HUILES
ET MATIERES GRASSES
Wolfgang WERNER (Münster)
Première partie : Observations et vocabulaire
Il existe
de nombreuses expressions pour désigner les huiles et les matières grasses, qui
sont autant d'indications sur leurs propriétés marquantes.
Ainsi l'expression "das Fett
abschöpfen" (littéralement mettre le gras de
côté) - c'est-à-dire se réserver la meilleure part - témoigne-t-elle bien de la
valeur attachée à la graisse. Cette expression existe aussi sous la forme
"den Rahm abschöpfen"
(littéralement mettre la crème de côté). En Autriche, on désigne la crème par
le terme "Obers". Le lait est une émulsion de matière grasse dans l'eau. Les
gouttelettes de graisse remontent à la surface, car leur masse volumique de 0,9
g.cm-3 est moindre que celle de l'eau (1 g.cm-3).
Dans la crème fouettée les gouttelettes de graisse sont entourées de molécules
d'albumine qui s'agrègent et retiennent les petites bulles d'air
. Si l'on continue à fouetter celle-ci, les gouttelettes de graisse
forment des grumeaux et donnent du beurre. Le beurre vient du grec "butyron" et se compose à 82% de matière grasse
issue du lait. La teneur en eau ne doit pas dépasser 16%.
Autrefois la
quantité d'yeux dans la soupe était un signe de prospérité. Du fait que la
graisse est moins dense que l'eau (voir ci-dessus), les gouttes de graisse
surnagent et, sous l'effet de la tension superficielle, forment des yeux,
jusqu'à ce que l'on atteigne une couche monomoléculaire, ou à défaut jusqu'à ce
que l'extension de cette couche soit entravée par la rencontre avec d'autres
yeux ou avec le bord de l'assiette.
Si l'on
essaie de déterminer le point de fusion d'une matière grasse, on observera une
zone de fusion, à l'intérieur de laquelle la matière grasse devient
progressivement huile. Le processus inverse existe lui aussi : c'est ainsi que
lorsqu'on stocke de l'huile d'olive dans un endroit frais, on constate que se
forment des flocons qui fondront lorsque la température se réchauffera, et ce
sans altérer la qualité de l'huile. Il s'agit d'une cristallisation
fractionnée. Dans l'huile de tournesol du commerce, ces flocons (cristaux)
étaient éliminés pour des raisons esthétiques. Ils contiennent entre autre des cires. On appelle ce processus wintérisation.
Dans le cas de l'huile d'olive, la wintérisation
n'est pas autorisée.
Les matières
grasses et les huiles se ressemblent, qu'elles soient d'origine végétale ou
animale. Elles sont des mélanges de substances voisines, de structure variable.
La structure de la graisse chez les animaux dépend en grande partie de la
nourriture qu'ils absorbent. C'est pourquoi les cochons, en Corse, ne doivent
pas manger d'olives. Dans le cas contraire la viande serait à ce point gorgée
d'huile d'olive qu'elle ne permettrait pas au jambon et à la charcuterie de
sécher ; ceux-ci seraient trop imbibés de graisse.
Non sans rapport avec ce phénomène, on notera l'expression "ins Fettnäpfchen treten"
(littéralement mettre les pieds dans le pot de graisse - en français mettre les
pieds dans le plat). Dans les fermes on accrochait près du feu la saucisse et
le jambon que l'on suspendait au plafond, au-dessus d'une bassine, afin de les
faire sécher. La bassine servait à recueillir les gouttes de graisse. Lorsque
l'on renversait par mégarde la bassine de graisse on s'attirait la colère de la
maîtresse de maison.
Taches de graisse et cambouis
Le cambouis
est associé à la saleté, ce qui au fil des ans est aussi devenu le cas du terme
"gras". Cela tient probablement au fait que la saleté adhère
particulièrement bien à la graisse, et plus particulièrement aux taches de
graisse. Le terme latin crassus (gras) est à
l’origine des appellations du gras dans les langues romanes : la matière grasse
et la graisse en français, il grasso en
italien, el graso et la grasa
en espagnol, graxa en portugais. « crasse » désigne en français quelque chose de sale.
Le terme crassus s’est même frayé un chemin
jusque dans le domaine de la botanique. On parle ainsi de la famille des crassulaceae
(littéralement, végétal aux feuilles charnues, d’où en français l’appellation «
plante grasse »), à laquelle appartiennent l’orpin blanc ou l’orpin des murs (Sedum
acer).
On pourrait encore citer l’expression allemande « sein Fett abbekommen » (faire mouche), laquelle fait référence aux éclaboussures de graisse que reçoit celui qui s’avance trop / qui va trop loin. De telles éclaboussures causent uniquement des taches de gras et sont donc très éloignées des connotations positives dont est parfois investie la graisse et que nous évoquions plus haut.
On pourrait ici songer au photomètre à tache de graisse mis au point par Robert Wilhelm Bunsen, lequel permet de comparer les éclairements de deux sources lumineuses : une tache de gras sur une feuille de papier laisse passer une importante quantité de lumière. On glisse la feuille entre les deux sources lumineuses jusqu'à ce qu'on ait l'impression que la tache de graisse a disparu.
L'expression "Schmer" en moyen-haut-allemand pour désigner
la graisse est apparentée au terme suédois "Smör",
qui désigne le beurre. Les termes allemands "Schweineschmalz"
(le saindoux) et "schmelzen"
(fondre) appartiennent aussi à cette famille lexicale. Dès le XVIème
siècle on utilise le terme "Schmerbauch"
pour désigner un excès de graisse dans la région abdominale. Dans certaines
régions le terme "Schmer" continue d'être employé comme
synonyme de "Fett" (le gras).
L'expression populaire "wer gut schmiert, der gut fährt"
(littéralement celui qui graisse ira loin) fait référence, outre à la
corruption (graisser la patte), à la nécessité d'utiliser de l'huile et de la
graisse pour entretenir son véhicule. Huiler permet de réduire les frictions en
utilisant le type de graisse approprié ; la branche scientifique s'occupant de
ces phénomènes est appelée tribologie.
On a déjà vu, dans le cas de la soupe et des yeux, que la graisse ne se dissout
pas dans l'eau. C'est ce que montre aussi l'eau qui ruisselle sur les plumes
des canards. C'est un parfait exemple de ce que l'on appelle être hydrophobe
(repousser l'eau). Le canard protège son plumage de l'eau en le badigeonnant,
avec son bec, de graisse sécrétée par une glande située à la base de sa queue.
Nettoyage chimique des vêtements
Les matières grasses et les huiles sont facilement solubles dans les solvants
non polaires. On les range, pour des raisons pratiques, parmi les lipoïdes (du
grec lipos, le gras) présentant des propriétés
de solubilité voisines. Cette propriété est utile pour le nettoyage chimique
des vêtements : dans les textiles à nettoyer portant le sigle d'entretien P,
les taches de graisse sont enlevées, ou plus précisément dissoutes, à l'aide de
PER (perchloréthylène). Le sigle F, qui vient de l'anglais "flammable" (inflammable), indique qu'il faut
procéder à un nettoyage à l'aide d'un mélange d'hydrocarbures de C9H20
à C12H26 que l'on appelle encore essence légère ou
essence de nettoyage. Ces formes de nettoyage sont aussi appelées nettoyage à
sec car elles ne nécessitent pas d'eau.
Huiles éthérées
Les huiles qui font partie des matières grasses sont appelées huiles grasses,
par opposition aux huiles éthérées. Il est vrai que les huiles éthérées ne
laissent pas de traces aussi durables que les huiles grasses. L'appellation
"éthérée" renvoit à leur volatilité. Il
s'agit de senteurs et d'arômes eux aussi hydrophobes, mais qui se différencient
nettement des matières grasses. La bonne solubilité des huiles éthérées,
lesquelles sont apolaires, dans la graisse, elle aussi apolaire, est mise à profit
lors de l'enfleurage : des plaques de verre sont
enduites de graisse neutre d'un point de vue olfactif puis recouvertes d'une
couche de fleurs odorantes. La graisse absorbe les substances participant à
l'odeur, lesquelles sont ensuite utilisées par les parfumeurs. La bonne
solubilité des arômes dans la graisse explique également pourquoi cette
dernière sert d'exhausteur de goût en cuisine. Les grands cuisiniers savent
bien qu'ils amélioreront leur sauce en y incorporant du beurre, c'est ce qui
s'appelle "monter une sauce".
Les lampes à huile
L'expression "verser de l'huile sur le feu" signifie envenimer un
conflit, parce que l'huile est inflammable. Dans l'Egypte ancienne, on
connaissait déjà les lampes à huile. Dans les musées sont exposées de
nombreuses lampes à huile grecques et romaines faites d'argile cuite, dans
lesquelles on enfonçait une mèche que l'on enflammait. Une mèche, que l'on
appelait aussi pelote de lumière, est composée de filaments capillaires, qui
conduisent l'huile inflammable à la flamme. A l'extrémité de la mèche la
tension de vapeur de l'huile augmente et son point
d'éclair diminue : c'est "l'effet de mèche".
En 1825, Gay-Lussac (1787-1850) et Chevreul (1786-1889) déposent en France et en Angleterre un brevet sur la fabrication des bougies à partir d’un mélange d’acide stéarique et d’acide palmitique. Suite à la découverte de la saponification du suif et de la palmitine par la chaux pour obtenir du "savon calcaire" et à la production industrielle du mélange d’acide stéarique et d’acide palmitique qui s'en est suivie, l’appellation « stéarine » a progressivement commencé (entre 1831 et 1834) à désigner un tel mélange. A partir de 1840, la paraffine, issue du raffinage du pétrole, entre elle aussi aussi dans la composition des bougies.
Huiles végétales
Les huiles sont des substances de stockage dans les graines et les fruits ; on
les obtient par pressage. Les olives (du grec elaia
et du latin oliva), fruits de l'olivier (olea
europaea) dans le bassin méditerranéen, ont donné
leur nom à l'huile (en allemand Öl, en anglais
oil, en grec elaion,
et en latin oleum).
Le pétrole (Erdöl en allemand) tire son nom (allemand) de sa consistance huileuse mais n'a cependant rien en commun, d'un point de vue chimique, avec les huiles végétales.
Deuxième partie : aspects chimiques
Les huiles et les matières grasses sont des triacylglycérides, plus fréquemment appelés triglycérides. Les 3 groupes hydroxyles de la glycérine (Propane-1,2,3-triol) sont estérifiés par des acides gras (voir figure 1). Les cires sont également des esters d’acides gras, avec des alcools monovalents saturés à chaîne longue (voir tableau 1). En les chauffant avec des solutions alcalines, on obtient les sels alcalins d’acides gras, plus connus sous le nom de « savon ». Ce processus est appelé saponification.
Les appellations triviales des acides gras :
On appelle savons les sels alcalins, bien solubles, des acides gras ; les sels
de calcium sont eux, caractérisés par une faible solubilité, on les désigne par
"savons calcaires".
L’acidification des savons libère des acides ; comme ces derniers sont issus de
matières grasses, on les nomme « acides gras ». L’acide obtenu (principalement)
à partir de l’huile d’olive est appelé acide oléique, tandis qu’on parle, dans
le cas du beurre, d’acide butyrique. Les
acides gras linoléique et linolénique proviennent de
l’huile de lin, issue du végétal du même nom (linum
usitassimum), tandis que les acides arachidique et arachidonique proviennent
de l’huile d’arachide (arachis hypogaea). L’acide palmitique est quant à lui le
composant principal de l’huile de palme, laquelle est fournie par les fruits du
palmier à huile (elaeis guinensis).
Enfin, l’acide stéarique (stear en grec veut dire graisse) est issu de
la graisse animale.
Formation des acides gras :
Les acides gras saturés et les acides gras insaturés ont en commun leur nombre
pair d’atomes de carbone, lesquels sont disposés de manière linéaire,
c’est-à-dire non ramifiée. Ce principe de composition résulte de la biosynthèse
des unités C-2 au moyen de l’acide acétique activé (acétyl-
CoA). Le nombre d’acides gras insaturés est limité par certaines règles :
Les doubles liaisons sont toujours en forme cis, et ne sont pas
conjuguées (deux doubles liaisons sont conjuguées lorsqu’elles sont séparées
par un groupe -CH2-). Dans le tableau 2 sont
répertoriés des acides gras courants avec leur appellation habituelle, leur
appellation conforme à la nomenclature officielle, et leur désignation abrégée.
Y figurent aussi l’EPA et le DHA, qui proviennent toutes deux d’huile de
poisson et ont un usage thérapeutique. La désignation abrégée se compose en
premier lieu du nombre d’atomes de carbone, puis du nombre de doubles liaisons
; ce qui donne dans le cas de l’acide palmitique 16 :0, et dans le cas de
l’acide oléique 18 :1. La numérotation des atomes de carbone (1,2,3 ou α,
β, γ) est illustrée dans la figure 2
dans l’exemple de l’acide palmitique. Dans la numérotation chiffrée le carbone
du groupe carboxyle est désigné par le chiffre 1, tandis qu’avec les lettres
grecques c’est le carbone suivant (C-2) qui est désigné par la lettre α,
et le carbone C-3 qui est désigné par la lettre β. Ce dernier joue dans la
biochimie des matières grasses un rôle particulier. L’alphabet grec se termine
par la lettre ω. Cette lettre désigne le dernier atome de carbone de la
chaîne, ici le carbone C-16. Dans la publicité pour les huiles et matières
grasses bonnes pour la santé les appellations ω-3 et ω-6 apparaissent
fréquemment. Cela signifie qu’il y a une double liaison sur le troisième ou le
sixième atome de carbone à partir de l’atome ω (compté comme le premier).
Les appellations d’acide linolénique αou γ peuvent prêter à
confusion. Les lettres grecques n’ont ici rien à voir avec la numérotation
précédente, elles désignent les isomères ω-3 pour α et ω-6 pour
γ. Les lécithines ou les
phospholipides sont des molécules fréquemment associées aux huiles (voir Figure 3). On les trouve par exemple dans l’huile de soja
(0,5-0,6%), et on les utilise comme émulsifiant. Elles sont en effet tolérées
comme additif alimentaire et connues sous l’appellation E322.
Un groupe OH de la glycérine est estérifié par
l’acide phosphorique, lequel est lui-même estérifié par exemple par de l’éthanolamine ou de la choline. Les acides gras qui sont situés
sur les deux autres groupes OH de la glycérine peuvent être différents. Les
lécithines sont des constituants de membranes biologiques. La lécithine a été
isolée en 1846-47 par le pharmacien Gobley à Paris,
et nommé d’après l’appellation grecque du jaune d’œuf (lekithos).
Acides gras insaturés
L’organisme humain n’est pas en mesure de produire des acides gras insaturés, aussi doit-on les lui fournir dans la nourriture. C’est pour cette raison que ces acides sont appelés acides gras essentiels. Des études épidémiologiques ont montré que les acides gras insaturés ω-3 et ω-6, que l’on trouve dans les poissons de mer, ont une action de protection du système cardio-vasculaire ; ils ont dès lors bénéficié d’une attention accrue. Les poissons absorbent directement et indirectement les acides gras synthétisés par les algues. On rapporte que des essais ont été entrepris pour importer sur des plants de colza les gènes permettant aux algues de synthétiser ces acides. Les acides gras ω-3 et ω-6 ont aussi été appelés vitamines F par le passé. En tant qu’eicosanoïdes (C20) ces acides constituent des précurseurs d’ hormones tissulaires telles que prostaglandines, prostacyclines, thromboxanes et leucotriènes. L’huile de lin, de même que l’huile de pavot et l’huile de noix, contient de l’acide linolénique. L’acide linolénique est un acide gras polyinsaturé, qui « sèche » au contact de l’oxygène de l’air. Il s’agit dans ce cas d’une autooxydation qui produit une résine. C’est pourquoi de tels acides gras insaturés donnent des propriétés siccatives aux huiles. Si l’on ajoute certains catalyseurs, des siccatifs (du latin siccus, sec), le processus sera accéléré. Ces huiles siccatives, mêlées à des pigments, servent de peinture ; mélangées à du carbonate de calcium (CaCO3), elles servent de mastic pour les fenêtres. Le linoléum est un revêtement mis au point en 1863 à partir d’huile de lin, de poudre de liège et de bois collée sur de la toile de jute ; de nos jours il est remplacé par le PVC.
Méthodes analytiques
L’analyse des huiles et des matières grasses est délicate, car celles-ci sont constituées de substances semblables que l’on peut difficilement dissocier et purifier. Les trois acides gras constituant une huile peuvent être différents. Les différences dépendent de l’origine et du climat. Il existe une méthode analytique pour ces huiles et matières grasses, la chromatographie en couche mince, mais elle n’est pas suffisamment précise.
Transestérification
Pour déterminer la nature des acides gras on recourt à une transestérification avec du méthanol. Les méthyl-esters d’acides gras qui en résultent sont isolés par chromatographie en phase gazeuse et comparés à des substances de référence. La transestérification de l’huile de colza s’effectue à échelle industrielle pour produire du biodiesel. Mais celui-ci peut aussi être produit à partir d’autres huiles et d’autres matières grasses.
Paramètres de somme
En raison des difficultés analytiques on ne s’intéresse qu’à des paramètres
de somme aisés à déterminer. On les détermine par des procédés normalisés, afin
d’obtenir des valeurs comparables.
L’indice d’acide (IA) correspond à la masse (en mg) d’hydroxyde de
potassium (KOH) qu’il est nécessaire d’utiliser pour neutraliser 1 g de
l’échantillon testé. La présence d’acides libres dans les huiles et les
matières grasses compromet la conservation et la stabilité de celles-ci lors de
leur chauffage. Lorsqu’on les chauffe, par exemple en faisant rôtir ou frire
des aliments, de la fumée se forme au-delà d’une certaine température,
c’est-à-dire qu’une décomposition intervient. Ce point de fumée (voir tableau 3) ne devrait pas être dépassé.
L’indice de saponification (IS) indique la quantité d’acides libres et
liés contenus dans 1 g de matière grasse (on appelle indice de saponification
la masse (en mg) de KOH nécessaire pour saponifier 1g du corps gras). Plus la
masse molaire d’un corps gras est faible, plus son indice de saponification est
élevé.
L’indice d’ester (IE) correspond à la différence entre l’indice de
saponification et l’indice d’acide. Lors de la saponification il y a, la
plupart du temps, un reliquat insaponifiable (de l’ordre de 0,2 à 0,3 %). Il
s’agit de phytostérols et de tocophérols. Les tocophérols, également
connus sous le nom de vitamine E, ont d’importantes propriétés antioxydantes.
Ce groupe de substances joue d’autre part un rôle dans la conservation des
huiles. Les tocophérols (α, β et γ) sont autorisés comme additifs
alimentaires sous l’appellation E307, E308 et E309.
Souvent on ne peut distinguer les huiles que par la nature de leurs parties
insaponifiables.
L’indice d’iode (II) augmente avec la proportion d’acides gras
insaturés. Elle indique la quantité (en grammes) d’iode qui peut être
additionnée à 100 g de corps gras. Pour le
déterminer, on ajoute à un échantillon de corps gras, un excès de bromure
d’iode (IBr) ou de chlorure d'iode (ICl)
; la partie qui n’a pas réagi est traitée par des ions iodure, il se forme du
diiode I2 qui reste en solution sous forme de I3-.
On dose ce diiode par des ions thiosulfate. Tableau 4.
L’indice de peroxyde (IP) indique la quantité de peroxyde qui apparaît
lors de l’oxydation des graisses. L’oxygène de l’air forme sur le groupe CH2
voisin d’une double liaison un groupe hydroperoxyde
OOH. L’indice de peroxyde est la quantité totale de peroxydes exprimée en
milliéquivalents d’oxygène par kg de graisse dans l’échantillon, qui oxyderait
l’iodure de potassium dans des conditions particulières d’analyse. On comprend
aisément que des acides gras polyinsaturés soient plus sensibles à l’oxygène que
des acides gras monoinsaturés. La liaison O-O conduit facilement à deux
radicaux qui, par des réactions ultérieures, peuvent entraîner une
polymérisation en résine (huiles siccatives). Dans des cas simples se forment
des aldéhydes à l’odeur intense.
L’humidité dans l’huile favorise l’apparition de microbes qui, entre autres,
dissocient les acides gras, dont les termes inférieurs comme par exemple l’acide butyrique ont une forte odeur. Les huiles et
matières grasses anciennes sont dites rances, du latin rancidus,
malodorant.
Fonctions des graisses
Les graisses jouent différents rôles dans l’organisme humain et animal. La mauvaise
conductibilité de la chaleur qui caractérise les graisses (voir tableau 5) permet d’isoler et de protéger du froid.
Souvent on néglige la capacité de la graisse à protéger les organes des chocs.
Mais la fonction principale est sans aucun doute le stockage d’énergie, aussi
bien pour les organismes végétaux que pour les organismes animaux. La condition
essentielle à ce stockage est le fait que les graisses sont si peu solubles
dans l’eau qu’elles n’interviennent pas sur l’état osmotique à l’intérieur de
la cellule. L’énergie ainsi stockée est considérable : voir tableau
6.
Au commencement du métabolisme a lieu la lipolyse, c’est-à-dire la libération
des acides gras. Ces derniers sont scindés, à l’inverse de leur biosynthèse,
par une β-oxydation, en acétyl-Co-A, lequel peut
intervenir dans le cycle de l’acide citrique. Si l’on fait abstraction de la
formation de graisse à partir des glucides (gavage des cochons), l’absorption
des graisses se fait principalement par le biais de l’alimentation. La
résorption est possible après action de la bile, qui est formée dans le foie et
se déverse dans le duodénum. La bile fractionne les lipides en de petites
gouttes que les lipases peuvent atteindre.
Composition des graisses et des huiles
Si les données analytiques de la teneur en acides gras divergent pour une
huile donnée, ce n’est pas à cause d’un manque de précision des laboratoires
chargés de l’analyse, mais parce que la composition varie en fonction de
l’origine de l’huile (Nous avons déjà évoqué l’influence de l’alimentation chez
les animaux).
Dans le tableau 7 nous n’avons pas indiqué les
compositions exhaustives, mais les teneurs en acides gras de quelques matières
grasses.
Attardons-nous quelques instants sur l’huile de colza, que l’on tire de Brassica napus et
de Brassica rapa.
Ces variétés, autorisées depuis 1973, se distinguent par une faible teneur en acide érucique (22 :1),
seulement 0,5 à 1,5 %. Celui-ci contribue à entartrer le coeur
et se révèle dangereux pour la santé. Dans un décret, sa teneur maximale a été
limitée à 5 %. Les anciennes huiles de colza contenaient jusqu’à 30 % d’acide
érucique, et ne pouvaient être utilisées à des fins alimentaires. En outre,
elles contenaient des substances amères (les glucosinolates, à partir desquelles on produit l’huile de
moutarde), dont la teneur est elle aussi réduite dans les nouvelles variétés
cultivées.
En 1816, E. Chevreul
décrivit un acide gras qu’il baptisa acide
margarique parce que celui-ci avait l’aspect d’une perle d’huître (margaron en grec). Plus tard il s’avéra qu’il
s’agissait d’un mélange d’acide stéarique et d’acide palmitique. En 1869,
Napoléon III (1808-1873) confia au chimiste Hippolyte Mège-Mouriès la mission de mettre au point un beurre
moins coûteux que le beurre naturel. La même année, on déposa un brevet pour ce
beurre artificiel, sous le nom d’oléomargarine. La principale source de matière
grasse de cette oléomargarine provenait du suif de boeuf.
L’appellation margarine s’est imposée sur le plan international pour désigner
ce produit fabriqué à l’échelle industrielle. Les matières grasses d’origine
végétale (huiles) n’ont pas la consistance souhaitée à cause de leur forte
teneur en acides gras insaturés. On a étendu la fabrication de margarine en hydrogénant des matières grasses
végétales. Les huiles ainsi durcies peuvent toutefois contenir des acides gras
trans, qui apparaissent par isomérisation lors de l’hydrogénation. D’après une
étude menée à l’Ecole Polytechnique Fédérale (ETH) de Zurich, ces acides gras
trans augmentent le risque d’affection cardio-vasculaire. On les tient aussi
pour responsables de l’obésité. Au Danemark, la teneur en acides gras trans a
été limitée à 2 % dans les matières grasses alimentaires ; l’Allemagne prévoit
d’instaurer une limitation identique en 2008. L’acide gras trans, formé à
partir de l’acide oléique est appelé acide
élaïdique, du grec elaion, l’huile
d’olive.
Trois acides dicarboxyliques renvoient, de part leur
nom, à la première synthèse d’un corps gras : l’acide
adipique, du latin adeps suillus, qui signifie le saindoux ; l’acide sébacique, du latin sebum, le suif ; l’acide pimélique, du
grec pimele, la graisse. Aujourd’hui les
synthèses sont ciblées, là où les premières synthèses étaient des oxydations
non spécifiques.
Alcools gras (constituants des cires) :
Alcool myristylique
C14H29OH
Alcool cétylique
C16H33OH
Alcool cérylique C26H53OH
Alcool myricique
C30H61OH
Figure 2
Acide palmitique 16:0
Acide hexadécanoïque
Numérotation:
Acides gras
R1-COOH
R2-COOH
X = par exemple :
Phosphatidylcholine
ou
Phosphatidyléthanolamine
4:0 |
Acide
butyrique |
|
|
16:0 |
Acide
palmitique |
|
|
18:0 |
Acide
stéarique |
|
|
18:1 |
Acide
oléique |
|
|
18:2 |
Acide
linoléique |
|
|
18:3 |
Acide
γ-Linolénique |
|
|
18:3 |
Acide
α-Linolénique |
|
|
20:0 |
Acide
arachidique |
|
|
20:4 |
Acide
arachidonique |
|
|
20:5 |
EPA |
|
|
22:1 |
Acide
érucique |
|
|
22:6 |
DHA
|
|
|
Point de fumée (température à partir de laquelle
une huile chauffée se met à fumer)
Huile
d'arachide (saturée*) |
230°
C |
Huile
de palme |
220°C |
Huile
(Raffinée**) |
>200°
C |
Huile
de colza (pressée à froid) |
130
- 190° C |
Huile
d'olive (pressée à froid) |
130
- 175°C |
*) hydrogénée
**) purifiée
Cire
d'abeille |
8-11 |
Huile
de palme |
12-14 |
Suif
de boeuf |
35-45 |
Huile
d'olive |
79-92 |
Huile
de tournesol |
109-120 |
Huile
de lin |
170-190 |
Pouvoir conducteur de la chaleur
Cuivre |
398 |
Pierre |
50 |
Eau |
0,6 |
Air |
0,025 |
Matière
grasse |
0,17 |
Valeurs énergétiques
1
g Matière grasse |
37
kJ =9 kcal |
1
g Glucide |
17
kJ = 4 kcal |
1
g Protéine |
17
kJ = 4 kcal |
1g Ethanol |
29
kJ = 7 kcal |
Composition des principales huiles et matières grasses en acides gras
|
16:0 |
18:0 |
18:1 |
18:2 |
18:3 |
Huile
d'olive |
7,5-20% |
0,5-5,0% |
55,0-83,0% |
3,5-21,0% |
- |
Huile
de colza |
2,5-7,0% |
- |
51,0-70,0% |
15,0-30,0% |
- |
Huile
de lin |
4,0-6,0% |
2,0-3,0% |
10,0-22,0% |
12,0-18,0% |
56,0-71,0% |
Huile
d'arachide |
8,0-14,0% |
1,0-4,5% |
35,0-69,0% |
12,0-43,0% |
- |
20,0-30,0% |
15,0-30,0% |
30,0-43,0% |
1,0-6,0% |
- |
|
Saindoux |
20,0-30,0% |
8,0-22,0% |
35,0-55,0% |
4,0-12,0% |
- |
TRADUCTION
DU TEXTE ORIGINAL : Anne-Sophie GOMEZ