LES ACIDES GRAS


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Plan de l’étude :

1) Généralités :

2) Nomenclature :

3) Acides gras et santé :

4) Composition de quelques huiles :

5) Quelques acides gras :

6) Biosynthèse des acides gras :

7) Comparaison des températures d'ébullition de quelques acides :


1) Généralités :
Ce sont des acides carboxyliques saturés ou insaturés, à chaîne linéaire (donc non ramifiée) dont les plus importants contiennent de 12 à 22 atomes de carbone.
Les acides gras naturels ont des chaînes à nombre de carbones pair (une exception notable pour l'acide isovalérianique ou acide phocénique que l'on rencontre sous forme d'ester du glycérol dans les huiles de dauphin et de marsouin), qui peuvent comporter jusqu'à 6 doubles liaisons en position malonique (toujours espacées de 3 carbones  =CH-CH2-CH=) et de configuration cis (Z).
Leur origine naturelle, les corps gras, a donné à cette classe de composés son nom.
Les graisses d'origine animale ou végétale sont en effet des triesters du glycérol et d'acides gras.
Les sels de sodium ou de potassium des acides gras constituent des savons ; on  obtient les savons soit par saponification des corps gras, soit par hydrolyse sous pression des matières grasses, suivie de l’action d’une base alcaline sur les acides obtenus jusqu’à l‘équivalence acido-basique. Ce mode de préparation permet d’obtenir le sel d’acide gras sans excès d’acide ou de base.

On ne peut parler d'acides gras sans mentionner le nom de Michel-Eugène Chevreul et ses travaux mémorables pour déterminer la composition des matières grasses.
2) Nomenclature :

    2-1) Nomenclature systématique : Comme pour tous les acides carboxyliques, on part du nom de l'hydrocarbure ayant la même chaîne carbonée, on enlève le "e" terminal que l'on remplace par "oïque" et l'on ajoute devant le nom ainsi formé "acide" ; le carbone n°1 pour numéroter la chaîne étant celui de la fonction acide carboxylique, COOH.
On distingue
    - des acides dont la chaîne carbonée est saturée, ce sont des acides gras saturés :
  Exemple : l'acide caprylique  CH3-(CH2)6-COOH ; son nom systématique : acide octanoïque.
    - des acides dont la chaîne carbonée contient une double liaison, ce sont des acides gras mono-insaturés :
  Exemple : l'acide oléique  CH3-(CH2)7-CH=CH-(CH2)7-COOH ; son nom systématique : Acide (Z)-octadéc-9-ènoïque.
    - des acides dont la chaîne carbonée contient plusieurs double liaisons, ce sont des acides gras poly-insaturés :
  Exemple 1 : l'acide linoléique CH3-(CH2)4-CH=CH-CH2-CH=CH-(CH2)7-COOH ; son nom systématique : Acide (9Z,12Z)-octadéca-9,12-diènoïque.
  Exemple 2 : l'acide linolénique
                            CH3-CH2-CH=CH-CH2-CH=CH-CH2-CH=CH-(CH2)7-COOH ; son nom systématique : Acide (9Z,12Z,15Z)-octadéca-9,12,15-triènoïque.
    2-2) Désignation des acides gras insaturés :
            a) Désignation (a:b(c)) :
C'est une description codée de la molécule :
                a représente le nombre de carbones.
                b représente le nombre de double liaisons C=C.
                c représente le ou les numéros des carbones portant ces doubles liaisons.
  Exemples:
                l'acide oléique est désigné par (18:1(9))
                l'acide linoléique est désigné par (18:2(9,12))
                l'acide linolénique (18:3(9,12,15))
            b) Classification dite w (oméga)
On repère, par rapport au carbone de l'extrémité de la chaîne opposée au carbone du groupe fonctionnel (carbone w), l'insaturation ou la première insaturation des acides gras insaturés. On dit par exemple que l'acide linoléique est w-6 (ou w6) car en partant de l'extrémité de la chaîne opposée au COOH on rencontre la première insaturation sur le sixième carbone ; de même l'acide linolénique est w-3 (ou w3).
On classe les acides gras poly-insaturés en séries :

Elle regroupe les acides gras poly-insaturés dits w-6, le premier de la série (à partir duquel les autres peuvent être synthétisés) étant l'acide linoléique.
Les acides de cette série ont des propriétés physiologiques qui les rendent indispensables à l'homme; les besoins journaliers étant de 4 à 5g.
 

 Nom usuel

Désignation (a:b(c1,c2...cx))

Position des doubles liaisons par rapport à l'extrémité de la chaîne opposée à COOH
a-cx,...a-c2, a-c1.

Désignation 

w

Acide linoléique

18:2(9,12)

6, 9

w-6

 Acide g-linolénique : 

18:3(6,9,12)

 6,9,12

w-6

Acide homolinoléique :

20:2(11,14)

 6,9

w-6

Acide homo-g-linolénique :

20:3(8,11,14)

 6,9,12

w-6

Acide arachidonique :

20:4(5,8,11,14)

 6,9,12,15

w-6

Acide adrénique: 

22:4(7,10,13,16)

 6,9,12,15

w-6

Acide docosapentaènoïque :

22:5(4,7,10,13,16)

 6,9,12,15,18

w-6

Elle regroupe les acides gras polyinsaturés dits w-3, le premier de la série (à partir duquel les autres peuvent être synthétisés) étant l'acide linolénique.
 

Nom usuel

Désignation
(a:b(c1,c2...cx))

Position des doubles liaisons par rapport à l'extrémité de la chaîne opposée à COOH
a-cx,...a-c2, a-c1.

Désignation
w

Acide a-linolénique : (ALA)

18:3(9,12,15)

3,6,9

w-3

Acide moroctique :

18:4(6,9,12,15)

3,6,9,12

w-3

Acide timnodonique : (EPA)

20:5(5,8,11,14,17)

3,6,9,12,15

w-3

Acide clupanodonique : 

22:5(7,10,13,16,19)

3,6,9,12,15

w-3

Acide cervonique : (DHA)

22:6(4,7,10,13,16,19)

3,6,9,12,15,18

w-3

3) Acides gras et santé :
        Les médecins spécialistes de l'alimentation, ont mis en évidence l'influence du régime lipidique sur l'apparition ou le développement de certaines pathologies, notamment les maladies cardio-vasculaires:

Dans la série w-6 l'acide arachidonique est indispensable.
La série des  w-3 semble avoir un rôle antithrombique (contre la formation de caillots sanguins) et antiathérogène (contre la dégénérescence des parois internes des artères). De plus, ils semblent indispensables pour le développement du système nerveux, des cellules de la rétine et pour la croissance.
On trouve ces oméga 3 dans différentes huiles végétales naturelles (huile de colza notamment, pourpier, noix, graines de lin...), dans certains poissons des mers froides (harengs....); le lait maternel en contient.
Une mention particulière pour les acides gras trans qui peuvent apparaître dans certaines margarines ; les matières grasses d’origine végétale (huiles) qui entrent dans leur composition, n’ayant pas la consistance souhaitée à cause de leur forte teneur en acides gras insaturés, on a étendu la fabrication de margarine en hydrogénant des matières grasses végétales. Les huiles ainsi durcies peuvent toutefois contenir des acides gras trans, qui apparaissent par isomérisation lors de l’hydrogénation. D’après une étude menée à l’Ecole Polytechnique Fédérale (ETH) de Zurich, ces acides gras trans augmentent le risque d’affections cardio-vasculaires. On les tient aussi pour responsables de l’obésité. Au Danemark, la teneur en acides gras trans a été limitée à 2 % dans les matières grasses alimentaires ; l’Allemagne a instauré une limitation identique en 2008. L’acide gras trans, formé à partir de l’acide oléique est appelé acide élaïdique, du grec elaion, l’huile d’olive.
4) Composition de quelques huiles comestibles : (exprimée en % d'acides gras)
 

 

Acides gras saturés
dont palmitique et stéarique

Acides gras mono-insaturés dont
oléique
et gadoléique

Série
linoléique

Série
linolénique

Tournesol

12

23

65

-

Maïs

13

30

57

-

Soja

15

25

53

7

Colza

8

62

21

9

Arachide

20

50

30

-

Olive

15

73

12

-

Noix

10

18

60

12

Lorsque l'on traite 100kg de graines de colza on obtient par pression : 41L d'huile brute et 62kg de tourteau, environ.
Il faut 5 à 6 kg d'olives pour obtenir 1L d'huile.
5) Quelques acides gras :
 

Nom courant

Formule brute 
et a:b(c)
et w

Formule topologique

Nom systématique

Acide caprylique
Masse molaire (g.mol-1) : 144,212
Fusion (°C) : 16,5
Ebullition (°C) : 237
N° CAS : 124-07-2

C8H16O2
8:0

OCTANOIQUE.gif

Acide octanoïque

Acide caprique
Masse molaire (g.mol-1) : 172,265
Fusion (°C) : 31,4
Ebullition (°C) : 269
N° CAS : 334-48-5
 

C10H20O2
10:0

DECANOIQUE.gif

Acide décanoïque

Acide myristique
Masse molaire (g.mol-1) : 228,371
Fusion (°C) : 54,2
Ebullition (°C) : 250 (100mmHg)
N° CAS : 544-63-8

C14H28O2
14:0

TETRADECANOIQUE.gif

Acide tétradécanoïque 
(utilisation dans les détergents et les produits mouillants).

Acide palmitique
Masse molaire (g.mol-1) : 256,424
Fusion (°C) : 62,5
Ebullition (°C) : 351,5
N° CAS : 57-10-3

C16H32O2
16:0

PALMITIQUE.gif

Acide hexadécanoïque

Acide stéarique
Masse molaire (g.mol-1) : 284,478
Fusion (°C) : 69,3
Ebullition (°C) : 350 (se décompose) ; 232 (15 mm Hg)
N° CAS : 57-11-4

C18H36O2
18:0

STEARIQUE.gif

Acide octadécanoïque
(Margarines, beurre de cacao)

Acide arachidique
Masse molaire (g.mol-1) :312,5
Fusion (°C) : 75

C20H40O2
20:0

ARACHIDIQUE.gif

Acide eicosanoïque

Acide béhénique
Masse molaire (g.mol-1) :341
Fusion (°C) : 80

C22H44O2
22:0

BEHENIQUE.gif

Acide doeicosanoïque
ou
Acide docosanoïque

Acide lignocérique
Masse molaire (g.mol-1) :369
Fusion (°C) : 83
Ebullition (°C) : 272

C24H48O2
24:0

LIGNOCERIQUE.gif

Acide tétraeicosanoïque
ou
Acide tétracosanoïque

Acide cérotique
Masse molaire (g.mol-1) : 397
Fusion (°C) : 88

C26H52O2
26:0

CEROTIQUE.gif

Acide hexaeicosanoïque
ou
Acide hexacosanoïque

Acide montanique
Masse molaire (g.mol-1) : 425
Fusion (°C) : 90

C28H56O2
28:0

MONTANIQUE.gif

Acide octaeicosanoïque
ou
Acide octacosanoïque

Acide mélissique
Masse molaire (g.mol-1) : 453
Fusion (°C) : 94

C30H60O2
30:0

MELISSIQUE.gif

Acide triacontanoïque

Acide palmitoléique
Masse molaire (g.mol-1) :254

C16H30O2
16:1(9)
w-7

PALMITOLEIQUE.gif

Acide (Z)-hexadéc-9-ènoïque

Acide oléique
Masse molaire (g.mol-1) :282

C18H34O2
18:1(9)
w-9

OLEIQUE.gif

Acide (Z)-octadéc-9-ènoïque
(environ 38% des graisses de réserve chez l'homme, margarine, huile de friture, huile pour salade, lubrifiants).

Acide gadoléique

C20H38O2
20:1(11)
w-9

GADOLEIQUE.gif

Acide (Z)-eicos-11-ènoïque
(présent dans les graisses de certains poissons, dans l'huile de colza).

Acide érucique
Masse molaire (g.mol-1) : 338,58
Fusion (°C) : 33-34
Ebullition (°C) : 358 (400mm Hg) ou 265 (15mm Hg)
densité :0,860 (55/4)
indice de réfraction : 1,4758 (raie D, 20°C)
Solubilité : éthanol,éther.

C22H42O2
22:1(13)
w-9

ERUCIQUE.gif

Acide (Z)-docos-13-ènoïque
(éliminé des huiles comestibles car soupçonné d'être cancérigène il est utilisé pour les lubrifiants, les adoucissants textiles, les antimoussants et les peintures).
L'huile de moutarde en contient une quantité importante (40 à 50%).

Acide brassidique
Masse molaire (g.mol-1) : 338,58
Fusion (°C) : 61,5
Ebullition (°C) : 282 (sous 30 mm Hg)
densité :0,8585 (57/4)
indice de réfraction : 1,4472 (raie D, 64°C)

C22H42O2
22:1(13)
w-9

BRASSIDIQUE.gif

Acide (E)-docos-13-ènoïque

Acidelinoléique
Masse molaire (g.mol-1) :280

C18H32O2
18:2(9,12)
w-6

LINOLEIQUE.gif

Acide (9Z,12Z)-octadéca
-9,12-diènoïque

Acide linolénique
ou
acide a-linolénique
ou
ALA
Masse molaire (g.mol-1) : 278

C18H30O2
18:3(9,12,15)
w-3

LINOLENIQUE.gif

Acide (9Z,12Z,15Z)-
octadéca-9,12,15-triènoïque
( utilisation dans des produits pharmaceutiques)

Acide arachidonique
Masse molaire (g.mol-1) :304,48

C20H32O2
20:4(5,8,11,14)
w-6

ARACHIDONIQUE.gif

Acide(5Z,8Z,11Z,14Z)-
eicosa-5,8,11,14-tétraènoïque

 

6) Biosynthèse des acides gras :

En 1893 Norman Collie (1859-1942), s’appuyant sur des bases purement structurales en étudiant des composés aujourd’hui appelés acétogénines, émet l’idée que l’acide acétique est un composé de départ possible lors de la biosynthèse de différentes molécules organiques ; cette hypothèse s’est confirmée plus tard, lorsque le marquage des molécules par l’isotope radioactif 14C a été possible.

Le schéma général de la biosynthèse des acides gras à partir de l’acide éthanoïque et du thiol coenzyme A (CoASH) est le suivant :

Prenons comme exemple l'acide palmitique ou acide hexadécanoïque

PALMITIQUE.gif

 

- 1 - Le point de départ est la formation de l'acétylCoA et du malonylCoA (voir synthèse du malonylCoA)

- 2 – L'acétylCoA et le malonylCoA sont transformés chacun de leur côté en agent de transfert du groupe acétyle sous l'action d'une protéine transporteur d'acyle HS-ACP (ACP S- acétyltransférase pour l'acétylCoA et ACP S- malonyl transférase pour le malonylCoA) :

 

MEVALO8.gif

 

- 3 - Les produits formés se condensent avec élimination de CO2 (l'enzyme étant le 3- cétoacétyl-ACP synthase) :

 

MEVALO9.gif

- 4 – Le thioester formé subit une première réduction par le couple NADP+/NADPH (l'enzyme étant le 3- cétoacétyl-ACP réductase) ; le groupe cétone du carbone 3 est réduit en groupe hydroxyle :

 

MEVALO15.gif

- 5 – Une déshydratation conduit à une double liaison trans entre les carbones 2 et 3 ( l'enzyme étant le 3-hydroxyacyl- ACP déshydratase ) :

 

MEVALO17.gif

- 6 – Le composé formé subit une réduction de la double liaison par le couple NADP+/NADPH (l'enzyme étant l'énoyl-ACP réductase)

MEVALO18.gif

Par itération à partir du stade 3, en remplaçant chaque fois la protéine R-CO-S-ACP par celle obtenue à l'étape 6 et le malonyl comme module d'extension, on obtient un ensemble à 16 carbones

 

MEVALO19.gif

Remarque : La répétition de ces différentes étapes augmente la chaîne de 2 carbones à chaque fois et on arrive à un acide gras CH3-(CH2)2n-CO2H et l’on comprend pourquoi les acides gras naturels ont un nombre pair d’atomes de carbone.


VERS HUILES ET MATIERES GRASSES