L'ANILINE


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Plan de l'étude

1) L'aniline

                1-1) Historique

                1-2) Préparation

                1-3) Propriétés physiques

                1-4) Propriétés chimiques


1) L'aniline

            1-1) Historique

Trois scientifiques allemands sont à l'origine de la découverte de l'aniline :

ANILINE2.gif

INDIGO

Il faut, pour compléter ce tour d'horizon des savants qui ont approché l'aniline au moment de sa découverte, signaler :

v  Nicolaï Zinin Professeur à Kazan et à St Pétersbourg qui montre en 1842 que l'aniline peut être préparée par réduction du nitrobenzène.

v  August Wilhelm von Hofmann qui prépare en 1856 un beau colorant, le rouge d'aniline en faisant agir du tétrachlorure de carbone sur de l'aniline brute (contenant aussi de la toluidine).

v  William Henry Perkin senior, un élève de Hofmann, qui devient le fondateur réel de l'industrie des colorants à l'aniline grâce à sa "mauvéine" un colorant mauve qu'il obtient en 1856 par oxydation de l'aniline brute (Il s'agit en fait d'un composé se formant à partir des trois molécules aniline, ortho-toluidine et para-toluidine oxydées en milieu sulfurique par le dichromate de potassium. Il se forme d'ailleurs deux composés, la mauvéine A et une autre molécule ayant un groupement méthyle en plus, la mauvéine B).

 

MAUVEINEA

MAUVEINEB

Mauvéine A

Mauvéine B

 

"Le 6 avril 1865, l'ancien joaillier et fabricant de gaz d'éclairage Friedrich Engelhorn fonda à Mannheim la Badische Anilin & Sodafabrik (BASF) ; en raison de difficultés survenues dans l'acquisition du terrain nécessaire à la construction de l'usine, celle-ci fut finalement bâtie la même année sur la rive opposée, la rive gauche du Rhin à Ludwigshafen (en territoire bavarois) ; elle devint l'une des plus grandes entreprises industrielles."

(Extrait de "Histoire de la chimie" par G. Lockemann – Dunod – 1962)

L’aniline est alors largement utilisée à l’échelle industrielle pour la production de colorants, comme la fuchsine.

FUCHSINE

Ces colorants seront rapidement supplantés par un nouveau type de molécules, les colorants azoïques, obtenus à partir d’aniline par des réactions de diazotation, comme par exemple le jaune de méthyle

JAUNEDEMETHYLE.gif

            1-2) Préparation

Aujourd’hui, l’aniline reste un composé organique de première importance. Elle est préparée par réduction du nitrobenzène (réduction de Béchamp).

PREPANILINE.gif

PREPANILINE2.gif

ou (mais plus rarement) par action d’ammoniac sur le chlorobenzène.

PREPANILINE3.gif

La plus grosse partie du tonnage d'aniline produit est utilisée dans la chimie des polymères, en particulier pour la préparation de méthylènedianiline, un précurseur des polyuréthanes

MDIANILINE.gif

MDIANILINE2.gif

Les colorants noirs à base d’aniline comme le noir d'aniline dont la composition est complexe et dont on peut donner l'un des motifs

NOIRDANILINE

sont encore employés pour la teinture des cuirs, dans les encres d’imprimerie ou pour le marquage du linge.

L’aniline reste utilisée dans le procédé de vulcanisation des caoutchoucs où elle joue le rôle d'accélérateur de vulcanisation en réduisant la durée de chauffage nécessaire et en améliorant la qualité du produit.

Dans le domaine pharmaceutique on l'utilise pour la conception d’agents bactéricides tels que les dérivés du sulfanilamide

SULFANILAMIDE

 

            1-3) Propriétés physiques

C'est un liquide huileux, incolore quand il vient d'être distillé, mais qui brunit à l'air et à la lumière. Il possède une odeur caractéristique d'amine.

 

Masse molaire

T de fusion

T d'ébullition

Densité

Indice de réfraction

93,13 g.mol-1

-6,2°C

184,32°C

1,0216

1,5863

Solubilité

Azéotrope eau-aniline

Risques

pKa

Eau: 34g.L-1 à 20°C

éthanol,éther,benzène

Composition: 19,2% d'aniline (en masse).
Point d'ébullition : 98,6°C
Données sous la pression atmosphérique normale.

Toxique (R: 20/21/22-40-48/23/24/25 S: 28-36/37/44)

4,6 à 25°C

Risques lors de son utilisation

            - Il est combustible et explosif lorsqu'il est mis en contact avec l'acide perchlorique ou le méthanal

PERCHLORIQUE.gif

METHANAL.gif

Acide perchlorique

Méthanal

 

            - Il s'enflamme aussi spontanément lorsqu'il est mis en contact avec l'acide nitrique (HNO3) fumant ou les peroxydes de sodium ou de potassium.

OXYLITE.gif

POTASPEROX.gif

Peroxyde de sodium

Peroxyde de potassium

 

            - Il s'oxyde de façon violente avec le peroxyde d'hydrogène (H2O2), le chlorate de sodium (NaClO3), l'acide chromique (H2CrO4) ou l'acide hypochloreux (HClO).

 

            - L'exposition à l'aniline engendre la méthémoglobine (voir annexe1).

           

            1-4) Propriétés chimiques

On peut résumer quelques propriétés chimiques de l'aniline

PROPANILINE.gif

On va maintenant les détailler

 

UN.gif

DEUX.gif

TROIS

QUATRE

CINQ

SIX

SEPT

HUIT

NEUF

DIX

ONZE.gif

 

                        1- Caractère basique de l'aniline

L'aniline a un caractère basique, qui est dû au doublet d'électrons présent sur l'azote

ANILDOUBLET

La délocalisation du doublet vers le noyau aromatique diminue ce caractère basique.

En milieu acide :

ANILDOUBLET2

L'ion anilinium rend l'aniline soluble dans l'eau ; la plupart des synthèses faites à partir de l'aniline commencent par sa solubilisation dans l'acide chlorhydrique.

 

                        2- Réaction de Sabatier

La présence du doublet libre de l'azote explique le caractère nucléophile de l'aniline qui donne lieu à la réaction de Sabatier (action sur le carbone d'un alcool) et la réaction d'Hofmann (action sur le carbone d'un dérivé halogéné) ; dans ces deux cas le carbone fonctionnel est un site pauvre en électrons.

L'action d'un alcool, ici le méthanol, en milieu acide conduit à une N-alkyle aniline, ici la N-méthylaniline

ANILDOUBLET3

Mécanisme

SABATIERMEC

                        3- Réaction d'Hofmann

HOFMANN

Mécanisme

HOFMANN2

 

                        4- Diazotation

 

C'est la réaction la plus importante de l'aniline et des amines aromatiques primaires; il s'agit de l'action de l'acide nitreux HNO2.
DIAZO1.gif
Le composé obtenu est un sel de diazonium ; il peut être conservé plusieurs heures à 0°C.


Le mécanisme est le suivant :

Il s'agit d'une attaque électrophile de NO+ sur le doublet de l'azote de l'aniline.

En partant du nitrite de sodium
DIAZOT.gif

                       

                        5- Réaction de Sandmeyer (I)

Cette réaction permet d'obtenir les chloro ou bromo benzène en traitant le sel de diazonium par l'acide chlorhydrique ou bromhydrique, en présence d'un catalyseur qui est le chlorure de cuivre(I) ou le bromure de cuivre(I).

SANDMEYER.gif

 

Mécanisme :

Le mécanisme de cette réaction est complexe et fait intervenir des radicaux, c'est une substitution aromatique, radicalaire-nucléophile.

SANDMEYER2.gif

                        6- Réaction de Sandmeyer (II)

SANDMEYER3
                        7- Couplage de l'ion diazonium

L'ion diazonium peut réagir comme électrophile asez faible soit avec une amine aromatique soit avec un phénol, on obtient un composé coloré : un azoïque amine ou un azoïque phénol.
COPUL1
Dans l'exemple choisi le composé obtenu est le jaune de méthyle ou jaune de beurre (car il était autrefois utilisé comme colorant des matières grasses).

Le mécanisme est le suivant :

COPUL2
La plupart des composés ainsi obtenus sont colorés car les nombreuses conjugaisons entre doubles liaisons qui existent dans la molécule, déplacent le spectre d'absorption vers le visible.
Les molécules obtenues sont des colorants azoïques à la condition d'être salifiables.
La réaction de couplage encore appelée copulation est une substitution électrophile.

Les azoïques phénols sont solubles dans les bases alcalines, les azoïques amines sont solubles en milieu acide.
La copulation avec un phénol a lieu en milieu basique; c'est l'ion phénoxy qui réagit sur l'ion diazonium:
COPUL3

                        8- Acylation du groupe amine (Action d'un chlorure ou d'anhydride d'acide sur l'aniline).

                                   - Action d'un chlorure d'acide

ANILCHLORURE.gif

                                   - Action d'un anhydride d'acide

ANILANHYDR.gif

Dans les deux cas on obtient un amide substitué sur l'azote par un groupement aromatique (anilide).

Dans le cas de l'aniline et du chlorure d'éthanoyle (première équation avec R- correspondant à CH3-) on obtient le N-phényléthanamide ou N-phénylacétamide ou acétanilide.

 

                        9- Bromation de l'aniline

BROMANILINE.gif

 

                        10- Nitration de l'aniline

En milieu acide on obtient la métanitraniline

NITRANILINE.gif

En effet -NH3+ oriente la substitution en position méta.

 

Remarque 1 :

Dans cette nitration, l'agent électrophile est l'ion nitronium NO2+. En utilisant un mélange d'acide nitrique et d'acide sulfurique on a formation de l'ion nitronium par la réaction suivante :

NITRONIUM.gif

Cet équilibre est déplacé vers la droite tout au long de la réaction car l'acide sulfurique concentré fixe l'eau formée.

En n'utilisant que l'acide nitrique, l'ion nitronium se forme lors de la réaction équilibrée suivante :

NITRONIUM2.gif

L'eau formée déplace l'équilibre vers la gauche (sens 2), la formation de l'ion nitronium est arrêtée et la nitration cesse.

 

Remarque 2 :

Si l'on veut l'isomère para il faut préalablement bloquer la fonction amine par acylation :

PARANITRANILINE.gif

 

                        11- Sulfonation de l'aniline

A froid l'acide sulfurique donne une réaction acido-basique avec l'aniline et formation d'un hydrogénosulfate d'aniline.

A chaud il y a formation de l'acide 4-aminobenzènesulfonique ou acide sulfanilique.

                        12- Oxydations de l'aniline

L'aniline s'oxyde facilement ; avec la plupart des oxydants (mélange sulfochromique, trioxyde de chrome, hypochlorites), on obtient des composés de couleur rouge foncé. Avec le chlorate de potassium KClO3, on obtient un colorant noir, présentant une excellente résistance à la lumière, le noir d'aniline :

NOIRDANILINE

                       

                        13) La polyaniline (PANi)


Annexe 1

La méthémoglobine

 

HEME.gif

HEMATINE2.gif

Noyau hème

Noyau hématine

L’hémoglobine est une hétéroprotéine dont le groupement prosthétique est un noyau hème formé de quatre groupes pyrroles (portant des substituants sur les atomes de carbone non liés aux atomes d’azote) reliés entre eux (structure d’une porphyrine) et liés à un ion fer(II).

Si au lieu d'un ion Fer (II) c'est un ion Fer(III) l'hème devient de l'hématine et l'hémoglobine de la méthémoglobine.

Alors que le fer(II) de l’hème fixe réversiblement le dioxygène de l’air, ce qui permet aux tissus de le récupérer, le fer(III) de l’hématine fixe O2 de façon irréversible et la méthémoglobine ne peut plus oxygéner les tissus.

La methémoglobinémie devient visible (cyanose c'est-à-dire coloration bleue ou bleuâtre de la peau) dès 10% d’hémoglobine transformée ; elle devient mortelle au-delà de 70%.