OBTENTION D'UNE HUILE VEGETALE ALIMENTAIRE


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Plan de l'étude :

1) Caractéristiques communes à toutes les huiles végétales alimentaires

2) Obtention et raffinage éventuel d'une huile végétale

                2-1) Trituration

                2-2) Raffinage

                               2-2-1) Dégommage ou conditionnement acide

                               2-2-2) Neutralisation alcaline

                               2-2-3) Décoloration

                               2-2-4) Désodorisation

                               2-2-5) Winterisation ou frigélisation

3) Analyses des huiles – Paramètres de somme

4) Insaturation et santé

Annexe 1  Acides gras - glycérol – triglycérides

Annexe 2  Phospholipides – Glycérophospholipides – Lécithines

Annexe 3  Vitamine E

Annexe 4  Acide érucique

Annexe 5  Méthode de Wijs

Annexe 6  Les pigments chlorophylliens

Annexe 7  Stéroïdes et stérols

Annexe 8  Protocole normalisé pour détermination de l'indice de peroxyde d'une huile alimentaire


1) Caractéristiques communes à toutes les huiles végétales alimentaires :

(extraits partiels de "spécification technique n° E4-05 du 31 mars 2005 relative aux huiles végétales alimentaires")

On appelle huiles végétales, des corps gras fluides à la température de 15°C, extraits de plantes dites oléagineuses ; ce sont des substances de stockage dans les graines et les fruits ; on les obtient par pressage. Les olives (du grec elaia et du latin oliva), fruits de l'olivier (olea europaea), ont donné leur nom à l'huile (en allemand Öl, en anglais oil, en grec elaion, et en latin oleum). Ces huiles  sont essentiellement constituées de triglycérides (99%), eux-mêmes composés d’acides gras et de glycérol (voir annexe 1) ; le 1% restant se compose de lécithines (voir annexe 2), de lipides complexes, de constituants non triglycéridiques comme des stérols (voir annexe 7), des tocophérols (vitamine E, voir annexe 3), des alcools terpéniques, des phénols, des pigments, …

Pour une même espèce de plantes oléagineuses, la composition de l'huile varie beaucoup avec l'origine géographique, la variété, l'année de la récolte. Les chiffres figurant dans le tableau ci dessous reflètent cette variabilité naturelle.

 

Tableau donnant pour un certain nombre de corps gras d'usage courant la répartition en pourcentage des acides gras saturés et insaturés et de la vitamine E :

 

TABLEAU.gif

 ∑ : somme , Vitamine E (mg/100g) exprimée en équivalent α Tocophérol (voir annexe 3).

Remarque :  Le tournesol oléique est une huile différente de l'huile de tournesol classique ; elle contient davantage d'acides mono-insaturés (acide oléique essentiellement) ; d'ailleurs, pour la qualifier d'oléique une huile de tournesol doit contenir un minimum de 75% d'acides mono-insaturés.

2) Obtention et raffinage éventuel d'une huile végétale :

Lorsque l'on traite 100kg de graines de colza on obtient par pression : 41L d'huile brute et 62kg de tourteau, environ.
Lorsque l'on traite 100kg d'olives on obtient par pression environ 20L d'huile brute.

            2-1)Trituration

La première étape du procédé d'obtention d'une huile végétale est appelée trituration : le processus de trituration diffère selon la nature des graines traitées. Pour les graines riches en huile (tournesol, colza, par exemple), on procède d'abord à une étape de pression qui permet de récupérer une partie de l'huile, on extrait ensuite l'huile résiduelle grâce à un solvant organique, généralement l'hexane.

Pour les graines pauvres en huile (soja, par exemple), l'huile est directement extraite grâce à un solvant organique. Le miscella désigne le mélange d'huile et de solvant obtenu à l'issue de l'extraction ; il renferme 20 à 25% d'huile. Après filtration, le solvant est éliminé par distillation sous pression réduite.

Remarque :

L'huile obtenue simplement par pression à froid par une presse tournant lentement (pour éviter l'échauffement) puis centrifugation, puis décantation et filtration, sans ajout d'un additif quelconque est appelée huile vierge.

 

            2-2) Raffinage

(Extrait d'un document de l'ITERG (Institut des corps gras))

Le raffinage des huiles brutes a pour but de séparer de la matière noble, différentes "impuretés" ou composés "indésirables" afin d'obtenir une huile de qualité requise pour un bon usage et une bonne conservation et permettre sa transformation ultérieure éventuelle dans l'industrie agro-alimentaire.

Il s'agit de fournir, d'une part au consommateur une huile raffinée répondant à ses attentes (huile limpide, peu colorée, plate de goût et stable) et d'autre part, de garantir à l'industriel utilisateur une huile dont les spécifications sont conformes à un cahier des charges précis et complet.

Le raffinage est défini par la réglementation nationale : il a pour but de maintenir ou d'améliorer les caractères organoleptiques et la stabilité des corps gras alimentaires et constitue un traitement licite des graisses et huiles comestibles à l'exception des huiles vendues sous la dénomination "huile vierge de ….".

Pour atteindre cet objectif, différentes opérations physico-chimiques sont nécessaires, elles-mêmes définies par la réglementation qui précise les substances autorisées (auxiliaires technologiques) pour leur mise en œuvre et, pour certaines d'entre elles, une limite maximale de résidu dans les corps gras raffinés.

Le raffinage se compose classiquement des opérations de

            - dégommage (ou conditionnement acide)

            - neutralisation chimique

            - décoloration

            - désodorisation

et dans certains cas de

            - frigélisation ou "winterisation".

 

                        2-2-1) Dégommage ou conditionnement acide

Cette opération permet l'élimination des glycérophospholipides (voir annexe 2), facteurs d'instabilité qui tendent à troubler l'huile et induisent des colorations lors de son chauffage.

Pour certaines huiles, un premier dégommage (ou démucilagination) peut être préalablement réalisé à l'eau. L'huile brute chauffée à 80°C reçoit un ajout d'environ 3% d'eau avant de passer dans un mélangeur rapide suivi d'un contacteir lent avant centrifugation : cette technique est employée en particulier pour l'huile de soja. Les gommes sont récupérées à la centrifugation et peuvent être valorisées après séchage ; on obtient ainsi la "lécithine"brute.

Pour des huiles brutes moins riches en phospholipides (colza, tournesol, arachide), on ne cherche pas à les récupérer spécifiquement par centrifugation ; on parle dans ce cas d'une étape de conditionnement des mucilages qui se fait généralement par chauffage de l'huile à 60-80°C, addition de 0,1 à 0,3% d'acide phosphorique à 75%, passage dans un mélangeur rapide puis dans un contacteur lent ; le mélange est ensuite envoyé à l'étape de neutralisation.

L'acide phosphorique est de loin l'acide le plus employé industriellement à cette étape ; on utilise aussi l'acide citrique.

Remarque : Les phospholipides constituent la partie essentielle des mucilages. Certains précipitent en milieu neutre d'autres en milieu acide, ce qui explique les traitements que l'on vient de décrire.

                        2-2-2) Neutralisation alcaline

Les graines ont tendance à s'acidifier si on les conserve.

Cette étape permet donc essentiellement d'éliminer les acides gras libres ainsi que divers composés résiduels (phospholipides, composés de nature protéique, etc.).

Le procédé traditionnel comprend les phases suivantes : addition d'une solution de soude, mélange, séparation par centrifugation, lavages à l'eau, séparation puis séchage sous vide.

Le procédé génère des pâtes de neutralisation et des eaux de lavage qu'il faut pré-traiter avant rejet. La quantité de soude à employer est calculée à partir de l'acidité de l'huile exprimée le plus souvent en acidité oléique ou palmitique ; ainsi par exemple, pour une tonne d'huile d'acidité oléique de 1% (qualité moyenne), il faut environ 10 kg de lessive de soude à 166,7 g/litre.

                        2-2-3) Décoloration

Il faut éliminer les pigments (pigments chlorophylliens, caroténoïdes, composés phénoliques…) et pour cela traiter l'huile, pendant 20 à 30 minutes,  par une terre activée (bentonite : une argile de formule (Al,Mg)8(Si4O10)4(OH)8,12H2O) activée par chauffage avec un acide minéral fort ) vers 80°C ou 90°C en agitant sous azote ou sous vide pour éviter l'oxydation. On filtre ensuite.

            - Les pigments chlorophylliens (chlorophylles et phéophytines) (voir annexe 6) nuisent à la stabilité des huiles car ils favorisent leur oxydation à la lumière (photo-oxydation) et entraînent leur rancissement (modification en conséquence de leurs propriétés nutritionnelles, organoleptiques et de leur couleur) ; ils sont présents par exemple dans une huile d'olive vierge extraite d'olives mûres à raison de 1 à 10 mg par kg d'huile pour les chlorophylles A et B et 0,2 à 24 mg par kg d'huile pour les phéophytines A et B, la phéophytine A étant le pigment chlorophyllien le plus représenté ("Mise au point sur le rôle des pigments chlorophylliens dans la photo-oxydation de l'huile d'olive vierge" M. Rahmani Enseignant chercheur à Rabat Maroc).

Les chlorophylles donnent aux huiles une couleur verte et les phéophytines une couleur vert brun.

Les réactions de photo-oxydation sont nombreuses et complexes et il a été montré que les pigments chlorophylliens jouent incontestablement un rôle photosensibilisateur :

PHOTOX1.gif

L'oxygène triplet est l'oxygène dans son état habituel.

L'oxygène singulet, plus actif, réagit directement par addition sur chaque carbone de la double liaison de l'acide gras insaturé de l'huile pour donner des hydroperoxydes

HUILESOX3.gif

 

ou bien

HUILESOX4.gif

Ces hydroperoxydes sont instables et peuvent se décomposer en donnant des radicaux, des peroxydes et des composés volatils ( aldéhydes volatils, cétones, hydrocarbures) à faible masse moléculaire, à odeur forte, à l'origine du rancissement de l'huile. Il y a aussi dégradation des vitamines E et A et certains composés de dégradation sont suspectés d'avoir une toxicité potentielle (furanes ou 4-hydroxynon-2-énal …).

FURANNE.gif

NONENAL.gif

Furane

4-hydroxynon-2-énal

Remarque :

Outre la photo-oxydation qu'on peut limiter en conservant les huiles dans des flacons bruns (ce qui limite la traversée du flacon par les rayons lumineux) il existe une autre cause de dégradation de l'huile : l'auto-oxydation.

C'est un phénomène d'oxydation radicalaire en chaîne :

Un radical hydroxyle HO* présent naturellement dans l'atmosphère réagit avec une molécule d'huile LH, lui arrache un radical hydrogène ; LH devient L* qui en présence d'oxygène triplet donne un radical LOO* ; celui-ci réagissant sur une nouvelle molécule d'huile LH conduit à L* et LOOH (hydroperoxyde) ; la réaction en chaîne peut se poursuivre comme on le voit sur le schéma ci-dessous ; mais l'hydroperoxyde peut aussi subir une rupture homolytique au niveau de la liaison O-O pour donner un nouveau radical LO* ; celui-ci réagissant sur une nouvelle molécule d'huile va conduire à un alcool et un radical L* et la réaction en chaîne peut également se poursuivre.

REDUCO9.gif

            - Les caroténoïdes –  Les tocophérols - Les composés phénoliques et polyphénoliques

Ils communiquent leur couleur aux huiles mais contrairement aux chlorophylles et aux phéophytines, ces composés ont des propriétés anti-oxydantes et sont donc des facteurs favorables à la conservation de ces huiles :

·       Caroténoïdes

Certains d'entre eux sont des provitamine A, c'est-à-dire qu'ils se transforment dans l'organisme en vitamine A

VITA

c'est le cas du β-carotène

ALPHACAROTENE.gif

Le potentiel antioxydant de la vitamine A a été décrit la première fois par Monaghan et Schmitt deux chimistes qui en 1932 montrèrent qu'elle inhibait l'oxydation de l'acide linoléique (empêchait son rancissement).

Le mécanisme d'action de cette activité antiradicaux est la suivante :

VITAANTIOX.gif

Les radicaux LOO* sont neutralisés.

 

·       Tocophérols (Vitamine E)

La vitamine E stoppe le mécanisme de propagation de la chaîne d'oxydation en réduisant les intermédiaires radicalaires.

VITEANTIOX.gif

 

·       Composés polyphénoliques

Les polyphénols qui existent naturellement dans les huiles végétales sont aussi des anti-oxydants capables de piéger les radicaux tels que le radical hydroxyle HO* présent dans l'atmosphère et capable d'initier une réaction en chaîne d'oxydation des molécules d'huile comme cela a été décrit plus haut ; ainsi avec le catéchol :

ODIPHENOL.gif

                       2-2-4) Désodorisation

Il s'agit au cours de cette étape d'éliminer des composés d'origine oxydative.

           - L'oxygène dissous dans l'huile est éliminé par chauffage sous pression réduite.

           - On procède à un préchauffage par échange thermique avec l'huile chaude.

           - La désodorisation se fait par entraînement à la vapeur d'eau à température élevée (de 220°C à 275°C) sous faible pression (de 260 à 800Pa) et pendant un temps relativement long (de 90 à 180 minutes).

La formation d'acides gras "trans" au cours de cette opération a lieu mais elle est faible et maîtrisée.

Remarque : il peut y avoir réapparition ultérieure de composés d'oxydation qu'on limite en éliminant par chélation (ajout d'une faible quantité d'acide citrique dans l'huile désodorisée et partiellement refroidie à 120°C) des métaux susceptibles de catalyser les réactions d'oxydation des huiles lors de leur stockage. On élimine les métaux chélatés par filtration (10-15µm). (Thèse de M. Philippe EVON 28 avril 2008 –Laboratoire de chimie Agro-Industrielle 31077- Toulouse Cedex 04)

                              2-2-5) Winterisation ou frigélisation

La winterisation est un raffinage à froid (on refroidit l'huile pout faire précipiter les cires notamment).
La winterisation est un procédé purement physique, une forme simplifiée du fractionnement. Les parts de l’huile les plus liquéfiables sont séparées de la masse principale. Ce procédé permet d’éviter l’aspect trouble de l’huile en lui enlevant les flocons (essentiellement des cires, qui sont la fraction de triglycérides à haut point de fusion) et ainsi elle reste claire, même au réfrigérateur. Le nom de winterisation provient du fait qu'autrefois, l’huile récoltée en hiver était laissée au repos jusqu’à ce que l’huile claire, winterisée se dépose. L’utilisation de ce procédé est limitée aux huiles ayant une teneur relativement basse en acides gras libres (FFA : Free Fatty Acids), sinon la perte d’huile serait trop importante. La winterisation est surtout utilisée pour la fabrication d’huiles de tournesol, mais aussi de colza ou de sésame ; elle n'est pas autorisée pour l'huile d'olive.

(Informations relevées sur le site de la société Florin S.A).

 

3) Analyses des huiles – Paramètres de somme

L’analyse des huiles est délicate car elles sont constituées de substances semblables que l’on peut difficilement dissocier et purifier. Les trois acides gras constituant une huile peuvent être différents. Les différences dépendent de l’origine et du climat. Il existe une méthode analytique pour ces huiles, la chromatographie en couche mince, mais elle n’est pas suffisamment précise.

 

Transestérification

Pour déterminer la nature des acides gras on recourt à une transestérification avec du méthanol :

ALCOOLYSE

Les méthyl-esters d’acides gras qui en résultent sont isolés par chromatographie en phase gazeuse et comparés à des substances de référence.

La transestérification provoque la séparation des composantes d'une molécule sous l'effet d'un alcool. On peut remarquer une analogie avec l'hydrolyse, c'est pourquoi la transestérification porte aussi le nom plus explicite d'alcoolyse.

Remarque :

La transestérification de l’huile de colza s’effectue à échelle industrielle pour produire du biodiesel. Mais celui-ci peut aussi être produit à partir d’autres huiles et d’autres matières grasses.

 

Paramètres de somme

En raison des difficultés analytiques on ne s’intéresse qu’à des paramètres de somme (globaux) aisés à déterminer. On utilise des procédés normalisés, afin d’obtenir des valeurs comparables.
           - L’indice d’acide (IA) correspond à la masse (en mg) d’hydroxyde de potassium (KOH) qu’il est nécessaire d’utiliser pour neutraliser 1 g de l’échantillon d'huile testé ; ce sont les acides libres qui sont ainsi neutralisés. La présence d’acides libres dans les huiles compromet la conservation et la stabilité de celles-ci lors de leur chauffage.

Remarque : Lorsqu’on les chauffe, par exemple en faisant rôtir ou frire des aliments, de la fumée se forme au-delà d’une certaine température, c’est-à-dire qu’une décomposition intervient. Ce point de fumée ne devrait pas être dépassé :

Huile d'arachide (non raffinée)

 160°C

Huile d'arachide (raffinée**)

 232° C

Huile d'arachide (saturée*)

 230° C

Huile de palme

 220°C

Huile de colza (pressée à froid)

 130 - 190° C

Huile d'olive (pressée à froid)

 130 - 175°C

*) hydrogénée
**) purifiée

           - L’indice de saponification (IS) indique la quantité d’acides libres et liés contenus dans 1 g de matière grasse ; on appelle indice de saponification la masse (en mg) de KOH nécessaire pour saponifier 1g du corps gras. Plus la masse molaire d’un corps gras est faible, plus son indice de saponification est élevé.
           - L’indice d’ester (IE) correspond à la différence entre l’indice de saponification et l’indice d’acide.

Remarque : Lors de la saponification il y a, la plupart du temps, un reliquat insaponifiable (de l’ordre de 0,2 à 0,3 %). Il s’agit de phytostérols et de tocophérols. Les tocophérols, également connus sous le nom de vitamine E, ont d’importantes propriétés antioxydantes. Ce groupe de substances joue d’autre part un rôle dans la conservation des huiles. Les tocophérols (α, β et γ) sont autorisés comme additifs alimentaires sous l’appellation E307, E308 et E309. Souvent on ne peut distinguer les huiles que par la nature de leurs parties insaponifiables.
           - L’indice d’iode (Ii)

Pour déterminer le degré d'insaturation d'un corps gras, en l'occurrence d'une huile, c'est-à-dire le nombre de doubles liaisons C=C que renferment ses molécules, on utilise l'indice d'iode noté Ii.

Ii correspond à la masse d'halogène exprimée en grammes, calculée en I2, fixé sur les doubles liaisons de 100g de corps gras. Comme le diiode se fixe très lentement sur les doubles liaisons, on utilise le chlorure d'iode (réactif de Wijs) qui réagit plus facilement. C'est la méthode de Wijs (voir annexe 5).

Quelques valeurs

Huile de palme

12-14

Huile d'olive

79-92

Huile de tournesol

109-120

Huile de lin

170-190

           - L’indice de peroxyde (IP) indique la quantité de peroxyde qui apparaît lors de l’oxydation des graisses. L’oxygène de l’air forme sur le groupe CH2 voisin d’une double liaison un groupe hydroperoxyde OOH. L’indice de peroxyde est la quantité totale de peroxydes exprimée en millimoles d’oxygène actif (c'est-à-dire issu de la fonction hydroperoxyde) par kg de graisse dans l’échantillon, qui oxyderait l’iodure de potassium dans des conditions particulières d’analyse (voir annexe 8). L'indice de peroxyde maximal recommandé pour les huiles non raffinées est de 20 mmol/kg.

           - L'indice d'anisidine

On comprend aisément que des acides gras polyinsaturés soient plus sensibles à l’oxygène que des acides gras monoinsaturés. La liaison O-O conduit facilement à deux radicaux qui, par des réactions ultérieures, peuvent entraîner une polymérisation en résine (huiles siccatives). Dans des cas simples se forment des aldéhydes à l’odeur intense.
L’humidité dans l’huile favorise l’apparition de microbes qui, entre autres, dissocient les acides gras, dont les termes inférieurs comme par exemple l’acide butyrique, ont une forte odeur. Les huiles anciennes sont dites rances, du latin rancidus, malodorant.

L'indice d'anisidine prend en compte les composés aldéhydiques non volatils qui se forment par évolution des peroxydes. C'est l'ensemble indice de peroxyde et indice d'anisidine qui permet d'avoir une idée précise de l'état d'oxydation d'une huile en rendant compte à la fois des peroxydes qu'elle contient et des aldéhydes non volatils résultant de l'évolution des peroxydes.

On fait réagir l'huile sur la para-anisidine en milieu acide :

ANISIDINE

L'imine obtenue absorbe vers 350 nm. A cette longueur d'onde, l'absorbance est proportionnelle à la concentration de l'imine (Loi de Beer-Lambert), elle-même proportionnelle à la quantité d'aldéhyde ayant réagi. On établit au préalable une courbe d'étalonnage avec des quantités connues d'aldéhyde.

 

Deux exemples : résultats d'analyse de deux huiles

 

HUILE11.jpg

HUILE13.jpg

Analyse d'une huile d'olive vierge

Analyse d'un mélange d'huile d'olive vierge et d'huile d'olive raffinée

 

4) Insaturation et santé

Après un repas les molécules de triglycérides sont hydrolysées et les produits d'hydrolyse sont absorbés au niveau de l'intestin puis exportés dans le sang par des lipoprotéines. La lipoprotéine lipase libère les acides gras qui pénètrent dans les cellules de différents tissus (hépatique, musculaire, adipeux …).

Les acides gras ont des rôles nombreux et souvent essentiels dans l'organisme humain. Ils interviennent comme pourvoyeurs d'énergie, mais aussi comme éléments structuraux de base des membranes biologiques.

Les médecins spécialistes de l'alimentation, ont mis en évidence l'influence du régime lipidique sur l'apparition ou le développement de certaines pathologies, notamment les maladies cardio-vasculaires :

v  les ω 6 (la première double liaison est positionnée à 6 carbones de l'extrémité opposée au –COOH et appelée carbone ω) dont le précurseur est l'acide linoléique LA  (18 : 2   n-6) :

LA

parmi eux, l'acide arachidonique

ARACHIDONIQUE.gif

v  les ω 3 (la première double liaison est positionnée à 3 carbones de l'extrémité opposée au –COOH) dont le précurseur est l'acide linolénique ALA  (18 : 3   n-3) :

ALA

La série des ω 3 semble avoir un rôle antithrombique (contre la formation de caillots sanguins) et antiathérogène (contre la dégénérescence des parois internes des artères). De plus, ils semblent importants pour le développement du système nerveux, des cellules de la rétine et pour la croissance.

On trouve ces oméga 3 dans différentes huiles végétales naturelles (huile de colza notamment, pourpier, noix, graines de lin...),

Les acides linoléiques et linoléniques sont appelés acides gras indispensables ; ils doivent être apportés à l'homme par l'alimentation car ils ne peuvent pas être synthétisés par les organismes du règne animal.

 

Les acides gras ont tous des doubles liaisons de configuration cis ; quelques-uns seulement ont au moins une double liaison trans on les appelle les acides gras trans ; ils peuvent avoir :

           - une origine naturelle :

La rumination des bovins et des ovins par exemple conduit à des réactions enzymatiques qui peuvent entraîner la formation d'acides gras trans qui se retrouvent dans le lait, la viande et les produits d'origine laitière ; en même temps a lieu une biohydrogénation dite ruminale qui aboutit à un acide gras saturé.

Exemple : L'acide linoléique se transforme en acide stéarique

ACGRAS4

           - une origine industrielle :

On procède parfois à une hydrogénation partielle des huiles pour les transformer en margarines ; en effet, la forte teneur en acides gras insaturés de ces huiles ne permet pas une consistance optimale. Cette opération conduit à un durcissement de la matière, mais aussi à l'apparition d'acides gras trans qui se forment par isomérisation lors de l’hydrogénation. Ils sont en quantité variable selon l'huile utilisée, la nature du catalyseur et les conditions opératoires.

La transestérification des huiles au lieu de l'hydrogénation partielle pour fabriquer les margarines conduit à une formation moindre d'acides gras trans.

Le taux d'acides gras trans peut varier de 1 à 2% pour les margarines ménagères de formulation récente à 40 à 60% pour les margarines destinées aux industries alimentaires.

D’après une étude menée à l’Ecole Polytechnique Fédérale (ETH) de Zurich, ces acides gras trans augmentent le risque d’affections cardio-vasculaires. On les tient aussi pour responsables de l’obésité. Au Danemark, la teneur en acides gras trans a été limitée à 2 % dans les matières grasses alimentaires ; l’Allemagne a instauré une limitation identique en 2008. L’acide gras trans, formé à partir de l’acide oléique est appelé acide élaïdique

ELAIDIQUE

Les traitements thermiques des huiles conduisent aussi à la formation d'acides gras trans ; c'est ainsi que l'étape, qui a été mentionnée plus haut, de désodorisation des huiles lors du raffinage y conduit faiblement.

 

           - une origine ménagère :

La cuisson, les fritures, les grillades génèrent des acides gras trans.

 

En résumé, tous les acides gras sont importants pour l'organisme ; cependant

·       Les acides gras insaturés apportent une plus grande fluidité aux membranes cellulaires et facilitent de nombreux processus comme la transmission de l'influx électrique cardiaque ou des neurotransmetteurs au niveau des synapses du cerveau.

·       Les acides gras saturés, eux, (12,14 ou 16 carbones) augmentent la production du LDL-cholestérol et diminuent le nombre et l'activité des récepteurs chargés de réguler le taux de ce LDL dans le sang en en éliminant l'excès…D'où une accumulation de ce composé dans le sang. Les acides gras insaturés augmentent aussi la production du LDL-cholestérol mais ils augmentent parallèlement le nombre et l'efficacité des récepteurs d'où une diminution du taux de cholestérol LDL dans le sang.

Un taux élevé de LDL-cholestérol favorisant les maladies cardio-vasculaires, on comprend que les acides gras poly-insaturés (ω 3, ω 6) diminuent les risques d'avoir ces maladies.

Remarques :

 

 


Annexe 1

Acides gras - glycérol – triglycérides

                - Acides gras

Ce sont des acides carboxyliques saturés ou insaturés, à chaîne linéaire (donc non ramifiée) dont les plus importants contiennent de 12 à 22 atomes de carbone.
Les acides gras naturels ont des chaînes à nombre de carbones pair (une exception notable pour l'acide isovalérianique ou acide phocénique que l'on rencontre sous forme d'ester du glycérol dans les huiles de dauphin et de marsouin), qui peuvent comporter jusqu'à 6 doubles liaisons en position malonique (toujours espacées de 3 carbones =CH-CH2-CH=) et de configuration cis (Z).

 

Ils peuvent être désignés en donnant

                - leur nombre de carbones

                - leur nombre de doubles liaisons

La chaîne étant numérotée à partir du carbone qui porte la fonction acide carboxylique, la place d'une double liaison est notée Dn, n étant le numéro du premier carbone de la double liaison.

Enfin, on peut indiquer la configuration cis (Z) ou trans (E) au niveau de la double liaison.

Exemple : Acide oléique        C18H34O2        18:1        D9 c     

18 pour le nombre de carbones total de la chaîne ; 1 pour le nombre de doubles liaisons ; c pour  cis.

OLEIQUE2 

Sa nomenclature systématique étant : acide cis- D9 – octadécènoïque

 

Leur origine naturelle, les corps gras, a donné à cette classe de composés son nom.

Quelques molécules d'acides gras :

TABLEAU5

                - Glycérol

Trialcool (propane-1,2,3-triol)

GLYCEROL.gif

Substance visqueuse, incolore, inodore, à goût sucré soluble dans l'eau en toutes proportions.

Glycérol vient du grec glukeros (sucré).

                - Triglycérides

Ce sont des esters d'acides gras et de glycérol.

Les trois fonctions alcool du glycérol sont estérifiées (si l'acide gras est le même on parle de triglycéride homogène).

Un exemple de triglycéride homogène : la tristéarine

TRISTEARINE


Annexe 2

Phospholipides – Glycérophospholipides – Lécithines

Les phospholipides ou phosphatides représentent une classe importante de lipides ; ils sont constitués de deux sous-ensembles :

                - Les glycérophospholipides

Ce sont des dérivés du glycérol dont deux fonctions alcool sont estérifiées par des acides gras et la troisième par de l'acide phosphorique. Celui-ci a une seconde fonction acide estérifiée par un amino-alcool dont la fonction amine est quaternaire. Suivant la nature de l'amino-alcool on distingue les

·         Phosphatidylcholines : l'amino-alcool est la choline ; c'est à ce groupe qu'appartiennent les lécithines

 PHOSPHOLIPIDE.gif

Dans la lécithine d'oeuf, l'acide R1-COOH est souvent l'acide oléique ou l'acide linoléique (deux acides non saturés), tandis que R2-COOH est saturé (acide stéarique ou acide palmitique).

La lécithine du soja par exemple est un émulsifiant naturel qui permet la solubilisation des corps gras dans le sang, en particulier le cholestérol estérifié, empêchant leur dépôt sur les parois des artères (athérosclérose). Les phospholipides présents dans le soja entrent dans la composition des cellules nerveuses du cerveau; ils apportent le phosphore qui leur est indispensable.
Les lécithines sont utilisées comme additifs alimentaires (émulsifiants) et désignées par E322.

·         Phosphatidylcolamines : l'amino-alcool est la colamine (ou éthanolamine)

·         Phosphatidylsérines : la seconde fonction acide de l'acide phosphorique estérifie la fonction alcool de la sérine.

·         Inositolphosphatides : la seconde fonction acide de l'acide phosphorique estérifie une des fonctions alcool de l'inositol.

           

            - Les sphingophospholipides

Au lieu du glycérol, c'est la sphingosine

SPHINGOSINE.gif

dont la fonction amine est transformée en amide par un acide gras, et une fonction alcool est "estérifiée" par la phosphorylcholine (acide phosphorique dont l'une des fonctions acides a réagi avec la choline).



Annexe 3

Vitamine E

C'est un mélange de substances de structures voisines, les tocophérols α, β, γ, d.

Elle se présente comme une huile épaisse ; elle n'est pas ou peu métabolisée dans l'organisme. On la trouve dans les huiles de germes de blé, de céréales en général, de tournesol, de colza ….

C'est une vitamine liposoluble.

ALPHATOCO.gif

BETATOCO.gif

Alpha-tocophérol

Bêta-tocophérol

GAMMATOCO.gif

GTOCOPHEROL.gif

Gamma-tocophérol

Delta-tocophérol

 

C'est la molécule de γ-tocophérol qui est biologiquement la plus active mais c'est la molécule d'α-tocophérol qui est la plus abondante.


Annexe 4

 

Acide érucique ou acide (Z)-docos-13-ènoïque

ERUCIQUE.gif

C22H42O2
22:1(13)
ω-9

Acide éliminé des huiles comestibles car soupçonné d'être cancérigène il est utilisé pour les lubrifiants, les adoucissants textiles, les antimoussants et les peintures.
L'huile de moutarde en contient une quantité importante (40 à 50%).


Annexe 5

Méthode de Wijs de détermination de l'indice d'iode d'une huile :

Principe de la méthode :

On introduit une quantité de réactif de Wijs en excès avec une masse d'huile connue avec précision.

Composition du réactif de Wijs : chlorure d'iode ICl en solution dans de l'acide acétique pur (en réalité c'est une solution, dans l'acide acétique pur, de diiode et de trichlorure d'iode qui réagissent pour donner ICl selon l'équation I2 + ICl3 = 3ICl).DANGER. Manipuler sous la hotte, le port des gants et des lunettes de protection est obligatoire.
Ce réactif s'additionne quantitativement sur les insaturations selon la réaction :
WIJS1
Le réactif de Wijs qui n'est pas fixé sur les doubles liaisons est détruit lors de l'addition d'une solution d'iodure de potassium pour former du diiode I2, selon la réaction :
I-Cl + I- = I2 + Cl-
Le titrage du diiode formé, par une solution connue de thiosulfate, permet de connaître la quantité de matière d'I-Cl.
Rappel :
WIJS2
On réalise :

Par différence on détermine la quantité de diiode qui a réagi.
Ce type de dosage est appelé titrage en retour ou indirect.

Vers le mode opératoire


Annexe 6

Les pigments chlorophylliens

                - Les chlorophylles

On distingue les chlorophylles A,B,D qui diffèrent par la nature des substituants X et Y :

CHLOROPHYLLE.jpg

A : X = CH=CH2     Y = CH3

B : X = CH=CH2     Y = CHO

D : X = CHO          Y = CH3

                - les phéophytines

Ce sont des molécules de chlorophylle sans l'atome central de magnésium.

On distingue comme pour les chlorophylles 3 phéophytines :

A (ou α), B (ou β) et D (ou d).C'est la A qui est la plus commune.

Ces molécules sont impliquées dans la photosynthèse au même titre que les chlorophylles correspondantes.

PHEOPHYTINE.gif

A : X = CH=CH2     Y = CH3

B : X = CH=CH2     Y = CHO

D : X = CHO          Y = CH3


Annexe 7

Stéroïdes et stérols

On désigne généralement par stéroïde, un composé comportant le squelette carboné du stérane (cyclopentanophénanthrène hydrogéné) :
STEROIDES2.gif
Cela revient à dire que l'on trouve 3 cycles de type cyclohexane accolés comme dans le phénanthrène, et généralement de manière trans (A,B,C), et un cyclopentane (D).

Les stérols sont des stéroïdes qui se caractérisent par la présence d'un groupe hydroxyle (-OH) sur le carbone C3 ; un exemple de stérol, le cholestérol

STEROIDES3.gif

Les phytostérols (stérols d'origine végétale) que l'on trouve par exemple dans l'huile de tournesol sont

                - Le β-sitostérol

SITOSTEROL.gif 

Le plus abondant des phytostérols ; Sa structure ne diffère de celle du cholestérol que par la présence d'un groupement éthyle sur le carbone n°24.

                - Le stigmastérol

STIGMASTEROL

 Sa molécule ne diffère de celle du β-Sitostérol, que par la présence d'une double liaison en C(22)-C(23).

                - Le campestérol

CAMPESTEROL.gif

 

Sa molécule ne diffère de celle du cholestérol, que par la présence d'un groupement méthyle sur le carbone n°24.


Annexe 8

Protocole normalisé pour détermination de l'indice de peroxyde d'une huile alimentaire (Extrait du sujet de l'Agrégation interne de sciences physiques 2007. Solution à la composition de chimie)

" Dissoudre 5 g d'huile dans 30 mL d'un mélange acide éthanoïque/chloroforme. Ajouter 0,5 mL d'une solution saturée d'iodure de potassium (0,9 mol.L-1). Agiter modérément pendant 1 minute et verser 30 mL d'eau distillée. Titrer la solution obtenue par une solution de thiosulfate de sodium à 0,01 mol.L-1sous agitation vigoureuse. Continuer l'agitation jusqu'à disparition quasi complète de la couleur. Ajouter alors 1 mL d'indicateur d'iode (empois d'amidon) et poursuivre le titrage jusqu'à disparition de la couleur bleue."

 

Les équations rédox mises en jeu au cours de ce dosage sont :

EQ1

EQ2


EQ3

 

et

 

EQ4

EQ5


EQ6

 

Il s'agit d'un dosage indirect. On met un excès d'ions iodure. Le diiode formé après réaction d'une partie de ces ions est dosé par la solution de thiosulfate de concentration connue.

D'après les équations de dosage (1) et (2) on peut écrire :

EQ7

 

Chaque fonction hydroperoxyde possédant 2 atomes d'oxygène, on a de plus :

EQ8

Soit finalement :

EQ9    en mol pour 5 g d'huile

 

L'indice de peroxyde est donc :

EQ10

 

Application numérique :

                - Avec Véq = 1,2 mL = 1,2.10-3 L on trouve un IP de 2,4

                - Avec Véq = 10,6 mL = 10,6.10-3 L on trouve un IP de 21,4 c'est-à-dire supérieur à l'indice maximal recommandé.