doses. Certains d'entre eux présentent des effets mutagènes et d'autres à l'inverse ont un effet protecteur de la mutagénèse.
Parmi les nombreux composés identifiés on trouve les furannoses : hydroxyméthylfurfural, furanosine, furfuraldéhyde.
Les données toxicologiques ne permettent pas en 2019 l'établissement d'une DJT (dose journalière tolérable) pour les MRP.

 

Le schéma simplifié de la réaction de Maillard (adapté de Hodge, 1953) est le suivant :

 

MAILLARD2.gif

Le détail des étapes numérotées de 1 à 10 est le suivant :

 

            -1- Condensation de Maillard :

 

ETAPE1MAILLARD.gif

Remarque :

Avec un cétose on obtient :

 

MAILLART11.gif

            -2- Réarrangement d'AmadoriRéarrangement de Heyns:

 

En partant d'un aldose et notamment par action d'un acide aminé la base de Schiff subit rapidement un réarrangement d'Amadori et on aboutit à une cétosamine :

MAILLARD6.gif

 

En partant d'un cétose la base de Schiff subit un réarrangement de Heyns et on aboutit à une aldosamine :

MAILLART12.gif

            -3- Produits de scission :

 

PYRUVALDEHYDE.gif

DIACETYLE.gif

HYDROXYACETONE.gif

Pyruvaldéhyde ou Méthylglyoxal

Butan-2,3-one ou Diacétyle

Hydroxyacétone

 

            -4- Déshydratation forte :

 

Elle est favorisée en milieux acides.

MAILLARD7.gif

 

La polymérisation du 5-hydroxyméthylfurfural donne des produits bruns (mélanoïdines) :

POLYMHMF.gif

 

            -5- Déshydratation modérée :

 

Elle se produit en milieu neutre ou légèrement alcalin.

 

MAILLARD8.gif

 

            -6 et 7- Dégradations de Strecker

 

Maillard9.gif

 

            -8,9,10- Scission, condensation et polymérisation :

Ces réactions finales donnent des produits volatils,odorants et colorés en brun par des mélanoïdines.

Schéma de synthèse de mélanoïdines à partir de réductones et de résidus d'arginine (d'après Hofmann, 1988)

 

MAILLARD10

 

            4-2-1) Influence de la nature des glucides sur la réaction de Maillard :

Plus le nombre d'atomes de carbones est petit plus le glucide est réactif ; les cétoses sont plus réactives que les aldoses.

Ainsi le D-xylose est plus réactif (>) que le L-arabinose > D-fructose > D-galactose > D-mannose > D-glucose > maltose > lactose >saccharose.

 

DXYLOSE.gif

LARABINOSE.gif

DFRUCTOSE.gif

DGALACTOSE.gif

DMANNOSE.gif

DGLUCOSE.gif

D(+)-Xylose

L(+)-Arabinose

D(-)-Fructose

D(+)-Galactose

D(+)-Mannose

D(+)-Glucose

 

Un glucide sous forme hémiacétalique ne donne pas de réaction de brunissement. C'est le taux de forme ouverte qui conditionne la réactivité :

 

% de forme ouverte

pH 6,6

pH 7,0

pH 7,5

D-Glucose

0,012

0,022

0,04

D-Mannose

0,04

0,06

0,1

D-Ribose

10

18,5

30

 

            4-2-2) Influence de la nature des acides aminés sur la réaction de Maillard :

La nature des acides aminés influe aussi sur la réactivité :

 

Acides aminés

Réactivité relative

L-Glycocolle

100

L-Alanine

100

D,L-Ornithine

400

L-Lysine

480

(D'après "Réactions de brunissement" Stéphane Bouquelet- Professeur - Université des sciences et technologies de Lille – 20 avril 2016).

 

            4-2-3) Quelques classes de composés issus de la réaction de Maillard : (van Boekel, 2006)

 

Famille chimique

Molécules

Arôme associé

Exemple d'aliment

Pyrazines

PYRAZINE.gif

cuit, rôti, toasté, céréales cuites

aliments chauffés en général

Alkylpyrazines

ALKYLPYRAZINE.gif

noix, rôti

café

Alkylpyridines

ALKYLPYRIDINE.gif

vert, amer, astringent, brûlé

café, orge, malte

Acylpyridines

ACYLPYRIDINE.gif

cracker

produits céréaliers

Pyrroles

PYRROLE.gif

céréales

céréales, café

Furannes, furanones, pyranones

FURANNE.gif

sucré-doux, brûlé, âcre, caramel

aliments chauffés en général

Oxazoles

OXAZOLE.gif

vert, noix, sucré-doux

cacao, café, viande

Thiophènes

THIOPHENES.gif

viande

viande cuite

 

            4-3) Les constituants des grains de café torréfiés

 

 

 

Arabica vert

Arabica torréfié

Canephora vert

Canephora torréfié

 

 

g/100g

g/100g

g/100g

g/100g

Glucides et fibres

 

 

 

 

 

Oses réducteurs

0,1

0,3

0,4

0,3

 

Oligoholosides

6,0 – 9,0

4,2

0,9 – 4,0

1,6

 

Polyholosides

34 – 44

31-33

48 – 55

37

 

Lignine

3,0

3,0

3,0

3,0

 

Pectine

2,0

2,0

2,0

2,0

Total glucides

 

45,1 – 58,1

40,5 -42,5

54,3 – 64,4

43,9

 

 

 

 

 

 

Substances azotées

 

 

 

 

 

 

Protéines et peptides

10 - 11

7,5-10

11 -15

7,5-10

 

Acides aminés libres

0,5

-

0,8 – 1,0

-

 

Caféine

0,9 – 1,3

1,1-1,3

1,5 – 2,5

2,4-2,5

 

Trigonelline

0,6 – 2,0

0,2-1,2

0,6 – 0,7

0,3-0,7

Total substances azotées

 

12,0 – 14,8

8,8-12,5

13,9 – 19,2

10,2-13,2

 

 

 

 

 

 

Lipides

 

 

 

 

 

 

Triglycérides

11 - 13

13

5 – 8

8

 

Divers dont diterpéniques

0,4 – 0,9

0,7

0,15 – 0,6

0,25

Total lipides

 

11,4 – 13,9

13,7

5,15 – 8,6

8,25

 

 

 

 

 

 

Acides

 

 

 

 

 

 

Acides chlorogéniques

4,1 – 7,9

1,9-2,5

6,1 – 11,3

3,3-3,8

 

Acides aliphatiques

1,0

1,6

1,0

1,6

 

Acide quinique

0,4

0,8

0,4

1,0

Total acides

 

5,5 – 9,3

4,3-4,9

7,1 – 12,7

5,9-6,4

 

 

 

 

 

 

Minéraux et vitamines

 

3,0 – 4,2

4,2

4,4 – 4,5

4,5

Mélanoïdines

 

-

25

-

25

 

            - Les glucides

Ils sont dégradés par la torréfaction ; les oligoholosides donnent des oses (par exemple le saccharose est inverti ; il donne le D-Glucose et le D-Fructose). Ces oses réagissent avec les acides aminés pour donner des composés bruns par réaction de Maillard.

            - Substances azotées

Les acides aminés libres disparaissent totalement dans le grain de café torréfié ; ils ont participé à la réaction de Maillard.

Les enzymes disparaissent aussi totalement après torréfaction.

La caféine n'est pratiquement pas affectée ; ce n'est pas le cas de la trigonelline qui se décompose en acide nicotinique, en pyridine et en substances aromatiques qui renforcent les arômes. La trigonelline contribue à l'amertume de la boisson.

Notons que le rapport des quantités de trigonelline et d'acide nicotinique dans le café torréfié peut constituer un indicateur de son degré de torréfaction.

 

TRIGONELLINE.gif

 

NICOTINIQUE

 

PYRIDINE

Trigonelline

Acide nicotinique (vitamine B3)

Pyridine

 

            - Les lipides

Les triglycérides ne sont pas modifiés. Ils permettent de dissoudre certaines molécules participant aux arômes et diminuent ainsi la perte d'arôme par volatilité.

Les esters de stérols ne sont pas modifiés non plus.

Des acides gras libres apparaissent, provenant de l'hydrolyse d'une petite partie des acides diterpéniques (en quantités plus importantes dans les grains de café obtenus par voie humide que dans ceux obtenus par voie sèche). On retrouve dans le café torréfié du cafestol et du kahwéol libres en quantités plus importantes.

            - Les acides

Par pyrolyse des glucides il se forme de l'acide éthanoïque et de l'acide méthanoïque qui viennent s'ajouter aux acides déjà mentionnés dans le café vert (citrique, malique …) ; l'acidité est un facteur important contribuant aux propriétés organoleptiques de la boisson que l'on obtiendra à partir du café torréfié.

Les acides chlorogéniques qui sont des acides phénoliques sont détruits par torréfaction et ceci d'autant plus que cette opération est plus poussée.

Des chiffres : Perrone et al. ont mesuré que la quantité de 5-ACQ passait de 3358 mg par 100g de matière sèche à 1905 mg après 8 minutes à 170°C et à 119 mg après 15 minutes à 200°C.

Cela entraîne l'augmentation de la quantité d'acide quinique aussi bien pour l'arabica que pour le canephora.

Ces composés phénoliques (acides chlorogéniques) confèrent acidité et astringence à la boisson. Ils sont nécessaires au développement des arômes lors de la torréfaction. En quantité trop faible ils conduisent à un café amer et corsé ; en quantité trop importante ils donnent un café acide et trop astringent.

            - Minéraux et vitamines

Les minéraux ne sont pas affectés par l'opération.

Les vitamines B1 et C sont dégradées par la torréfaction ; la vitamine B3 (ou acide nicotinique) est en plus grande quantité ; toutes celles qui sont hydrosolubles se retrouvent dans la boisson.

            - Mélanoïdines

Ces composés complexes apparaissent lors de la torréfaction ; ils donnent la couleur foncée aussi bien au grain de café torréfié qu'au café préparé avec ces grains ; ils participent à l'amertume de la boisson.

 

5) Le café boisson et le marc de café

            5-1) Le café boisson

La préparation du café comme boisson, peut se faire de différentes façons.

Elles consistent toutes à extraire par l'eau chaude (au maximum 90°C-95°C) un grand nombre de substances présentes dans les grains de café torréfié moulus.

La finesse de la mouture est en général corrélée au temps de contact avec l'eau chaude (exception faite pour la décoction) ; si ce temps est long on préférera la mouture grossière (cafetières à filtre) et pour un temps court une mouture fine (machine expresso : percolateurs).

Les propriétés organoleptiques de la boisson obtenue sont d'autant meilleures que l'eau est plus faiblement minéralisée.

            - La lixiviation

On fait passer lentement de l'eau chaude à travers du café réduit en poudre.

C'est la méthode la plus couramment utilisée : cafetières électriques courantes nécessitant un filtre. L'eau séjournant assez longtemps dans la poudre il ne faut pas que le café soit finement moulu sous peine d'obtenir une boisson amère.

            - La percolation

Extraction par passage de l'eau chaude à haute pression sur le café moulu assez finement. La durée d'extraction est brève (inférieure à 30 secondes), la température de l'eau se situe entre 90°C et 95°C, la pression entre 8 et 9 bars.

On obtient l'expresso bien connu.

            - La décoction

Le café moulu très finement (comme du sucre glace) est trempé dans l'eau froide qui est portée à ébullition pendant plusieurs minutes. Les principes actifs se dissolvent. On répète l'opération une nouvelle fois.

C'est une méthode très ancienne ; la boisson très amère obtenue est appelée café turc.

            - L'infusion

Cette méthode surtout utilisée pour les tisanes consiste à mettre de la poudre de café dans de l'eau initialement bouillante et à laisser le tout refroidir lentement.

 

Bien entendu suivant la méthode utilisée on obtient une extraction plus ou moins importante des différents éléments hydrosolubles qui existent dans les grains de café torréfiés.

Dans un café expresso par exemple on trouve

 

Energie
kJ/100g

Sucres
g/100g

Protéines
g/100g

Graisses
g/100g

Cholestérol
mg/100g

Na
mg/100g

K
mg/100g

Ca
mg/100g

Mg
mg/100g

Fe
mg/100g

Cu
mg/100g

Zn
mg/100g

Mn
mg/100g

P
mg/100g

2

0,0

0,1

0,2

0

14

115

2

80

0,13

0,050

0,05

0,050

7

Données relevées sur "Handbook of chemistry and physics" (CRC Edition 2008-2009)

 

            5-2) Le marc de café

Après extraction des substances solubles ou partiellement solubles dans l'eau, c'est-à-dire après obtention du café boisson (une substance foncée) il reste un ensemble solide appelé marc de café ; il correspond à environ 650 kg de marc de café par tonne de grains de café vert. Dans le monde, en 2023, on estime à environ 5 millions de tonnes le marc de café généré.

Sa composition correspond aux substances répertoriées dans la composition des grains de café torréfiés à l'exception de celles qui se sont solubilisées dans l'eau pour donner le café boisson.

Cette composition dépend bien sûr de la nature des grains du café torréfié mais aussi du type d'extraction utilisé ; en effet suivant la durée de l'extraction la température de l'eau, la finesse de la mouture …. la quantité de substances dissoutes dans l'eau ne sera pas la même et donc la composition du marc non plus.

En moyenne, les principales substances présentes dans un marc de café se retrouvent dans les proportions suivantes :

            - 45 à 50 % de polyholosides

            - 10 à 15% de lipides

            - 0,5 à 3% d'acides chlorogéniques

            - Environ 0,5 % de caféine

 

L'utilisation industrielle du marc de café se développe

            - Dans le domaine de l'énergie

·         La méthanisation (processus de dégradation aérobie) permet de produire du biogaz et de l'énergie.

·         Fabrication de granulés ou de bûches compressées pour le chauffage.

·         Obtention d'huile brute à partir des oses et des oligosides.

·         Obtention de bioéthanol par fermentation des oses et oligosides après extraction

            - En cosmétique

·         Utilisation des molécules bioactives lipophiles (terpénes, tocophérols) extraites de la fraction lipidique du marc de café, pour fabriquer des huiles essentielles.

·         Les molécules bioactives antioxydantes (acides chlorogéniques, acide quinique, acide hydroxycinnamique, acide coumarique, acide férulique) sont incorporées dans les produits de soins de la peau anti-âge et antioxydants.

            - Dans I'industrie alimentaire

·         Ingrédients naturels  (suppléments nutritionnels) vendus pour leur potentiel antioxydant.

·         Caféine

            - Dans l'industrie des biopolymères

·         fabrication de matériaux biodégradables : PHA (polyhydroxyalcanoates) ou PHB (polyhydroxybutyrates) par voie enzymatique à partir des lipides et des oses et polyholosides présents dans le marc de café.

 

6) Le café soluble (D'après le guide du café)

On trouve dans le commerce des granulés ou des poudres de café solubles dans l'eau. Pour obtenir ces granulés on procède comme suit :

            -1- Extraction

On fait passer de l'eau chaude sur du café torréfié moulu.

Pour cela on place des cellules contenant du café moulu frais, en série, et de l'eau chaude sous pression (≈ 180°C) les traverse successivement ; dans les premières cellules l'extraction est grossière et seuls les composés les plus stables à la chaleur se dissolvent ; au fur et à mesure l'eau refroidit (≈ 100°C) et dans les cellules d'aval, des composés plus vulnérables à la chaleur sont extraits.

            -2- Evaporation

On centrifuge ce que l'on a précédemment obtenu pour enlever les particules solides insolubles dans l'eau. Puis on évapore l'eau sous pression réduite et à température basse jusqu'à obtenir une solution à 50%.

Deux techniques ensuite pour obtenir le café solide soluble :

                        -3a- Séchage ("atomisation")

                                   Un jet d'air chaud entraîne la liqueur obtenue à l'étape -2- en fines gouttelettes ; ces gouttes sèchent et le solide qui était en solution descend sous forme de grains. On agglomère ces grains grâce à de la vapeur pour en faire des granulés que l'on sèche et que l'on tamise.

                        -3b- Lyophilisation

La liqueur obtenue au -2- est congelée (-45°C). On la fragmente en petits granulés et les cristaux de glace qui renferment les composés solides qui étaient en solution dans la liqueur sont directement transformés en vapeur d'eau par sublimation sous vide très poussé (L'eau passe directement de l'état solide (glace) à l'état de vapeur sans passer par l'état liquide).

Il reste alors des granulés de café soluble.

Ce procédé est plus coûteux en énergie que la séchage par l'air chaud et est réservé à des cafés plus nobles.

 

7) Le café décaféiné

Une tasse de café apporte entre 80 et 150 mg de caféine à celui qui la boit ; l'imprécision (du simple à presque le double) vient de ce que le volume de la tasse n'est pas précisé mais aussi un peu du type de café (arabica ou robusta).

La caféine ainsi que la théobromine et la théophylline (mais qui sont présents en quantité moins importante) aident, si consommés modérément, à combattre la fatigue et la somnolence.

Leur action pharmacologique correspond à un antagonisme avec les récepteurs d'un neuromodulateur, l'adénosine :

ADENOSINE.gif

Ils bloquent le récepteur A2A de celle-ci.

Prise en quantité plus importante, la caféine un excitant, donc, du système nerveux central peut entraîner des insomnies chez certaines personnes.

Pour pouvoir boire plusieurs tasses de café sans craindre ces effets secondaires, certains privilégient le café décaféiné.

Il est obtenu à partir du café vert dont on extrait la caféine, à l'aide d'un solvant organique ou bien avec de l'eau, ou encore avec du CO2 liquide à l'état supercritique ; le fabricant n'est pas tenu de mentionner la méthode qu'il a utilisée.

Pour avoir droit à l'appellation "décaféiné" les cafés en grains ou moulus doivent avoir une teneur en caféine inférieure à 0,1% ; pour les extraits ou les cafés solubles la teneur doit être inférieure à 0,3%.

            7-1) Extraction par solvants organiques

Cette méthode mise au point au début des années 1900 utilisait le benzène

BENZENE.gif

ou le trichloroéthylène, un solvant chloré.

TRICHLO.gif

Mais ces solvants sont toxiques et cancérigènes et on leur a préféré le dichlorométhane (ou chlorure de méthylène) qui est pourtant potentiellement cancérigène

DICHLOROMETHANE.gif

ou l'éthanoate d'éthyle

ETHANOATEDETHYLE.gif

Le principe de la méthode :

            - On traite les graines de café vert par un jet de vapeur qui les fait gonfler.

            - Le solvant organique envoyé sur ces graines rendues perméables, dissout la caféine qui sort par les pores.

            - On envoie à nouveau de la vapeur pour débarrasser les graines de la majeure partie du solvant (mais pas l'intégralité).

            - On sèche les graines jusqu'à environ 12% d'humidité.

            - On torréfie.

("Le café : les effets bénéfiques et néfastes pour la santé" Pol Nicolas Guy Haler – Sciences pharmaceutiques 2013 hal 01732489)

           

            7-2) Extraction par CO2 supercritique (Voir annexe 4)

De plus en plus et maintenant presqu'exclusivement, on utilise cette extraction pour éviter le solvant résiduel mentionné dans la précédente méthode.

Le dioxyde de carbone est envoyé sous pression (≈ 72,9 bars) au travers des graines de café, à température supérieure à 31,1°C (≈304,25 K). Dans ces conditions CO2 est dans un état supercritique c'est-à-dire intermédiaire entre un gaz, ce qui lui permet de rentrer dans les graines de café et un liquide qui dissout la caféine.

CO2 passe sous un jet d'eau qui dissout la caféine ; on peut la récupérer par adsorption sur charbon actif, par distillation ou recristallisation.

 

            7-3) Extraction par l'eau

On place les graines de café vert dans une solution ayant les mêmes composants que le café vert traité sauf la caféine (solution isotonique). Seule la caféine se dissout et est donc extraite de la graine.

On sèche et on torréfie.

Cette méthode est plus coûteuse que les deux précédentes et plus délicate à mettre en œuvre. Elle n'a pratiquement plus cours aujourd'hui.

 

La caféine récupérée est utilisée industriellement dans plusieurs domaines :

            - Boissons énergisantes et compléments alimentaires.

            - Cosmétique.

            - Médicaments.


Annexe 1

Théobromine, théophylline

 

THEOBROMINE

THEOPHYLLINE2

Théobromine (ou 3,7-diméthylxanthine)

Théophylline (ou 1,3-diméthylxanthine)



Annexe 2

Mode d'action de la vitamine E vis-à-vis de l'oxydation des lipides et régénération par la vitamine C.

 

VITELIPIDES


Annexe 3

Acides caféique, férulique et para-coumarique

 

 

CAFEIQUE

FERULIQUE

 

PCOUMARIQUE

Acide caféique

Acide férulique

Acide para-coumarique


Annexe 4

Extraction par CO2 à l'état de fluide supercritique

À l’état de fluide supercritique, le CO2 est très utilisé pour isoler et extraire des composés fragiles (principes actifs) d’un mélange ou pour éliminer une contamination au cœur ou en surface d’un matériau

solide. Les faibles températures mises en œuvre (40 à 60 °C) permettent de conserver l’intégrité chimique des molécules thermolabiles. Le procédé a de nombreuses applications en cosmétique, parfumerie,

chimie fine, agro-alimentaire. Il consiste à faire circuler du CO2 supercritique, sous pression et température contrôlées, à travers une matière divisée, puis à opérer une décompression pour récupérer l’extrait ou le contaminant.

À la dépressurisation, le CO2 est libéré sous forme gazeuse (ré-exploitable) et le composé recherché sous forme liquide ou solide (d’après http://www.portail-fluides-supercritiques.com).

Le procédé d’extraction par CO2 supercritique est notamment très utilisé pour la décaféination du café.

Il permet ainsi d’obtenir à faible coût d’importantes quantités de caféine qui est ensuite utilisée dans certains sodas ou dans des composés pharmaceutiques (psychostimulants, antimigraineux).