SICCATIVITE DES HUILES
Gérard
GOMEZ
1) Définition, interprétation
chimique, applications.
La siccativité d'une huile est son aptitude à "sécher" à l'air.
Lorsqu' on abandonne une huile à l'air, il se forme parfois, plus ou moins
rapidement, un film correspondant à une réticulation de cette huile.
On met à profit cette propriété des huiles en les incorporant dans certaines
peintures ou dans certaines encres d'imprimerie.
Le mécanisme est assez complexe et fait intervenir le dioxygène de l'air qui
crée un radical -C.
en "arrachant" un atome d'hydrogène à un carbone en a d'une double liaison C=C ;
par fixation d'une molécule d'oxygène sur ce radical on obtient un autre
radical -O-O.
qui va se fixer sur le radical -C. d'une autre molécule d'huile "activée". Des liens
se créent ainsi entre les molécules et un film solide naît de cette
réticulation, on dit que l'huile "sèche".
Plus une huile contient de doubles liaisons et plus dans un temps donné il se
forme de liaisons donc plus vite a lieu la réticulation c'est à dire le
séchage.
Les huiles les plus utilisées pour leurs propriétés
siccatives sont : l'huile de tung (encore appelée huile de bois de chine ou
d'abrasin) et l'huile de lin, la composition de ces huiles est donnée
ci-dessous (les fourchettes viennent de ce que la composition dépend de du lieu
géographique et des conditions climatiques de développement de la plante) :
Huile |
Autre
acide gras polyinsaturé |
Acides
gras saturés |
||
Lin |
12-24% |
Acide linolénique 40-70% |
12-25% |
5-12% |
Tung |
8-10% |
Acide éléostéarique 75-85% |
5-10% |
1-5% |
Une indication sur la siccativité
d'une huile est donnée par son indice d'iode, plus
il est élevé et plus l'huile contient de molécules insaturées (plus il y a de
doubles liaisons C=C) donc est susceptible de se réticuler à l'air. On parle
d'huiles siccatives si l'indice d'iode est supérieur à 150, semi-siccatives
s'il est compris entre 110 et 150 et non siccatives si cet indice est inférieur
à 110. L'huile de tung a un indice d'iode moyen de 170 tandis qu'il est de 180 pour
l'huile de lin.
Mais d'autres facteurs interviennent également, par exemple le fait que les
doubles liaisons sur la chaîne de l'acide gras sont ou non conjuguées, ou bien
l'existence de fonctions alcool dans la chaîne, ces fonctions pouvant par
déshydratation conduire à des liaisons doubles.
2) Modifications d'huiles végétales par la chaleur :
les "standolies"
On peut en chauffant vers 280°C sous atmosphère inerte des huiles végétales
"crues" modifier leur consistance, leur viscosité et même arriver à
leur gélification ; Il s'agit d'une réaction d'oligomérisation (polymérisation
entre quelques unités monomères seulement) radicalaire, induite par la chaleur
et non par le dioxygène comme précédemment. Si l'huile contient des doubles
liaisons conjuguées, il peut également se former des dimères ou des trimères
par réaction de Diels-Alder.
Les huiles ainsi modifiées appelées "standolies" sont très utilisées
dans les secteurs des peintures, vernis et encres.
3)
Résines alkydes :
On estérifie la fonction alcool secondaire du glycérol par
un acide gras provenant d'une huile végétale et les deux fonctions alcool
primaire par de l'anhydride phtalique. La polymérisation de cet ensemble
conduit à ce qu'on appelle une résine alkyde très utilisée dans l'industrie des
encres grasses (à forte viscosité). Le séchage plus ou moins rapide de ces
encres étant assujetti à la nature plus ou moins siccative de l'huile dont
l'acide gras est issu.
Un exemple de résine alkyde formée à partir du glycérol,
de l'anhydride phtalique et de l'acide linolénique :
Au long des siècles et notamment à partir du XVème les peintres ont cherché à améliorer les peintures qu'ils utilisaient, pour faciliter leur travail : souplesse dans l'application de celles-ci sur la toile et surtout séchage assez rapide de l'huile siccative, le liant dans lequel le pigment était dispersé. Il était nécessaire qu'une couche soit sèche avant de passer à la suivante …..Et cela pouvait durer des semaines, des mois, voire des années, suivant l'huile utilisée. Celles-ci étaient notamment de l'huile de lin, de noix, ou celle extraite du pavot (les graines de pavot pressées à froid donnent une huile alimentaire claire appelée huile d'oeillette ; une seconde pression à chaud donne une huile siccative utilisée en peinture).
Au XIXème siècle, aidés par des chimistes, des artistes (le plus connu en la matière étant J.M.William Turner) ont mis au point des gels qui, ajoutés aux peintures à l'huile, permettaient un séchage beaucoup plus rapide.
Ces mélanges ont été appelés melgips et gumtions par les utilisateurs.
Leur composition :
- Le megilp :
On cuit l'huile siccative en présence d'un oxyde de plomb orangé (la litharge PbO) jusqu'à ce que l'ensemble soit noir.
On mélange alors cette substance à une résine naturelle, la résine mastic (voir annexe 1) (une résine qui suinte du tronc et des branches principales du lentisque ou arbre à mastic (Pistacia lentiscus) que l'on trouve dans les régions méditerranéennes et notamment dans l'île grecque de Chio), on obtient un gel orangé foncé ; les peintres l'utilisaient surtout avec les peintures sombres.
- Le gumtion :
On utilise l'huile crue (non chauffée) avec de l'acétate de plomb (Pb(CH3COO)2, 3H2O) et de la résine mastic ; le tout est broyé, mélangé. On obtient un gel clair utilisé avec les peintures claires.
Ces techniques qui faisaient intervenir parfois de l'essence de térébenthine ont été largement utilisées.
Un des inconvénients non identifié au moment de leur découverte est le mauvais vieillissement des peintures sur les toiles qui finissent (parfois en quelques années seulement) par se craqueler de façon caractéristique (craquelures en écailles d'alligator).
Un deuxième inconvénient était la dangerosité (que l'on ne connaissait pas à l'époque) du plomb utilisé ; il est vrai qu'ils l'utilisaient déjà puisqu'il entrait dans la composition de certains pigments.
La résine mastic
Elle est faite en grande partie d'un polymère
le cis-1,4-poly-β-myrcène provenant d'un monoterpène le β-myrcène
On y trouve aussi
- de l'α-pinène
- des triterpénoïdes tels que
l'acide moronique
ou l'acide oléanonique