LA SUEUR ET LES LARMES

Gérard Gomez


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1) La sueur :

 

1-1) Origine de la sueur Rôle de la transpiration :

La sueur est une sécrétion des glandes sudorales (ou sudoripares) qui se fait par les pores de la peau ; on donne à ce phénomène le nom de transpiration ; il est sous la dépendance du système nerveux sympathique et c'est l'hypothalamus qui régule cette évacuation ; on transpire pour réguler la température de notre corps (thermorégulation) et la maintenir à 37°C ; en effet l'évaporation de l'eau a la surface de celui-ci absorbe un peu de la chaleur de la peau et contribue à son rafraîchissement.

On transpire lorsqu'on s'agite (exercice physique : course à pied ou gymnastique…) ou bien lorsqu' on se trouve en un lieu chaud (sauna, hammam ou température ambiante élevée). On parle de sueur froide lorsque la cause de cette transpiration est la nervosité, l'anxiété ou la peur.

 

1-2) Aspect et composition de la sueur :

C'est un liquide incolore ou légèrement jaunâtre, de saveur salée et d'odeur forte.

En l'absence d'effort physique soutenu, donc en période normale, le corps évacue environ 0,5 litre d'eau par jour sous forme de vapeur, c'est le flux hydrique normal ; on désigne ce phénomène par un anglicisme "la perspiration insensible" (Insensible perspiration). Lors d'un exercice violent on élimine 3 à 400 mL de sueur par heure ; l'organisme réduit alors son émission d'urine par compensation (Voir composition moyenne de l'urine humaine dans l'annexe 1). Une production surabondante de sueur (au-delà de la quantité nécessaire à la thermorégulation) est un phénomène qui touche environ 1% de la population et qui est désigné par le terme d'hyperhydrose.

La pilocarpine (illustration 1) est un alcaloïde extrait d'une plante Pilocarpus microphyllus (Jaborandi) de la famille des rutacées qui, inclus dans une pommade appliquée localement, augmente de façon notable la sudation.

 

Comme toutes les substances sécrétées par un organisme vivant, la composition de la sueur dépend de cet organisme et en particulier de son alimentation.

Pour un être humain, c'est un liquide acide dont le pH se situe entre 4 et 6 ; il contient en moyenne 99 % d'eau, mais on y trouve également (liste non exhaustive) :

            - de l'urée (environ 1g.L-1) (Illustration 2) ; elle est chez l'homme le produit ultime de dégradation des composés azotés c'est-à-dire essentiellement des protéines.

            - de l'acide urique (Illustration 3) ; C'est le terme final dans l'organisme humain de l'oxydation de tous les dérivés puriques (adénine, guanine, hypoxanthine et xanthine).

            - de l'acide lactique (Illustration 4) ; pour l'anecdote, c'est une substance qui guide les moustiques vers notre peau (après qu'ils aient identifié notre présence, de loin, par le CO2 que nous exhalons).

            - de l'acide ascorbique (Illustration 5).

            - de l'ammoniac.

            - différents éléments généralement sous forme ionique : sodium (environ 0,9 g.L-1), potassium, zinc, fer, cuivre, pour les cations ; essentiellement chlore comme anion).

 

Sous l'effet de bactéries il se produit une dégradation de certains composés présents dans la sueur conduisant à des acides carboxyliques dont l'acide (E)-3-méthylhex-2-ènoïque (Illustration 6) qui est le constituant, responsable principal de l'odeur de la transpiration humaine.

 

2) Les larmes :

 

            2-1) Origine des larmes – Leur rôle :

C'est un liquide biologique incolore, salé, sécrété au niveau des yeux par des glandes lacrymales.

Un film lacrymal est en permanence maintenu à la surface de l'œil et est renouvelé toutes les cinq à dix secondes environ, à chaque clignement des paupières ce qui correspond à environ 100 µL par heure. Son rôle premier est de protéger la surface de l'œil (cornée et conjonctive) en la maintenant humide ; il a aussi une action lubrifiante et réfractive (son indice de réfraction est pratiquement celui de l'eau, 1,33) ; il permet d'entraîner poussières et corps étrangers qui peuvent se déposer et possède des propriétés antiseptiques grâce aux protéines antimicrobiennes qu'il contient. Ce film apporte aux cellules épithéliales de la cornée, la quantité d'oxygène qui leur est nécessaire.

La production des glandes lacrymales peut être augmentée par grande chaleur, froid sec et/ou par grand vent, facteurs qui ont tendance à accélérer l'évaporation du liquide lacrymal, mais aussi sous l'action d'une émotion (chagrin, grande joie, rire, peur, douleur….). La quantité produite est alors plus importante et s'écoule  à la fois dans les fosses nasales et à l'extérieur sous forme de larmes.

 

            2-2) Composition du film lacrymal :

Son pH moyen est compris entre 7,3 et 7,7 ; il est formé de trois couches superposées, qui ont chacune une composition et un rôle différents, produites par des zones spécifiques de l'oeil :

            - la couche profonde est une couche de mucus d'épaisseur 0,02 à 0,05 µm, produite par des cellules mucipares conjonctivales et des cellules épithéliales (rappelons que la cornée est la partie la plus externe de l'œil, qu'elle est formée de plusieurs couches de cellules (dont l'épithélium la partie la plus externe formée elle-même de 5 à 7 couches de cellules) et de deux membranes ;  tandis que la conjonctive est une membrane qui tapisse l'intérieur des paupières).

Le mucus est constitué de glycoprotéines, qui sont des hétéroprotéines dont le groupement prosthétique est un groupement glucidique plus ou moins important appelé glycane qui a un rôle structural ou de reconnaissance...Ces protéines sont largement répandues dans le monde vivant.

Le mucus a un rôle lubrifiant, il permet l'étalement uniforme de la couche aqueuse sur la cornée.

                - la couche intermédiaire est la couche aqueuse d'épaisseur 7 µm environ ; c'est la plus épaisse et la plus abondante ; elle est produite par les glandes lacrymales conjonctivales principales et les glandes accessoires (glandes de Krause et glandes de Wolfring-Ciaccio).

Cette couche est constituée essentiellement d'eau (99%) contenant des ions (sodium, chlorure,…), des protéines plasmatiques (Albumine, immunoglobulines A et G), de la lactoferrine (glycoprotéine de la famille des transferrines qui se lie au fer et a des effets bactéricides, présente dans le lait de femme et dans une moindre mesure dans le lait de vache), du lysozyme (Protéine existant par exemple dans le blanc d’œuf, qui détruit les parois des cellules des bactéries en hydrolysant les liaisons β(1->4) des unités glucose), de la bêtalysine (Illustration 7) un antibactérien, de la peroxydase (une enzyme)….De l'oxygène est également en solution dans cette couche aqueuse ; il sera utilisé par les cellules épithéliales.

Un des rôles majeur de cette couche aqueuse est la défense des cellules de la cornée contre les agressions microbiennes.

            - Au contact de l'air, la couche lipidique limite l'évaporation de la couche aqueuse et est produite essentiellement par les glandes de Meibomius (du nom du médecin allemand qui les a découvertes) situées dans l'épiderme des paupières et par les glandes de Zeis.

Ce sont essentiellement des triglycérides qui la composent.

So rôle est surtout comme il a été dit précédemment de limiter l'évaporation de la couche intermédiaire ; si ce rôle n'est pas correctement assuré (port de lentilles, travail très long devant écran, pollution, viellissement) il en résulte le syndrome de l'œil sec et la nécessité de mettre des larmes artificielles.

 

            2-3) Les substituts lacrymaux :

Selon le produit ils ont des viscosités variables c'est-à-dire qu'ils sont plus ou moins épais, ce qui conditionne leur rémanence sur la cornée.

- Le plus simple est le "sérum" physiologique qui est une solution de chlorure de sodium à 9 gL-1 ( soit 9‰ m/V) dans l'eau distillée.

On utilise aussi des polymères :

- La polyvidone (ou povidone ou PVP) dont le nom complet est polyvinylpyrrolidone (Illustration 8). Ce polymère a des propriétés filmogènes remarquables ; outre son utilisation comme larme artificielle il est utilisé en cosmétique (shampooings) et en hygiène (dentifrices), mais aussi pour les encres (agent tensio-actif) les peintures, les papiers pour imprimantes. C’est une macromolécule immunogène utilisée dans les plasmas sanguins.

- Le hyaluronate de sodium (en solution à 0,1 ou 0,2%) ; sa grande viscosité conduit à une humidification importante de la cornée ; on l'utilise dans les soins post-opératoires de l'œil.

Rappelons que l'acide hyaluronique (Illustration 9) est un polymère de l'acide hyalobiuronique ; c'est un polysaccharide de haute masse molaire, soluble dans l'eau. On le trouve dans l'humeur vitrée, les tissus conjonctifs, le liquide synovial ; il est aussi produit par les streptocoques hémolytiques des groupes A et C. Il est utilisé en médecine cosmétique : récupération de l'élasticité et du soutien des tissus de la peau : cicatrisation (il intervient sur la réépithélialisation des lésions cutanées), l'effacement des rides. Il intervient aussi en rhumatologie.
On l'extrayait autrefois de la crête des coqs. Il est aujourd'hui préparé beaucoup plus pur par génie biologique.

            - Les carbomères sont des polymères de l'acide acrylique réticulés par des éthers (voir Illustration 10). Cette polymérisation s'effectue dans un solvant organique (benzène, aujourd'hui proscrit, acétate d'éthyle ou un mélange acétate d'éthyle-cyclohexane). Les macromolécules obtenues ont une masse molaire comprise entre 700 000 et 4 000 000 Da (Dalton) et sont hydrophiles ; par répulsion électrostatiques les macromolécules forment un réseau tridimensionnel capable d'emmagasiner une importante quantité d'eau entre ses mailles (jusqu'à 1000 fois sa masse d'eau). On obtient un gel aqueux, stable, transparent, incolore et non collant au toucher qui est un excellent substitut lacrymal.


Illustration 1

La pilocarpine :

PILOCARPINE2.gif

Alcaloïde extrait d'une plante (Jaborandi) : Pilocarpus microphyllus de la famille des rutacées.
Cette molécule est utilisée comme médicament pour réduire la sécheresse de la bouche (consécutive à une radiothérapie dans la région de la tête et du cou en raison d'autres troubles médicaux) en stimulant la production de salive par les glandes salivaires.
Est aussi utilisée en ophtalmologie (contracte la pupille en contractant les muscles circulaires de l’iris).

Action sédative (ralentit le rythme cardiaque) et sudorifique.


Illustration 2

L'urée :

 

UREE2

L'urée est une substance importante d'un point de vue historique mais aussi en biologie et industriellement.

En 1828 Wöhler réalise la première synthèse organique, celle de l'urée, à partir de substances réputées minérales ; à cette époque, ce qui était relatif au vivant était considéré comme organique et tout ce qui concernait l'inerte était qualifié de minéral.

Par hydrolyse en milieu neutre, acide ou basique ou sous l'effet d'une enzyme, l'urée permet d'apporter aux végétaux l'azote ammoniacal dont ils ont besoin (engrais).

L'urée est chez l'homme le produit ultime de dégradation des composés azotés c'est-à-dire essentiellement des protéines.

C'est un solide blanc qui cristallise en aiguilles prismatiques incolores, qui fond vers133°C, très soluble dans l'eau (environ dans son poids d'eau froide), de masse molaire faible (60 g.mol-1) ce qui le rend très diffusible, très riche en azote (47%) et non toxique ; l'urée est facilement éliminée par les reins ; un adulte en élimine environ 30g par jour dans l'urine. Le plasma sanguin contient 0,30g d'urée par litre, la sueur 1g par litre.


Illustration 3

Acide urique :

UREE.gif

C'est le terme final dans l'organisme humain de l'oxydation de tous les dérivés puriques.
Le taux d'acide urique dans le sang, qu'on appelle uricémie, est à contrôler.
Il doit être de 40 à 50 mg par litre chez la femme et de 50 à 70 mg par litre chez l'homme.
Un excès du taux d'acide urique (hyperuricémie) provoque divers troubles dont le plus spectaculaire est la goutte.


Illustration 4

Acide lactique :

lactique

Il peut être obtenu par la fermentation de l'amidon ou à partir des jus sucrés de la canne à sucre mais c'est dans le lait qu'il fut découvert en 1780.

L'acide lactique se forme en très faible quantité dans les muscles au cours d'efforts physiques. Mais la libération d'une grande quantité d'acide lactique peut provoquer des crampes.

C'est un additif présent dans certaines boissons (jus ou nectar de fruits) : E270


Illustration 5

Acide ascorbique :

vitC

C'est la vitamine C ; composé hydrosoluble ; Additif alimentaire : E300 ; antioxydant, stabilisateur de couleurs et agent de traitement des farines.

L'acide ascorbique intervient dans de nombreux métabolismes ; facilite de nombreuses synthèses. Il renforce les défenses naturelles de l'organisme.
Une carence en vitamine C provoque le scorbut. N'est pas présente dans les conserves, car elle est détruite par la chaleur.


Illustration 6

Acide (E)-3-méthylhex-2-ènoïque :

 

TRANSPIRATION


Illustration 7

Bêtalysine :

BETALYSINE.gif

Acide aminé à propriétés antibactériennes.


Illustration 8

Polyvinylpyrrolidone :

 

PVP.gif

Avec l'iode ce polymère forme un complexe qui possède des propriétés désinfectantes (scrubb "Bétadine").

Le polymère est également un additif alimentaire (épaississant) codé E1201.

Ce polymère est obtenu par addition de la N-vinylpyrrolidone :

 

PVP2.gif


Illustration 9

Acide hyaluronique :

 

Motif disaccharidique de répétition de l'acide hyaluronique:
liaisons glycosidiques en β-1,3 entre la N-acétyl-D- glucosamine et l'acide D- glucuronique.

HYALURONIQUE

 

Liaisons glycosidiques en b-1,4  entre les motifs disaccharidiques.

HYALURONIQUE2


Illustration 10

 

Acide acrylique :

ACRYLIQUE.gif

 

Polymérisation de l'acide acrylique :

POLYMACACRYLIQUE.gif


Annexe 1

 

Composition moyenne de l'urine humaine :

C'est un liquide jaune clair de pH compris entre 5,8 et 6,2

- Eau : 95%

- Composés organiques : environ 2%   

  • Urée (entre 10 et 35 g excrétés en 24h – concentration moyenne : 15000 µg/mL)

C'est le produit ultime du catabolisme azoté.

  • Créatinine (entre 0,5 et 2,5 g de créatinine excrétée en 24h – Concentration moyenne 1000 µg/mL).

CREATININE.gif

 La créatinine dérive de la créatine par déshydratation interne :

CREATINECREATININE.gif

Un amide phosphorique de la créatine, le phosphagène existe dans le tissu musculaire :

PHOSPHAGENE.gif

Le phosphagène constitue une réserve d'énergie pour la contraction musculaire.

 

  • Acide urique (entre 0,35 et 1 g excrété en 24h - Concentration moyenne 400 µg/mL).

C'est le terme final de l'oxydation de tous les dérivés puriques dans l'organisme humain.

UREE.gif

  • Acide hippurique

Ce composé étant une combinaison de l'acide benzoïque avec le glycocolle le plus simple des acides aminés, permet l'élimination de l'acide benzoïque de l'organisme humain :

HIPPURIQUE2

Son nom vient de ce qu'on le trouve dans l'urine des herbivores, particulièrement dans celle du cheval.

  • Urobilines (entre 0,2 et 3,5 g excrétés en 24h – Concentration moyenne 1250 µg/mL)

C'est le pigment jaune de l'urine. Les urobilines proviennent de l'oxydation de l'urobilinogène (lui-même provenant de la bilirubine) dans l'intestin ; une petite partie passe dans l'urine.

LBILIRUBINE.gif

l-urobiline

 

DUROBILINE.gif

d-urobiline

 

  • Protéines  (des traces)
  • Acides aminés (des traces)
  • Enzymes (des traces)
  • Hormones (des traces)
  • Vitamines (des traces)
  • Quelques globules rouges
  • Quelques globules blancs

 

            - Minéraux (sous forme ionique) :

  • Sodium : entre 3 et 7 g excrétés en 24h – Concentration moyenne 3300 µg/mL
  • Potassium : entre 2 et 4 g excrétés en 24h – Concentration moyenne 2000 µg/mL
  • Calcium : entre 0,1 et 0,4 g excrétés en 24h – Concentration moyenne 166 µg/mL
  • Magnésium

Pour les cations

 

  • Chlorures : entre 4 et 9 g excrétés en 24h – Concentration moyenne 4333 µg/mL
  • Sulfates
  • Carbonates
  • Phosphates

Pour les anions