OPIUM, OPIACES, OPIOÏDES

Gérard GOMEZ


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Plan de l'étude

                1) Le pavot, l'opium

                2) Les opiacés

                               2-1) Définition

                               2-2) Action médicamenteuse des opiacés

                               2-3) Mécanisme d'action des opiacés

                3) Les opioïdes

                4) Tableau récapitulatif des opiacés et opioïdes cités

                5) La chimie médicinale au service du traitement de la douleur

                               5-1) Molécules endogènes pour le traitement de la douleur

                               5-2) Biosynthèse d'une molécule naturelle exogène pour bloquer les récepteurs de la douleur


            1) Le pavot, l'opium :

 

PAVOT2.jpg

PAVOT1.jpg

Le pavot à opium (Papaver somniferum) de la famille des papavéracées est une plante dicotylédone, annuelle, de hauteur maximale 1,30 m, à feuilles lobées, dentées, dont les grandes fleurs sont formées de deux sépales caducs, quatre pétales chiffonnés dans le bouton, de nombreuses étamines et un pistil caractéristique. Son fruit forme une capsule renflée, cloisonnée intérieurement, aplatie sur le dessus ; à maturité il libère de toutes petites graines en s'ouvrant. On utilise ces graines lors de la confection de certains pains, de certains gâteaux ainsi que pour des mélanges destinés aux oiseaux ; en pressant ces graines à froid on extrait une huile alimentaire claire, appelée huile d'oeillette ; une seconde pression à chaud donne une huile utilisée en peinture (siccatif).

Le latex, suc épaissi et concret recueilli par incision des capsules non mûres, constitue l'opium et contient un certains nombre d'alcaloïdes (un alcaloïde est une substance azotée à caractère basique, à molécule presque toujours hétérocyclique (l'azote étant dans le cycle) dont l'activité physiologique et pharmacologique est souvent marquée) qui n'existent pas dans les graines.

Le pavot à opium n'existe pas à l'état sauvage, c'est un cultivar.

Son origine géographique est mal connue, mais il a subi des migrations d'ouest en est et les arabes ont été les principaux vecteurs de la plante et de ses usages. Actuellement on le trouve dans le sud-est de l'Europe et au sud de l'Asie (Le croissant d'or : Afghanistan, Iran, Pakistan  et le triangle d'or : Laos, Birmanie, Thaïlande  à l'est).

 

L'histoire de l'opium, indissociable du commerce de celui-ci, notamment entre la Chine et l'Europe (et particulièrement l'Angleterre), est extrêmement intéressante et fournie. La guerre de l'opium par exemple est le  nom donné au conflit qui opposa la Chine et l'Angleterre de 1839 à 1842 à la suite de l'interdiction formulée par la Chine à la compagnie des Indes du commerce de l'opium.

L'opium a été utilisé à des fins thérapeutiques grâce à ses propriétés calmantes. Il a aussi été fumé procurant une sensation de bien-être à l'utilisateur qui tombait rapidement dans un état de dépendance. Au XIXème siècle les fumeries d'opium sont très nombreuses en Chine, surtout dans les villes. En 1830 cela touche 12,5 millions de chinois et notamment l'élite du pays, provoquant une déliquescence de la société.

A cette époque, on commence (notamment F.W.A.Sertürner) à extraire les alcaloïdes du latex (morphine, codéine,….) et à les utiliser à des fins thérapeutiques ; mais rapidement l'usage illicite se développe.

" Le trafic international de drogue tel que nous le connaissons aujourd'hui est le produit de cette longue genèse, au cours de laquelle l'opium, notamment, est devenu, d'une drogue thérapeutique licite, une marchandise illicite, dont la dynamique commerciale est principalement basée sur le phénomène de dépendance des consommateurs. L'expérience britannique en Chine représente en quelque sorte la première pierre de l'édifice actuel du narcotrafic à laquelle de nombreux autres acteurs, étatiques et non étatiques ont rajouté la leur…." (extrait de "Les territoires de l'opium" par Pierre-Arnaud Chouvy).

 

            2) Les opiacés :

                        2-1) Définition :

On appelle opiacé une substance dérivée de l'opium ; elle est donc d'origine naturelle, même si elle a été obtenue par hémisynthèse à partir de produits extraits de l'opium.

On distingue :

            - Parmi les molécules directement présentes dans l'opium : la morphine, la codéine, la thébaïne, la papavéraldine, la papavérine, la narcéine, la narcotine, la laudanosine

            - Parmi les molécules obtenues par hémisynthèse à partir des précédentes : l'héroïne, l'hydromorphone, l'oxymorphone, l'hydrocodone, l'oxycodone ….

           

            2-2) Action médicamenteuse des opiacés :

Ils peuvent avoir un effet narcotique ou hypnotique (c'est-à-dire qu'ils induisent le sommeil), ou un effet analgésique ou antalgique (ils atténuent ou suppriment la douleur) ou bien, comme pour la morphine par exemple, les deux ; ils agissent dans tous les cas sur le système nerveux central.

Parallèlement à ces effets recherchés, on note d'autres effets tels que des dépressions respiratoires, un myosis (diminution du diamètre de la pupille par contraction de l'iris), la constipation et pour certains d'entre eux des effets psychotropes (un psychotrope est une substance qui, en altérant les fonctions du cerveau, induit des modifications de fonctions psychologiques ou comportementales (perceptions, sensations, humeur….)) tels que euphorie et effets psychodysleptiques, qui en font des stupéfiants, c'est-à-dire en termes de loi, des substances propres à induire une dépendance et à poser des dangers pour la santé publique ; leur utilisation est en conséquence très étroitement réglementée.

           

            2-3) Mécanisme d'action des opiacés  :

 Le mécanisme d'action précis des opiacés n'est pas connu.

On dénombre trois familles de récepteurs des opiacés, les récepteurs mu (µ), kappa (κ) et delta (d) qui sont localisés dans diverses zones du système nerveux central (un récepteur est une structure située à la surface d'une cellule et qui permet à des molécules appropriées de se fixer ce qui déclenche une action spécifique sur la cellule).

- Les récepteurs µ situés dans la substance grise et le thalamus notamment contribuent au contrôle de la douleur  et de la respiration (mais aussi aux effets de constipation de myosis et à l'euphorie).

- Les récepteurs κ situés dans l'hypothalamus et la moelle épinière participent aux effets neuroendocriniens et à l'analgésie spinale.

- Les récepteurs d placés dans la moelle épinière contribuent à l'analgésie mais aussi à la constipation, aux dépressions respiratoires modérées, au myosis et aux effets psychodysleptiques.

La différence entre les effets, induits par les différents opiacés sur l'organisme s'explique par leur action plus ou moins importante sur ces différents récepteurs.

 

            3) Les opioïdes :

On peut définir un opioïde comme une substance qui ne répond pas à la définition d'un opiacé mais qui peut quand même se lier à un récepteur des opiacés.

Cette liaison peut entraîner soit une action tout à fait comparable à celle d'un opiacé on dit alors que l'opioïde est un agoniste entier, soit une action partiellement comparable à celle d'un opiacé, l'opioïde est alors qualifié d'agoniste partiel ou agoniste/antagoniste. Cette liaison peut aussi aboutir à bloquer le récepteur et l'empêcher d'être disponible pour un opiacé, on qualifie alors l'opioïde d'antagoniste.

            - Agonistes entiers : Méthadone, propoxyphène, péthidine….

Remarque :

Les enképhalines, des pentapeptides isolées du cerveau de divers mammifères (en 1974 par J.Hughes et H.W. Kosterlitz) ont une activité analgésique analogue à celle de la morphine mais beaucoup plus fugace ; il en est de même de l'α et de la β-endorphine deux peptides de l'hypophyse ayant respectivement 16 et 31 acides aminés (isolées en 1976 par C.K. Li et R. Guillemin) ainsi que de la dynorphine, un peptide de 17 amino-acides, isolée en 1980 par A.Goldstein. Ces substances sont des opioïdes endogènes. Leur découverte permet de comprendre pourquoi les récepteurs des opiacés existent dans l'organisme.

            - Agonistes/antagonistes : ce sont des produits pouvant être agonistes d'un type de récepteur et antagoniste d'un autre : la nalbuphine et la nalorphine sont des agonistes des récepteurs κ et antagonistes des récepteurs μ ; la buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs μ et antagoniste des récepteurs κ.

            - Antagonistes : la naloxone et la naltrexone sont deux antagonistes non sélectifs des récepteurs des opiacés, ils bloquent les trois types de récepteurs de la même façon.

 

Remarque : Certains auteurs font du terme opioïde un terme très général "substance pouvant se lier aux récepteurs des opiacés"….les opiacés formant alors un sous ensemble des opioïdes.

 

            4) Tableau récapitulatif des opiacés et opioïdes cités :

 

Buprénorphine, Codéine, Héroïne, Hydrocodone, Hydromorphone, Laudanosine, Méthadone, Morphine, Nalbuphine, Nalorphine, Naloxone, Naltrexone, Narcéine, Narcotine, Oxycodone, Oxymorphone, Papavéraldine, Papavérine, Péthidine, Propoxyphène, Thébaïne,

 

Buprénorphine

ou

(2S)-2-[(-)-(5R,6R,7R,14S)-17-cyclopropylméthyl-4,5-époxy-3-hydroxy-6-méthoxy-6,14-éthanomorphinan-7-yl]-3,3-diméthylbutan-2-ol.

C29H41NO4
Aspect :

Cristaux blancs.

Masse molaire :

467,6401g.mol-1
Fusion :  
209 °C
Solubilité:
Soluble dans l'acétone et le méthanol ; insoluble dans l'eau.

N° CAS :

52485-79-7

 

BUPRENORPHINE.gif

Opioïde de type agoniste/antagoniste ; agoniste partiel des récepteurs μ et antagoniste des récepteurs κ.

Principe actif de médicaments utilisés comme antalgiques à faible dosage (Temgésic®) et comme traitements substitutifs aux opiacés (Subutex®) à dosage plus important.

En association avec la naloxone elle constitue le principe actif d'un traitement substitutif aux opiacées (Suboxone ®).

Codéine
ou
méthylmorphine

ou

(5R,6S)-7,8-didéhydro-4,5-époxy-3-méthoxy-17-méthylmorphinan-6-ol.
C18H21NO3
Aspect :

Cristaux orthorhombiques (lorsque recristallisé dans l'eau, l'éthanol dilué, l'éther).

Masse molaire :

299,365g.mol-1
Ebullition :
250°C (sous 22 mm de Hg) ; 140°C (sous 1,5 mm de Hg). 
Fusion
:  

157,5 °C
Densité :
1,32 (à 25°C)
Solubilité:
Ethanol, éther, benzène, chloroforme.

N° CAS :

76-57-3

 

CODEINE.gif

Alcaloïde de l'opium (opiacé), antalgique et  sédatif.
Extraite du pavot pour la première fois par Robiquet.
La molécule de codéine ne diffère de celle de la morphine que par un -OH remplacé ici par un -OCH3.

 

Héroïne

ou

Diacétylmorphine

ou

diéthanoate de (5α,6α)-7,8-didéhydro-4,5-époxy-17-méthylmorphinane-3,6-diol.

C21H23NO5

Masse molaire :
369,412 g.mol-1
Fusion :
173°C
Ebullition :
273°C (sous 12 mmde Hg)

Densité :

1,56 (à 25°C)
Solubilité :
Très soluble dans le benzène, le chloroforme.
N°CAS :
561-27-3

 

HEROINE.gif

 

La synthèse de ce dérivé de la morphine, autrefois utilisé contre l'asthme ou la tuberculose, a été pour la première fois réalisée à partir de la morphine extraite du pavot à opium par Alder Wright à Londres, puis mise au point par l'entreprise Bayer en 1898 ; le produit est baptisé en Allemagne "Heroin" par référence au grec hêrôs (êtres ayant accompli des exploits et, de ce fait divinisés (demi-dieux)) en sachant que heroisch avait au moyen-âge le sens de fort, puissant. La forme française héroïne est attestée depuis 1904  (d'après Kerndeutsch de Paul Laveau - Edition Ellipses).

Opiacé dérivé d’un alcaloïde : la morphine. C’est une drogue entraînant une dépendance physiologique et psychologique.
La molécule d'héroïne ne diffère de celle de la morphine que par deux groupements –OH (un groupement phénol et un groupement alcool), dans la morphine, acétylés c'est-à-dire remplacés par deux groupements CH3-COO-  dans l'héroïne.



 

Hydrocodone

ou

Dihydrocodéinone

ou

(5R,9R,13S,14R)-3-méthoxy-17-méthyl-4,5-époxymorphinan-6-one.

C18H21NO3

Masse molaire :

299,365 g.mol-1

Fusion :

198°C

N° CAS :

125-29-1

Solubilité :

Soluble dans l'éthanol ; insoluble dans l'eau.

 

HYDROCODONE.gif

 

Dihydrocodéinone

 

Isomère de la codéine ; cette molécule diffère de celle de la codéine par la présence sur le carbone 6 d'une fonction cétone au lieu d'une fonction alcool et par l'absence de double liaison entre les carbones 7 et 8.

C'est un composé semi-synthétique obtenu à partir de la codéine :

-  soit par chauffage à reflux d'une solution alcoolique ou d'une solution aqueuse (acide) de codéine en présence de catalyseur (Pd ou Pt), il s'ensuit un réarrangement ;

- soit par réduction (hydrogénation catalytique) de la double liaison en 7-8 de la molécule de codéine suivie par une oxydation par la benzophénone en présence de tertiobutylate d'aluminium (oxydation d'Oppenauer).


CODEINE.gif

 

Codéine

 

Passage de la codéine à la dihydrocodéinone

 

SYNTHHYDROCODONE.gif

Antitussif semi-synthétique et analgésique aux actions semblables de façon qualitative à celles de la codéine ; son action contre la toux est environ trois fois plus puissante à poids égal que celle de la codéine.

Le mécanisme d'action précis de la dihydrocodéine et des autres opiacés n'est pas connu.

Hydromorphone

ou

7,8-dihydromorphin-6-one

ou

4,5α-époxy-3-hydroxy-17-méthylmorphinane-6-one.

C17H19NO3

Aspect :

Cristaux (recristallisée dans l'éthanol).

Masse molaire :

285,338 g.mol-1

Fusion :

266,5°C

N° CAS :

466-99-9

 

HYDROMORPHONE.gif

Hydromorphone

 

Isomère de la morphine ; cette molécule diffère de celle de la morphine par la présence sur le carbone 6 d'une fonction cétone au lieu d'une fonction alcool et par l'absence de double liaison entre les carbones 7 et 8.

C'est un composé semi-synthétique obtenu à partir de la morphine :

-  soit par chauffage à reflux d'une solution alcoolique ou d'une solution aqueuse (acide) de morphine en présence de catalyseur (Pd ou Pt), il s'ensuit un réarrangement ;

- soit par réduction (hydrogénation catalytique) de la double liaison en 7-8 de la molécule de morphine suivie par une oxydation par la benzophénone en présence de tertiobutylate d'aluminium (oxydation d'Oppenauer).


 

MORPHINE.gif

 

Morphine

 

Passage de la morphine à l'hydromorphone

 

SYNTHMORPHINE.gif

L'effet narcotique de cet opiacé est environ cinq à sept fois supérieur à celui de la morphine à poids égal. Il sert d'analgésique et c'est le plus puissant antitussif connu.

L'efficacité de l'hydrocodéine comme antitussif est due au fait que le foie transforme cette molécule en hydromorphine.

 

Ce médicament découvert et étudié en Allemagne entre 1924 et 1926 est commercialisé dans le monde sous les noms : Dilaudid®, Palladone®, Opidol®, Hydromorphane®…

 

Laudanosine

ou

N-méthyl-1,2,3,4-tétrahydropapavérine

ou

1-[(3,4-diméthoxyphényl)méthyl]-6,7-diméthoxy-2-méthyl-3,4-dihydro-1H-isoquinoléine.

C21H27NO4

Masse molaire :

357,4434 g;mol-1

Fusion :

89°C

Ebullition :

468,1°C

Densité :

1,111

N° CAS :

2688-77-9

 

LAUDANOSINE.gif

Molécule existant dans l’opium en petite quantité.

C’est un alcaloïde benzylisoquinoléinique qui interagit avec les récepteurs GABA, les récepteurs des opiacés et les récepteurs de l’acétylcholine (comme la nicotine) et produit des convulsions de type tétanique.

 

Méthadone (racémique)
ou
6-(diméthylamino)-4,4-diphénylheptan-3-one

C21H27NO

Aspect :

Cristaux blancs.

Masse molaire :

309,445 g.mol-1
Fusion :

99,5 °C
Solubilité :

Très soluble dans l'éthanol.

N° CAS :

76-99-3

Analgésique central aux propriétés voisines de celles de la morphine. Cette molécule est utilisée dans la désintoxication des toxicomanes.
C'est un opioïde synthétique développé pendant la seconde guerre mondiale par les chimistes allemands Bockmühl et Erhart travaillant pour les laboratoires Hoechst de I.G.Farben.
L'isomère lévogyre est deux fois plus efficace que le racémique, mais cela ne justifie pas la séparation des deux énantiomères.

 

Morphine

ou

17-méthyl-7,8-didéhydro-4,5α-époxymorphinan-3,6α-diol.
C17H19NO3
Masse molaire :

285,338 g.mol-1
Fusion :

255 °C
Ebullition :

Sublimation à 190 °C
pKa= 8,21
Solubilité :
Insoluble dans eau, éther, acétone.
Un peu soluble dans l'éthanol.
Soluble dans le méthanol et la pyridine.

 

 

MORPHINE.gif

Ce nom vient de Morphée, Dieu des songes, fils de la nuit et du sommeil.
Alcaloïde de l'opium, calmant de la douleur (analgésique).
Extrait de l'opium, lui même extrait du pavot, pour la première fois par F.W.A.Sertürner en 1805-1806.
Cette molécule agit sur le récepteur opiacé µ pour calmer la douleur. Ce récepteur se situe dans la zone limbique du cerveau, celle des perceptions des émotions. Lorsque les molécules de morphine se lient à ce récepteur, elles interrompent la transmission de l’influx nerveux et font disparaître la perception de la douleur.

Nalbuphine

ou

(-)17-cyclobutylméthyl-4,5α-époxymorphinane-3,6α,14-triol.

C21H27NO4
Masse molaire :

357,4434 g.mol-1
Fusion :

230 °C
Densité :

1,44
Solubilité :

Soluble dans l'éthanol ; légèrement soluble dans l'eau.

N° CAS :

20594-83-6

 

NALBUPHINE.gif

Opioïde antalgique de type agoniste/ antagoniste ; La nalbuphine est agoniste pour le récepteur κ et antagoniste pour le récepteur µ.

L'action analgésique de cette molécule est équivalente à celle de la morphine.

Nalorphine

ou

Acétorphine

ou

(5α, 6α)-17-allyl-7,8-didéhydro-4,5-époxymorphinan-3,6-diol

C19H21NO3
Aspect :

Cristaux quand recristallisé dans l'éther.

Masse molaire :

311,375 g.mol-1
Fusion :

208 °C
Solubilité :

Soluble dans l'éthanol, l'acétone ; légèrement soluble dans l'eau.

N° CAS :

62-67-9

 

 

NALORPHINE.gif

Opioïde de de type agoniste/ antagoniste ; La nalorphine est agoniste pour le récepteur κ et antagoniste pour le récepteur µ.

A été longtemps employé contre les surdoses d'opiacés.

 

Naloxone

ou

17-allyl-4,5α-époxy-3,14-dihydroxymorphinan-6-one

C19H21NO4
Aspect :

Cristaux (lorsque recristallisé dans l'éthanoate d'éthyle).

Masse molaire :

327,375 g.mol-1
Fusion :

178 °C
Solubilité :

Soluble dans le chloroforme ; insoluble dans l'éther de pétrole.

N° CAS :

465-65-6

 

NALOXONE.gif

Opioïde antagoniste non sélectif des récepteurs des opiacés, il bloque les trois types de récepteurs de la même façon.

Elle est utilisée lors des surdoses (intoxications morphiniques) ; en se plaçant sur les récepteurs morphiniques elle empêche la morphine de se fixer et donc d'agir.

Elle est utilisée dans le traitement des dépressions respiratoires secondaires aux morphomimétiques en fin d'intervention chirurgicale où à but thérapeutique ou diagnostique.

En association avec la Buprénorphine, elle constitue le principe actif d'un traitement substitutif aux opiacées (Suboxone ®).

Naltrexone

ou

(5R,9R,13S,14S)-17-(cyclopropylméthyl)-4,5α-époxy-3,14-dihydroxy-morphinan-6-one.

C20H23NO4
Aspect :

Cristaux (lorsque recristallisé dans l'acétone).

Masse molaire :

341,402 g.mol-1
Fusion :

169 °C

N° CAS :

16590-41-3

 

NALTREXONE.gif

Opioïde antagoniste non sélectif des récepteurs des opiacés, il bloque les trois types de récepteurs de la même façon.

Utilisé dans le traitement "au long cours" des toxicomanies et de l'alcoolisme chronique.

Narcéine

C23H27NO8, 3H2O.
M = 499,52g.mol-1
Fusion :
145,2°C (hydraté)
176-177°C (anhydre)
Solubilité :  
Ethanol.

NARCEINE2.gif

Alcaloïde cristallin blanc non hétérocyclique que l'on trouve dans l'opium. Il favorise le relâchement musculaire. Il a été découvert par Pelletier en 1832.

 

α-Narcotine
ou Noscapine
ou méthoxyhydrastine

C22H23NO7
Masse molaire :
413,43 g.mol-1
Se présente sous forme d'aiguilles lorsqu'il a été recristallisé dans l'éthanol, le chloroforme ou le méthanol.
Fusion :
- racémique (dl) : 232-233°C
- lévogyre (l) : 176°C
Solubilité :
Le composé lévogyre est soluble dans l'éthanol, la propanone, le benzène, le chloroforme.

NARCOTINE2.gif

Alcaloïde de l'opium, extrait du latex du pavot à opium, tout comme la morphine, la codéine, la papavérine.
Sa synthèse a été menée à bien par W.H.Perkin junior en 1911.
Possède des propriétés comme antitussif, spasmolytique et bronchodilatateur.

Par oxydation la narcotine conduit à l’acide opianique.

Oxycodone

ou

4,5-α-époxy-14-hydroxy-3-méthoxy-17-méthyl-morphinan-6-one

ou

Dihydro-14-hydroxycodéinone

C18H21NO4

Aspect :

Cristaux blancs.

Masse molaire :

315,365 g.mol-1

Fusion :

219°C

N° CAS :

76-42-6

Solubilité :

Soluble dans l'éthanol, le chloroforme ; insoluble dans l'eau et l'éther.

 

OXYCODONE.gif

Oxycodone

Cette molécule diffère de l'hydrocodone par un groupement hydroxy en 14 présent dans la molécule d'oxycodone et absent de la molécule d'hydrocodone.


 

HYDROCODONE.gif

Hydrocodone

 

Opiacé dérivé de la codéine, à effet narcotique, analgésique et antitussif.

Son effet analgésique est environ deux fois supérieur à celui de la morphine.

On peut l’obtenir aussi à partir de la thébaïne.

C'est un stupéfiant.

 

Oxymorphone

ou

14-hydroxydihydromorphinone

C17H19NO4
Aspect :

Solide cristallisé

Masse molaire :

301,337 g.mol-1
Fusion :

249 °C

Densité :

1,503
N° CAS :

76-41-5

 

OXYMORPHONE.gif

Oxymorphone

Cette molécule diffère de l'hydromorphone par un groupement hydroxy en 14 présent dans la molécule d'oxymorphone et absent de la molécule d'hydromorphone.

 


HYDROMORPHONE.gif

Hydromorphone

Opiacé, analgésique, synthétisé en Allemagne en 1914 et commercialisé depuis les années 1950 sous les noms Opana ®, Numorphan ®, Numorphone ®.

Papavérine

C20H21NO4

Aspect :

Aiguilles blanches quand elle est recristallisée dans le chloroforme.

Masse molaire :

339,386 g.mol-1

Fusion :

147,5°C

Ebullition :

Se sublime à 135°C

Densité :

1,337 (à 20°C)

Indice de réfraction :

1,625 (raie D du sodium)

N° CAS :

58-74-2

Solubilité :

Très soluble dans l’éthanol, le chloroforme ; soluble dans l’acétone, le benzène, la pyridine ; légèrement soluble dans l’eau.

PAPAVERINE.gif

Alcaloïde de l'opium. Cette molécule a été extraite de l'opium pour la première fois par Heinrich Emanuel Merck en 1848.

 

Papavéraldine

Se présente sous forme d’aiguilles lorsque recristallisé dans l’éthanol.

C20H19NO5

Masse molaire :
353,369 g.mol-1
Fusion :

210,5°C

Solubilité :

Soluble dans le benzène et le chloroforme ; légèrement soluble dans l’éthanol et dans l’éther ; insoluble dans l’eau. ;

N° CAS :

522-57-6

PAPAVERALDINE.gif

Alcaloïde tiré de l’opium comme la papavérine dont elle ne diffère que par une fonction cétone.

 

Péthidine
ou
Mépéridine
ou
Démérol
ou
1-méthyl-4-phénylpipéridine-4-carboxylate d'éthyle.
C15H21NO2
Masse molaire
247,334 g.mol-1

Fusion :

30°C

Ebullition :

155°C (sous 5 mm de Hg)

N° CAS :

57-42-1

Médicament utilisé dans le traitement de la douleur. Son mécanisme d'action analgésique est identique à celui de la morphine.

 

Propoxyphène


Dextropropoxyphène

(Darvon®)

C22H29NO2
Aspect :

Cristaux (lorsque rectristallisé dans l'éther de pétrole).

Masse molaire
339,471 g.mol-1

Fusion :

75,5°C

N° CAS :

469-62-5


Lévopropoxyphène

(Novrad®)

C22H29NO2
Aspect :

Cristaux (lorsque rectristallisé dans l'éther de pétrole).

Masse molaire
339,471 g.mol-1

Fusion :

75,5°C

N° CAS :

2338-37-6

DARVONMolécule ayant deux carbones asymétriques (2 et 3), donc 4 stéréoisomères.


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DARVON ®

® NOVRAD

 

 

 

L'isomère (2S,3R) est le Darvon (dextropropoxyphène), analgésique de la catégorie des opioïdes.
Son énantiomère (2R,3S) est le Novrad, anagramme de Darvon (lévopropoxyphène), utilisé comme antitussif.

Thébaine
ou
Paramorphine
C19H21NO3

Aspect :

Lamelles quand recristallisé dans l’éther.

Masse molaire :

311,375 g.mol-1

Fusion :

193°C

Ebullition :

Se sublime à 91°C

Densité :

1,305 (à 20°C)

N° CAS :

115-37-7

Solubilité :

Très soluble dans l’éthanol et le chloroforme ; soluble dans le benzène ; légèrement soluble dans l’éther ; insoluble dans l’eau.

 

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Molécule voisine de la morphine et de la codéine, mais à action euphorisante au lieu de calmante. N'a pas d'utilisation thérapeutique. Elle a été découverte par Pelletier.

 

 

            5) La chimie médicinale au service du traitement de la douleur (à partir du sujet de chimie de l'agrégation externe de physique-chimie 2022 option chimie)

La douleur serait à l’origine de près de deux tiers des consultations médicales. C’est pourquoi elle est l’objet de nombreuses études, aussi bien fondamentales que cliniques. Particulièrement active, cette recherche est indispensable pour comprendre plus précisément les mécanismes en jeu dans la douleur et, ainsi, permettre l’élaboration de nouveaux traitements.
Selon la définition officielle de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), "la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes". Il est néanmoins possible de décrire le parcours de l’information douloureuse dans l’organisme, par exemple la douleur aiguë provoquée par une coupure brûlante : (i) la brûlure stimule des terminaisons nerveuses localisées au niveau de la peau ; (ii) l’information se propage le long des nerfs nocicepteurs pour être transmise à la moelle épinière au sein de laquelle un arc réflexe détermine le dégagement de la main de la lame ; (iii) elle atteint ensuite le cerveau au niveau duquel le signal est identifié comme une douleur. C’est au niveau du cerveau qu’interviennent les premiers systèmes de modulation de la douleur grâce à la libération de molécules opioïdes qui sont des peptides ou de petites protéines libérés au niveau des terminaisons nerveuses après transport le long de l'axone.

                               5-1) Molécules endogènes pour le traitement de la douleur

En 1974, Hughes et Kosterlitz mettent en évidence que les enképhalines sont capables de bloquer des récepteurs de la douleur au niveau du cerveau comme le font la morphine et d’autres opiacés naturels ou synthétiques (codéine, héroïne,...). Les enképhalines sont obtenues entre autres par le clivage d'une protéine précurseur appelée proenképhaline.
Chaque proenképhaline contient au moins sept séquences de deux enképhalines : la Leu-enképhaline et la Met-enképhaline de formules respectives H-Tyr-Gly-Gly-Phe-Leu-OH et H-Tyr-Gly-Gly-Phe-Met-OH. Les peptides sont écrits par convention du coté N terminal vers le coté C terminal.

La découverte des peptides opioïdes a permis de comprendre les mécanismes de perception de la douleur et a incité les chimistes à développer des médicaments peptidiques pour son traitement mais aussi des outils diagnostiques. Introduite à partir des années 1950, la synthèse peptidique a mené à la découverte de nombreuses hormones peptidiques et à leur production en grande quantité afin de comprendre leurs mécanismes d’action. Les premières synthèses peptidiques ont été réalisées en solution aqueuse. Elles ont ensuite été développées dans d’autres solvants puis sur support polymère solide ou en solution.

Synthèse de polypeptides sur support solide

En 1963, R.B. Merrifield a introduit une stratégie simple et ingénieuse pour la synthèse des peptides : construire le peptide pas à pas sur un support polymère. Révolutionnant la synthèse peptidique et permettant le développement des peptides comme marqueurs biologiques et comme médicaments, il a obtenu le prix Nobel de chimie en 1984 pour cette découverte. Le principe général de la synthèse peptidique sur support solide est schématisé dans la figure ci-dessous :

On utilise un polymère sur lequel on greffe un groupement susceptible de réagir avec l'extrémité carbonyle d'un amino-acide.

On peut ainsi ancrer cet amino-acide sur une matrice solide.

A partir du groupe amino libre de l'amino-acide ainsi fixé, on peut on peut fixer un deuxième acide aminé par son extrémité carbonyle et obtenir un dipeptide que l'on peut décrocher de la matrice.

Ainsi, par exemple à partir du polystyrène :

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-1- On greffe le groupe –CH2-Cl (chlorométhylation) par substitution électrophile sur quelques noyaux benzéniques du polymère, groupe susceptible de réagir avec le groupe carbonyle d'un amino-acide.

-2- On fait réagir un amino-acide dont on a protégé la fonction amine sur la matrice ainsi transformée.

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-3- On enlève la protection du groupe amino

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-4- On fait réagir un nouvel acide aminé dont on a protégé la fonction amine sur la fonction amine libérée.

A2.gif

-5- On enlève la protection du groupe amino

-6- On détache le dipeptide ainsi formé de la matrice.

 

                        5-2) Biosynthèse d'une molécule naturelle exogène pour bloquer les récepteurs de la douleur : La morphine

L'opium est utilisé en médecine depuis le IIIe millénaire av. J.-C. dans diverses cultures et il a été l'un des piliers de la pharmacopée traditionnelle. La morphine n'a été néanmoins découverte et isolée qu'en 1804 ; sa nature chimique et son usage pharmaceutique ont été établis au cours des années suivantes par l'Allemand Friedrich Wilhelm Sertürner, révolutionnant l'analgésie dans la médecine. En 1925, Robinson propose une structure correcte de la morphine qui sera confirmée en 1952 par Gates avec la première synthèse totale de ce composé en 31 étapes avec un rendement global de 0.06 %*. La connaissance de la structure tridimensionnelle de la morphine est essentielle pour établir le lien entre sa structure et son activité biologique qui résulte de sa liaison avec un récepteur spécifique. La structure des biomolécules et de leurs complexes est le plus souvent obtenue en phase condensée par cristallographie X ou par résonance magnétique nucléaire (RMN). En 1955, la structure de la morphine a été obtenue par Hodgkin par cristallographie**.

L’étude de la biosynthèse d’une molécule est importante car elle permet de caractériser les intermédiaires clés et elle constitue une source d’inspiration considérable pour les chimistes.

La biosynthèse de la morphine a pu être élucidée grâce à l’isolement d’intermédiaires présents dans le pavot, comme la L-Tyrosine***. Deux molécules de tyrosine sont impliquées en amont de la synthèse. Elles subissent l’action de deux enzymes différentes qui permettent d’obtenir d’une part la dopamine, et d’autre part le p-hydroxyphénylacétaldéhyde. Les enzymes sont des protéines qui catalysent des transformations en chimie organique, elles peuvent être chimio-, régio-, et stéréosélectives d’une réaction de nature donnée.


*M Gates; G Tschudi, G., The synthesis of Morphine. J. Am. Chem. Soc., (1952), 74, 1109-1110; (b) M, Gates; G, Tschudi. The synthesis of morphine. J. Am. Chem. Soc., (1956), 78, 1380-1393.

**M. Mackay; DC, Hodgkin, A crystallographic examination of the structure of morphine. J. Chem. Soc. (1955), 3261-3267

*** P. R Blakemore ; J. D. White. Morphine, the Proteus of organic molecules. Chem. Comm. (2002), 1159-1168; (b) D. F Taber; T. D Neubert.; M.F., Schlecht. Strategies and Tactics in Organic. Synthesis, (2004), 5, 353-389.


Biosynthèse de la morphine

 

BIOSYNTHMORPHINE