DES POLYSACCHARIDES VEGETAUX NON EXSUDES

Gérard GOMEZ

avec la collaboration de

Jacques BARON


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Plan de l'étude :

                1) La cellulose

                2) Les hémicelluloses

                3) L'amidon

                4) Le glycogène

                5) Inuline

                6) Polysaccharides extraits des algues

                        6-1) L'agarose

                               6-2) Les carraghénanes

                               6-3) Les alginates

            7) Les pectines

                8) "Gomme" de guar, "gomme" de caroube, "gomme" tara

                               8-1) La "Gomme" de guar   

                               8-2) La "Gomme" de caroube

                               8-3) La "Gomme" tara

                9) "Gomme" xanthane, le dextrane, le pullulane, le gellane, le curdlane

                               9-1) La "Gomme" xanthane

                               9-2) Le dextrane

                               9-3) Le pullulane

                               9-4) Le gellane

                               9-5) Le curdlane

                10) Polysaccharides du gui et des Drosera

                               10-1) La glu

                               10-2) Polysaccharides des Drosera

 

                Annexe 1 "Inuline et insuline"


On a l'habitude d'appeler gommes, des polysaccharides exsudés par certains végétaux, en général des arbres ou des arbustes ; c'est le cas par exemple de la gomme arabique.

Un article leur a été consacré : Gommes et résines naturelles.

On va s'intéresser ici, à des polysaccharides qui existent dans de nombreux végétaux et qui ne sont pas exsudés.

 

            1) La cellulose :

La cellulose est une macromolécule homogène, non–ramifiée, formée d'environ 500 à 5000 unités monomères de glucose reliées les unes aux autres par des liaisons β (1-> 4)-glycosidiques.

 

CELLULOSE.gif

Le motif de ce polymère est appelé cellobiose.

Les différentes chaînes linéaires placées côte à côte sont liées par de nombreuses liaisons hydrogène ce qui donne à ce matériau une très grande rigidité (elles constituent des fibrilles) et qui explique qu'elle est la substance de soutien (parois) des cellules jeunes des végétaux.

La cellulose pratiquement pure est tirée du fruit du cotonnier ; il contient des graines recouvertes d’un duvet formé de fibres de 2 à 7 cm de long ; débarrassées des impuretés, ces fibres constituent le coton hydrophile.

La cellulose s’obtient également à partir du bois ; le bois est essentiellement constitué de cellulose et de lignine; un traitement à l’hydrogénosulfite de calcium détruit la lignine; il reste la pâte de bois ; on en fait le papier, le carton, ....
Le glucose présent dans la cellulose ne peut cependant être utilisé en tant que tel, ni par les plantes ni par les animaux ; la cellulose n'est en effet pas attaquable par les sucs digestifs de l'homme. Seuls les ruminants peuvent profiter de ce polysaccharide, car durant leur digestion des microorganismes parviennent à diviser les macromolécules, qui deviennent alors assimilables.

D'un point de vue chimique, elle est insoluble dans l'eau et la plupart des solvants organiques et n'est solubilisée que par une solution ammoniacale d'hydroxyde de cuivre(II) : la liqueur de Schweitzer. Son hydrolyse acide conduit au glucose.

C'est une matière première de tout premier ordre dans l'industrie chimique.

 

            2) Les hémicelluloses (ou pentosanes) :

Le nom habituellement utilisé est hémicellulose, mais il s'agit d'une appellation curieuse car ces composés n'ont rien de commun avec la cellulose ; ce sont des polymères hétérogènes plus courts (masse molaire inférieure) ou ramifiés formés à partir de pentoses (oses à cinq atomes de carbone comme le xylose), ou d'hexoses autres que le glucose (galactose par exemple) que l'on retrouve dans les arbres. Quelle que soit l'espèce d’arbre on retrouve la même structure pour la cellulose alors que les hémicelluloses ont des compositions et des structures qui varient considérablement selon qu'elles proviennent de feuillus ou de résineux. Les hémicelluloses de feuillus sont généralement plus riches en pentoses, que celles des résineux qui habituellement contiennent davantage d'hexoses.

Exemples d'hémicelluloses présentes dans le bois :
Les xylanes par exemple que l'on trouve en abondance dans le bois de bouleau (Betula pendula et betula lenta) correspondent à des unités de xylopyrannose unies entr'elles par des liaisons β-1->4-glycosidiques ; le schéma simplifié ci-dessous montre ces enchaînements de xylose.
XYLANE

Dans les xylanes il y a aussi des substituants latéraux d'acide glucuronique et des fonctions alcool sont méthoxylées (-OH transformées en –OCH3) :
HEMIXYLANE
Les glucomannanes ou les galactomannanes existent en plus grande quantité dans les résineux.

Du fait des chaînes latérales les hémicelluloses ne peuvent former des fibrilles comme la cellulose ; leur rôle étant de lier les fibrilles de cellulose entre elles en contractant avec elles des liaisons hydrogène.

           

            3) L'amidon :

Principale réserve glucidique dans le monde végétal. L'hydrolyse de l'amidon en milieu acide dilué conduit au glucose ; intermédiairement il se forme des dextrines solubles dans l'eau, puis du maltose et enfin deux molécules de glucose par molécule de maltose.
L'amidon natif se présente sous forme de grains de taille variable insolubles dans l'eau froide. Dans l'eau chaude (70°C environ), l'amidon gonfle (empois) et l'on peut séparer ses deux constituants principaux : l'amylose (ou amidon linéaire) environ 20% peu soluble dans l'eau froide, et l'amylopectine 80% (ou amidon ramifié).

Ce sont deux polymères du glucose, l'amylose ayant une masse molaire de l'ordre de 500 000 g.mol-1et l'amylopectine de plusieurs millions de g.mol-1.
Dans l'amylopectine (ou iso-amylose) il y a un enchaînement 1-6 environ tous les 25 unités glucose.

 

 AMIDON.gif

 

AMYLOPECTINE.gif
En présence d'une solution iodo-iodurée (lugol) l'empois d'amidon donne une coloration bleue qui disparaît à chaud ; il s'agit de l'inclusion (clathrate) des molécules d'iode dans l'hélice formée par l'amylose (l'iode est retenue par des liaisons de Van der Waals) qui provoque une intense absorption de la lumière, celle-ci disparaissant lorsque les molécules d'iode sont libérées à chaud parce que l'hélice se détend.

 

IODEINCLUSION.gif

L'amidon est présent chez les végétaux dans les graines (céréales, légumineuses), les tubercules (pomme de terre).

 

Remarque : Deux sortes de pommes de terre, dont on a modifié le génome, ont été mises au point ; elles ont toutes deux la particularité de produire de l'amylopectine pure, qui est la partie de l'amidon qui intéresse les industriels (industrie papetière, textile et agroalimentaire).

- BASF a fait intervenir une bactérie capable d'insérer du matériel génétique au sein du génome (la pomme de terre porte le nom d'Amflora)

- L'institut Fraunhofer (Fraunhofer-Gesellschaft, organisme allemand dédié à la recherche en sciences appliquées) a soumis une plante classique à un agent chimique provoquant des mutations au sein du génome.

 

L'amidon a de très nombreuses applications. Il est rarement utilisé natif ; le plus souvent il est transformé, dépolymérisé, par des techniques physiques, chimiques (le plus souvent en milieu aqueux) ou enzymatiques. Les principaux dérivés amylacés sont :
- dextrines, cyclodextrines, maltodextrines.
- des gluconates.
- l'érythorbate.
- le dibenzylidènesorbitol
- des polyols
- des sirops de glucose.

 

            4) Le glycogène :

GLYCOGENE

Sa structure est semblable à celle de l'amylopectine mais les enchaînements 1-6 sont plus fréquents, environ un toutes les 10 unités glucose.

Il est la réserve glucidique des champignons.

Remarque 1 : C'est aussi bien sûr la réserve glucidique des animaux.

Remarque 2 : C'est l'une des caractéristiques des champignons qui font qu'on ne peut les définir comme des végétaux. Nous avons néanmoins décidé de faire figurer ce polysaccharide dans ce chapitre consacré aux végétaux.

En présence de glycogène, le lugol (réactif iodo-ioduré) qui est jaune, donne une coloration brun-acajou.

           

            5) Inuline : (voir annexe 1)

C'est un glucide de réserve présent dans les racines de certaines plantes, chicorée, topinambour, bardane….

Il diffère de l'amidon par le fait qu'il est soluble dans l'eau chaude (sans donner d'empois) et ne donne aucune coloration avec l'iode.

On le considère aussi comme un prébiotique c'est-à-dire un aliment stimulant le développement de certaines bactéries de la flore intestinale.

C'est un enchaînement de motifs β-fructofurannose le premier élément de cette chaîne étant lié à un α-glucopyrannose.

INULINE.gif

           

            6) Polysaccharides extraits des algues :

L'agarose comme les carraghénanes sont des polymères extraits des algues rouges du type Rhodophycae, principalement du genre Chondrus (C. crispus), et du type Solieriacae, principalement du genre Euchema (E. cottonii, E. spinosum) en trois étapes :
- On les isole par pressage des algues en suspension dans l'eau,
- On les soumet à un traitement alcalin qui les solubilise dans l'eau.
- On les récupère en le faisant précipiter par l'éthanol ou le propan-2-ol.

                       

                        6-1) L'agarose :

La structure de l'agarose est la suivante :

Alternance de D-galactose et de 3,6-anhydro-L-galactopyranose liés par des liaisons glycosidiques en α-(1->3) et β-(1->4).

AGAROSE.gif

 

C'est un solide blanc jaune bien soluble dans l'eau chaude qui fond à 88°C.

L'agarose est utilisé en microbiologie comme support de culture de microorganismes ; on l'utilise aussi comme support d'électrophorèse.

L'agarose a un pouvoir gélifiant comme les carraghénanes. Les gels qu'il forme sont dus aux liaisons par pont hydrogène qu'il est susceptible de donner.

                       

                        6-2) Les carraghénanes

Ce sont des copolymères linéaires de type alterné : D-galactose et de 3,6-anhydro-D-galactopyranose liés par des liaisons glycosidiques en α-(1->3) et β-(1->4) ; ils sont plus ou moins substitués (15 à 40%) par des groupements sulfates et pyruvates.

On définit 3 types de carraghénanes principaux : kappa, iota, lambda suivant la proportion de (3,6) anhydrogalactose, et le taux de substitution sulfate qu'ils contiennent :

 

Carraghénane kappa : 1 groupement sulfate

 

 

CARRAGHKAPPA1.gif

 

 

 

ou

 

CARRAGHKAPPA.gif

Carraghénane iota : 2 groupements sulfate

 

 

CARRAGHIOTA1.gif

 

 

ou

 

CARRAGHIOTA.gif

Carraghénane lambda : 3 groupements sulfate

 

 

CARRAGHLAMBDA1.gif

 

 

ou

CARRAGHLAMBDA.gif

 

Utilisations :
Les carraghénanes sont utilisés pour améliorer la texture des aliments, comme stabilisants d'émulsions ou de suspensions, comme gélifiants, dans les crèmes glacées, les fromages fondus, les confitures, les crèmes pâtissières (additif E 407).

Les gélifiants sont les carraghénanes kappa et iota. Les gels que forment ces substances sont dus aux liaisons par pont hydrogène qu'elles sont susceptibles de donner. Leur rigidité est liée à leur structure moléculaire et décroît quand le nombre de groupes sulfate augmente. Ainsi les moins rigides sont les carraghénanes iota suivis des carraghénanes kappa.

On les utilise aussi en cosmétique : dentifrices, déodorants corporels (relargage des composés parfumants), shampooings (stabilisants des émulsions eau-huile et agents viscosants).

 

                        6-3) Les alginates :

Les alginates sont des polysaccharides extraits de la paroi cellulaire des algues brunes, principalement Laminaria, Ascophyllum, Fucus.).
Ces espèces sont récoltées aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France (Bretagne), mais aussi au Japon, en Chine, et en Norvège.
Ces polymères existent dans les algues sous forme de sels de calcium insolubles dans l'eau. Le schéma du traitement (pour l'extraction) est le suivant :

 

ALGINATE
Nature chimique : Les alginates sont des copolymères linéaires constitués de deux unités de base, l'acide α-L-guluronique, G, et l'acide β-D-mannuronique, M. Le rapport M/G dépend de l'algue de départ et conditionne les propriétés physiques, chimiques et mécaniques du polymère.
Ces unités de base sont groupées en blocs (blocs GG correspondant à des molécules d'acide guluronique liés en α-1->4, blocs MM correspondant à des molécules d'acide mannuronique liés en β-1->4, blocs MG correspondants à des enchaînements irréguliers ou à des enchaînement alternés d'acide guluronique et mannuronique), chaque bloc ayant une longueur d'environ 15 à 20 unités (degré de polymérisation de chaque bloc).
Les cations compensateurs sont généralement les ions sodium ou calcium.

 

BLOCS GG :

GG.gif
BLOCS MM :
MM.gif
BLOCS MG :
MG.gif

Remarque :

La gélification par les ions calcium est liée aux blocs d'acide α-L-guluronique.

En effet, elle se fait par entassement des chaînes résultant d'une interaction, dans les régions comportant une forte proportion d'acide guluronique, avec le calcium. Cet entassement donne naissance à des structures dites "en boîtes d'œufs" comme schématisé ci-dessous.

BOITEOEUFALGINATES.gif

 

Les alginates sont des épaississants ou des gélifiants en milieux aqueux selon leur forme ionique (additifs alimentaires) :
E400 : forme acide.

E401 : sel de sodium.
E402 : sel de potassium.
E403 : sel d'ammonium.
E404 : sel de calcium.
Les sels de calcium ont de nombreuses applications :
- Fabrication de billes permettant d'encapsuler levures et bactéries (applications en biotechnologie).
- Fabrication de fils pour pansements.
- Servent de support pour le relargage contrôlé des médicaments.
- Servent à faire des moulages dentaires.
Les alginates sont aussi utilisés dans les produits cosmétiques et dans les vernis pour automobiles.

Remarque :

Il existe une formation possible d'alginates par voie bactérienne, pour des usages spécifiques. Son développement est très limité. Elle met en jeu la bactérie Azobacter vinelandii.

           

            7) Les pectines :

Elles sont un des constituants de la paroi végétale, dont le rôle est d'être un ciment intercellulaire. Elles constituent un réseau permettant d'absorber une grande quantité d'eau

C'est un ensemble complexe formé d'une ossature majoritaire résultant d'un enchaînement d'acides α-D-galacturonique liés en 1-4 (unités homogalacturonanes)

PECTINE1.jpg

Certaines des unités homogalacturonanes peuvent être méthylées et/ou acétylées :

 

PECTINES5.gif

 

Certaines unités homogalacturonanes peuvent être substituées par des oses :

            - Rhamnogalacturonanes

L'ose est alors le L(-)-rhamnose :

RHAMNOSE1.gif

RHAMNOSE2.gif

            - Xylogalacturonanes

L'ose est alors le D(+)-xylose :

XYLOSE2.gif

XYLOSE1.gif

            - Apiogalacturonanes

L'ose est alors le D-apiose

APIOSE.gif

APIOSE3.gif

On peut donner un aperçu général de la structure d'une pectine par le schéma suivant :

PECTINE3.jpg

Roger PRAT, Michèle MOSINIAK, Jean-Claude ROLAND : La paroi primaire de la cellule végétale ; les pectines.

 

Les pectines sont solubles dans l'eau à froid si ses fonctions acides sont ionisées.

Les pectines sont utilisées dans les industries cosmétique, pharmaceutique ainsi que dans l'industrie alimentaire où elles servent (E 440) comme agent de texture, gélifiant, stabilisant et épaississant (confitures par exemple).

Les facteurs influant sur le mécanisme d'association des pectines et donc sur la formation des gels sont, le degré de méthylation (% de méthylation de la chaîne principale) le pH, la concentration en sucres et en acides, la présence de chaînes latérales et le degré de polymérisation (longueur des chaînes principales).

Quantité de pectines (en % du poids frais) trouvée dans différents fruits et légumes courants :

            - Pomme (0,5 - 1,6%)

            - Banane (0,7 - 1,2%)

            - Carotte (0,2 – 0,5%)

            - Pulpe de citron (2,5 – 4%)

            - Pêche (0,1 – 0,9%)

            - Fraise (0,6 – 0,7%)

            - Tomate (0,2 – 0,6%)

            8) "Gomme" de guar, "gomme" de caroube, "gomme" tara :

Ne résultant pas d'une exsudation ces substances polysaccharidiques n'ont pas le droit au qualificatif de gomme. On a cependant respecté l'usage et gardé ce terme en l'encadrant de guillemets.

                        8-1) "Gomme" de guar :

Elle est extraite des graines d'une légumineuse herbacée appelée guar (haricot Cyamopsis tetragonoloba de la famille des fabacées), originaire du Pakistan.

C'est un galactomannane : une chaîne de 1,4-β-D-mannose et des ramifications galactose en 1 ->6 (2 mannoses pour 1 galactose).

 

GUAR2

 

C'est l'additif alimentaire E412 ; facilement soluble dans l'eau à froid, c'est un épaississant un stabilisant et un émulsifiant.

 

                        8-2) "Gomme" de caroube :

Elle est extraite des graines du caroubier (Ceratonia siliqua), un arbuste buissonnant de la famille des fabacées que l'on trouve dans les régions méditerranéennes. On l'obtient sous forme d'une poudre blanche à jaune clair soluble dans l'eau chaude ou froide.

C'est un galactomannane : une chaîne de 1,4-β-D-mannose et des ramifications galactose en 1 ->6 (4 mannoses pour 1 galactose).

 

CAROUBE.gif 

Additif alimentaire E 410 utilisé comme épaississant dans l'industrie agro-alimentaire ; la "gomme" de caroube est aussi utilisée dans l'industrie des cosmétiques (elle adoucit la peau).

Remarque : Les graines de caroube luisantes gardent un poids constant. Les joailliers les utilisaient autrefois comme mesure de poids (carats).

 

                        8-3) "Gomme" tara :

Ce polysaccharide est extrait des graines d'un arbre, Caesalpinia spinosa (famille des fabacées), de 3 à 8m de haut, poussant jusqu'à 3000m d'altitude et bien adapté à la sécheresse, en Amérique du sud ainsi qu'en Equateur et au Vénézuela.

C'est essentiellement un galactomannane, un polymère formé d'unités mannose (1,4-β-D-mannopyranose) ramifié en 1->6 d'unités galactose (3 mannoses pour 1 galactose) :

TARA.gif

On l'obtient sous forme d'une poudre blanche à jaune clair, soluble dans l'eau tiède. Elle sert à modifier la consistance des aliments dans l'industrie agroalimentaire (E 417) ; On l'utilise aussi dans l'industrie des cosmétiques.

 

            9) La "gomme" xanthane, les dextranes, le pullulane, le gellane, le curdlane :

Ce sont des polysaccharides dus à des fermentations (action d'enzymes microbiennes sur des glucides : glucose, saccharose, amidon ….).

Pour les obtenir en quantités industrielles il faut utiliser des fermenteurs et optimiser les conditions de pH, de température, d'agitation et apporter les substances nécessaires (glucose ….) pour obtenir un rendement maximal.

Les avantages d'une production en fermenteur sont nombreux : caractéristiques des polymères produits régulières (notamment leur structure chimique), masses molaires élevées grâce à des conditions maîtrisées de récupération

 

                        9-1) La "gomme" xanthane :

Elle est obtenue à partir d'une bactérie Xanthomonas campestris

Elle est constituée :

·         d'une longue chaîne de β-D-glucose

·         de chaînes latérales greffées tous les deux glucoses

La chaîne latérale comprend :

            - du mannose (acétylé)

            - de l'acide glucuronique

            - du mannose (lié à une molécule d'acide pyruvique)

 

 

XANTHANE.gif

C'est une poudre blanche insipide et sans odeur soluble dans l'eau à froid et insoluble dans l'éthanol.

Dans le domaine alimentaire, cette "gomme" sert d'épaississant et de liant pour les sauces chaudes ; c'est l'additif E415.

En cosmétique, elle sert à réaliser des gels transparents hydratants.

 

                        9-2) Le dextrane :

Le dextrane est également constitué de longues chaînes de glucose unies en 1,6 et portant des ramifications en 1,3 (environ 5% de ramifications). Les masses molaires des chaînes se situent entre 103 et 2.106 Daltons. Les solutions dans l'eau (ce polymère est rapidement soluble dans l'eau) servent de succédané de plasma. Les produits de sulfatation (dextrane sulfates) sont utilisés comme succédanés de l'héparine. On peut obtenir le dextrane par fermentation de milieux contenant du saccharose par Leuconostoc mesenteroides B512F.

 

                        9-3) Le pullulane :

C'est une production polysaccharidique extracellulaire de l'hypomycète Aureobasidium pullulans (une levure), à partir de l'amidon.

PULLULANE

Le motif de répétition est le maltotriose (3 résidus glucopyrannose liés en α-1,4). Les maltotrioses sont liés entre eux par des liaisons glycosidiques en α-1,6.

C'est un matériau soluble dans l'eau mais pas dans le méthanol, l'éthanol ou l'acétone.

Le pullulane est de plus en plus l'objet d'applications commerciales et industrielles.
Les usages pharmaceutiques:
- Capsules solubles dans l'eau
- Enrobage de médicaments
- Nanoparticules libératrices de molécules bioactives.
Les usages alimentaires:
- Emballages
- Contenants
- Enrobage de produits alimentaires (à laver avant consommation)
- Aliments diététiques
- Epaississants pour confitures et sauces E 1204.
Applications industrielles:
- Colles et adhésifs
- Couches pour bébés (parce que biodégradable).

 

                        9-4) Le gellane :

C'est un polymère avec un motif tétra-oside : D-glucose, acide D-glucuronique, D-glucose et L-Rhamnose.

GELLANE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On le fabrique avec la bactérie Sphingomonas elodea agissant sur un ose.

Le produit obtenu est neutralisé (fonction acide de l'acide glucuronique). On obtient une substance blanche.

Le gellane est utilisé par l'industrie alimentaire surtout comme gélifiant et épaississant.

                        9-5) Le curdlane :

Polyholoside linéaire d'unités glucose produit par fermentation d'Agrobacterium biovar 1 ou Agrobacterium radiobacter.

C'est une poudre blanche, inodore, peu soluble dans l'eau et la majorité des solvants organiques ; le curdlane se dissout dans des solutions d'hydroxyde de sodium.

Ce produit a la propriété de former un gel élastique par chauffage de sa solution aqueuse.

Il est utilisé comme agent gélifiant, épaississant E 424.

 

CURDLANE.gif

 

L'enchaînement des motifs se fait par liaisons glycosidiques β-1,3 ; c'est donc un β-1,3-glucane.

 

            10) Polysaccharides du gui et des Drosera :

                        10-1) La glu :

C'est une matière visqueuse et collante qui existe notamment dans les baies de gui.

 

BAIESDEGUI

"Baies" de gui

Photo David Busti ENS Lyon

 

Le gui, viscum album, est un sous-arbrisseau épiphyte (il vit fixé sur les plantes) de la famille des loranthacées qui se fixe sur plusieurs espèces d'arbres feuillus ou résineux : chênes, ormes, pommiers, pins, sapins, saules pleureurs, peupliers …. C'est un hémiparasite, c'est-à-dire qu'il soutire à son hôte eau et sels minéraux. Il possède de la chlorophylle et peut donc faire sa photosynthèse.

Le fruit des pieds femelles de gui est une baie blanchâtre et translucide ; il apparaît en automne et tient tout l'hiver s'il n'est pas mangé par des oiseaux (essentiellement grive draine et fauvette à tête noire) ; la pulpe de ce fruit est constituée d'un mucilage : la viscine.

La viscine est principalement composée de xylanes très ramifiés (voir hémicelluloses), mais on trouve également des arabinanes très ramifiés (les arabinanes ont un squelette de L-arabinofuranoses liés en α-1,5, portant des chaînes latérales branchées en α-1,3 et parfois en α-1,2), des rhamnogalacturonanes et des xylogalacturonanes (voir pectines) et des fragments de galactomannanes (voir gomme tara)

 

                        10-2) Polysaccharides des Drosera :

Les Drosera sont des plantes qui ont la particularité d'être carnivores (une plante carnivore, attire, capture et digère sa proie).

Elles possèdent en surface des poils recouverts de gouttes d'un mucilage collant et transparent qui ressemblent à des gouttes d'eau. La proie se pose, s'englue, absorbe du mucilage et elle se noie.

 

DROSERA CAPENSIS.jpg

Drosera capensis

 

Le mucilage qui recouvre les poils est une exsudation ; on devrait en toute rigueur appeler cette substance une gomme. Cependant on ne le fait pas, en considérant que les exsudats que l'on désigne par gommes servent à la plante pour se protéger, mais sont aussi récupérées par l'homme qui les utilise à d'autres fins, ce qui n'est pas le cas ici.

Les substances polysaccharidiques de Drosera capensis ont un poids moléculaire élevé. Elles sont fortement acides et très hydratées ; elles sont constituées de xylose, de mannose, de galactose, d'acide glucuronique, des esters sulfates ainsi que du Ca, du Mg, du K, du Na. ("Cellules productrices de mucilage chez les plantes carnivores" Colette Vintéjoux et Almas Shoar-Ghafari (2000)).

 

XYLOSE.gif

MANNOSE.gif

GALACTOSE2.gif

GLUCURONIQUE.gif

Xylose

Mannose

Galactose

Acide glucuronique


Annexe 1 (d'après Inuline et Insuline de Wolfgang Werner)

L’aunée (Inula helenium) appartient à la famille des composées et est originaire d’Asie Centrale, elle est largement répandue en Europe. Son rhizome fut utilisé dès l’Antiquité en cuisine pour son goût amer, selon le cuisinier romain Apicius (1ier siècle après. J.-C.) et décrite comme plante médicinale par Dioscoride (1ier siècle après J.-C.) et Pline l’Ancien (23-79 après J.-C.). La racine d’Aunée (Helenii radix) entre dans la composition de sirops contre la toux à cause de ses propriétés sécrétolytiques (expectorantes). Le goût amer est dû à des sesquiterpènelactones.

 

Le pharmacien berlinois Rose a examiné chimiquement la plante en 1804 et a donné le nom d’inuline à une substance qu’il y a trouvée, dérivant ce nom du nom latin Inula de la plante. L'inuline est une substance de réserve de la plante, également appelée amidon d’aunée. L’inuline est un oligomère du fructose avec une molécule de glucose en fin de chaîne. Selon la longueur de la chaîne (jusqu’á 100) elle est plus ou moins soluble dans l’eau. L’amidon des céréales ou des pommes de terre présente des chaînes de glucose plus longues et est insoluble dans l’eau.

 

Depuis, le choix des plantes qui peuvent fournir de l’inuline a augmenté : l’inuline est obtenue aujourd’hui industriellement à partir des racines de chicorée. On trouve de l’inuline également dans les salsifis, dans les racines de pissenlit, il y en a aussi dans les pelures d’oignon. Il faut mentionner surtout les rhizomes de topinambour (Helenium tuberosus) qu’on trouve dans des magasins "bio". Au 16ème siècle des émigrants français au Canada ont pu survivre à la famine grâce à ces rhizomes. Ils connaissaient cette plante par les indigènes qui la cultivaient. Mais elle est plutôt originaire du Sud des Etats-Unis. Ce tubercule de goût sucré fut envoyé en 1610 en France et au Vatican. Le jardinier du Vatican nomma la plante girasole (ital. tournesol) articiocco d’où sont venus les noms anglais girasol et Jerusalem artichoke.

Le topinambour devint au 17e siècle une denrée et une plante fourragère appréciées. Depuis le milieu du 18e siècle il fut remplacé par la pomme de terre au rendement plus élevé et plus facile à stocker.

L’inuline peut remplacer l’amidon pour les diabétiques, parce qu’elle n’est pas résorbée par l’homme et que, l’homme ne disposant pas d’inulinase dans l’intestin grêle, elle n’influence pas la glycémie. Elle passe comme aliment fibreux dans le gros intestin où elle est transfomée par des microorganismes en acide lactique et gaz carbonique. Le milieu acide dans l’intestin inhibe les bactéries nocives. Le gaz formé peut gêner les gens sensibles en causant des flatulences

Les rhizomes de topinambour étaient importants pour la préparation du fructose.

L’ échauffement du jus de topinambour qui contient également un peu d’inulinase entraîne l’hydrolyse de l’inuline. Par concentration, on obtient un sirop de fructose à 90% qui sert à sucrer pour des diabétiques. Le pouvoir édulcorant du fructose vaut 1,5 à 2 fois celui du sucrose (sucre de betterave ou de canne).

L’inuline ne peut pas être soumise directement à la fermentation alcoolique. Elle doit être au préalable hydrolysée. Cela vaut également pour la trempe de topinambour dont l’hydrolyse peut être influencée par la température et le pH avant la fermentation alcoolique. Dans le commerce, il existe des préparations à base d’enzymes et de levures pour faciliter cette transformation avant la fermentation alcoolique. Par distillation ensuite, on obtient l’eau de vie de topinambour. La culture du topinambour, ainsi que la production de son eau de vie, est particulièrement développée en Bade.