LES ENCRES

Gérard GOMEZ


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Plan de l'étude :

 

·         Des généralités

·         Quelques colorants, solvants, liants et additifs

·         L’imprimerie – Ses encres

·         L’impression numérique 

·         Stylos à bille, à plume ; marqueurs

·         L’encre de Chine

·         Quelques encres particulières

·         Les encres et la sécurité alimentaire

·         Les encres ferrogalliques et le papier


L’encre est liée au dessin et à l’écriture. Dès que l’homme, il y a plus de cinq mille ans, a éprouvé le besoin de transmettre à distance un message et de le conserver, il a cherché à écrire ; écriture pictographique ou idéographique d’abord, puis syllabique, puis alphabétique. Pour cela il a gravé en utilisant un objet dur et aiguisé, ou bien, il a fait une trace sur une surface en utilisant de la terre, puis du bois calciné…. Pour rendre plus aisé le graphisme il a cherché à obtenir une pâte ou un liquide laissant une trace…..L’encre était née.

 

Des généralités

 

-       Définition : Une encre est une solution, une suspension ou une pâte, colorée, qui sert à écrire, à dessiner ou à imprimer ; cette définition, très générale, correspond à une multitude de préparations. On donne également le nom d’encre au liquide foncé que projettent les céphalopodes (calmars, seiches….) pour se protéger en cas de danger.

 

-       Composition : D’une façon générale on trouve dans une encre :

·         Un colorant : c’est une substance souvent solide, en solution ou en suspension (on parle alors de pigment), qui lui donne sa couleur.

·         Un solvant qui va dissoudre le colorant lorsqu’il ne s’agit pas d’un pigment.

·         Un liant : qui n’existe pas toujours et dont les fonctions sont de maintenir le pigment en suspension et/ou de donner à l’encre une certaine viscosité, ainsi que de permettre la fixation du pigment sur le support.

·         Des additifs qui ont des rôles très variés : ils peuvent donner à l’encre sa brillance, ou l’aider à sécher plus ou moins vite, etc….

Les substances qui accompagnent le colorant portent le nom de véhicule.

 

-       Deux grandes catégories d’encre : On distingue :

·         Les encres liquides dont la substance colorante est dissoute dans de l’eau ou un solvant organique. Elles sont surtout utilisées en imprimerie (héliographie et flexographie), dans les imprimantes à jet d’encre, les stylos à plume ou à bille et certains types de marqueurs.

·         Les encres grasses dont la substance colorante est un pigment que l’on disperse dans un liant dans lequel il est insoluble ; ce sont essentiellement les encres d’imprimerie (offset, typographie) et certains types de marqueurs.

 

-       Les caractères d’une encre : Les principaux caractères d’une encre dépendent du type de marquage auquel elle est destinée, mais on peut dégager des caractères communs qui sont : l’éclat de sa couleur et la tenue de celle-ci dans le temps à la lumière, sa viscosité, son adhérence au support et son temps de séchage. Les encres pigmentaires résistent mieux à la lumière que les encres à solvant.

 

-       Le support d’une encre : Le support qui va recevoir de l’encre conditionne la composition de celle-ci. Il ne doit pas, par exemple, y avoir de réaction chimique entre l’encre et le support ; de plus, une encre que l’on dépose sur une surface lisse (film plastique, papier lisse) n’est pas préparée de la même façon que celle destinée à une surface absorbante (textile, carton).

 

-       Le vecteur : Le vecteur d’une encre va aussi influencer sa composition ; une encre de stylo à bille est différente de celle d’un stylo à plume ou de celle qui est projetée par la buse d’une imprimante à jet d’encre.

 

-       Un exemple historique : Au Moyen-Âge, où le vecteur était une longue plume d’oiseau (penne) dont l’extrémité était chauffée pour être durcie puis taillée, l’encre la plus utilisée se composait d’un mélange de  tanins (composés phénoliques) contenus dans la noix de galle de chêne, d’eau et de vin ou d’eau de vie qui servaient de solvants ( l’éthanol contenu dans le vin ou l’eau de vie favorisait la dissolution des tanins), de gomme arabique (extraite des acacias et notamment de l’Acacia senegal qui est un mimosa) qui servait de liant en augmentant la viscosité de la préparation, d’un sel métallique (sulfate de cuivre ou sulfate de fer(II)) et un peu de sucre candi pour un rendu brillant. Le mélange sulfate de fer(II) tanin donnait un tannate de fer(II) peu coloré ; sous l’action de l’air il y avait oxydation et formation de tannate de fer (III) de couleur marron foncé. La couleur de l’encre assez peu visible lors de l’application s’intensifiait peu à peu. Ces encres ont été utilisées assez longtemps (voir annexe 14) et on ajoutait souvent du noir de fumée pour la rendre plus visible. 

 

Quelques colorants, solvants, liants et additifs

 

-       Les colorants : Ce sont la plupart du temps des solides très finement divisés (moins d’un micromètre en général), une grande majorité de produits organiques mais aussi quelques substances non organiques, parmi lesquelles :

·         Les noirs de carbone pulvérulents à haut pouvoir colorant et fort pouvoir adsorbant (black carbon) et qui constituent d’excellents pigments noirs.

·         Le trioxyde de fer (III), Fe2O3, finement broyé, comme pigment rouge.

·         Les oxydes de titane ou d’aluminium pour les pigments blancs.

 

Parmi les molécules organiques :

·         Un colorant noir soluble dans l’eau, utilisé dans les encres pour stylos à plume et certains feutres : nigrosine B ou acid black 2 ou encore acide black 1 (voir annexe 1).

·         Un colorant noir soluble dans l’éthanol et utilisé dans les encres pour stylos à billes, les papiers carbone et les rubans encreurs : nigrosine ou solvent black 5 (voir annexe 1).

·         Un des pigments bleus, utilisé dans les encres d’imprimerie : le cyan 15 :1 (phtalocyanine de cuivre (II)), très résistant à la lumière (voir annexe 2).

·         Le pigment rouge 170 ou le pigment rouge 57-1, des azoïques (voir annexe 3), également utilisés en imprimerie.

·         Idem pour le pigment jaune12 (voir annexe 3) :

 

-       Les solvants : Il en existe deux types,

·         Ce sont pour la plupart des solvants dits pétroliers (non aromatiques) c’est-à-dire résultant de la distillation des pétroles et correspondant à des fractions moyennes. On trouve aussi des alcools, des esters, des glycols.

·         Le solvant peut-être l’eau que l’on essaye de privilégier quand cela est possible dans un souci de protection de l’environnement et de la santé du consommateur, mais la principale difficulté est la lenteur de l’évaporation de l’eau comparée à celle des solvants organiques.

 

-       Les liants : appelés vernis dans l’imprimerie, sont des résines qui formeront une fois le colorant ou le pigment placé sur le support, un film protecteur ou décoratif ; ce sont des polymères acryliques (des dérivés de l’acide acrylique CH2=CH-COOH), vinyliques ( polymères dérivant de molécules renfermant le groupement vinyle CH2=CH-), phénoliques (résultant de la polycondensation d’un phénol avec une autre molécule, par exemple un aldéhyde), des polyuréthanes mais également des polymères époxydes, …., mis en solution, à chaud (200°C environ) dans des huiles végétales ou des diluants pétroliers.

 

-       Des additifs (ou matières de charges) :

 

·         Ce sont généralement des cires (Polyéthylène PE ou du Polytétrafluoroéthylène PTFE ) pour donner à l’encre, sa brillance, mais aussi modifier ses propriétés mécaniques par exemple en diminuant ses frottements sur le support au moment de l’écriture (donc à faciliter le glissement) ou encore à augmenter l’adhérence de l’encre sur le support après séchage ; elles peuvent aussi protéger l'encre vis-à-vis de l'abrasion ou du frottement.

·         Il peut aussi y avoir des siccatifs (permettant à l’encre de sécher) tels que des sels de lithium, de strontium, de zirconium, de manganèse voire de cobalt (pour les papiers couchés exigeant un séchage rapide) mais ces derniers sont de moins en moins utilisés.

·         Des photo-initiateurs : Les encres grasses d’imprimerie sont celles dont le liant contient des huiles végétales. Au contact du dioxygène de l’air, il se produit une polymérisation qui est accélérée si l’on ajoute dans le milieu des initiateurs de polymérisation.

·         Des anti-oxydants que l'on place en surface dans le réservoir et qui évitent la formation d'une pellicule au contact de l'air, lorsque l'encre ne sert pas. Ces oxydants s'évaporent rapidement quand l'encre est déposée sur le support, ou sont adsorbées par ce support et ne retardent pas le séchage de l'encre. Ce sont des oximes (par exemple la méthyléthylcétoxime),des phénols (comme par exemple l'hydroquinone) ou des phénols substitués (BHT) ou encore des amines aromatiques (BDEA) (voir annexe 12).

·         Des fongicides.

·         Des épaississants (carbonate de sodium, hydroxyde de baryum….)

·         Des antiseptiques (borax, thymol, acide salicylique, acide borique)

·         Des aromatisants pour enlever l’odeur désagréable de certaines encres (terpinéol, essence de musc…).

 

L’imprimerie – Ses encres :

L’imprimerie est un gros utilisateur d’encres. Les techniques utilisées sont diverses et ne nécessitent pas toutes le même type d’encre. Parmi ces techniques on distingue :

 

-       L’héliogravure : L’encre liquide est retenue par des creux plus ou moins profonds qui ont été gravés dans un cylindre en cuivre ; elle est déposée sur le papier lorsque celui-ci vient au contact du cylindre. Plus les creux sont profonds et plus le ton rendu par le papier est foncé. Cette technique est utilisée pour l’impression de magazines, de catalogues, pour les publicités…

 

-       La flexographie : Technique ancienne (1890) utilisant aussi de l’encre liquide ; c’est une impression en relief à partir de formes souples en élastomères, utilisée pour les sacs d’emballage, les emballages en carton, les journaux.

 

-       La typographie : Des lettres indépendantes en relief sont assemblées pour former un texte ; on peut y ajouter des clichés en relief. Une encre grasse est placée sur les reliefs et le papier vient s’appuyer sur la forme. On utilise la typographie pour imprimer des cartes de visite ou dans des éditions d’art. Ce procédé d’imprimerie imaginé par les chinois au XIème siécle a été mis au point vers 1440 par Johannes Gensfleisch dit Gutenberg.

 

-       L’offset : Technique datant de 1903 ; c’est la plus utilisée actuellement.

Son principe : une plaque en aluminium ne comportant aucun relief ni aucun creux est fixée à la surface d’un cylindre rotatif ; elle a été impressionnée par un procédé photographique. De l’eau est envoyée sur le cylindre, elle ne mouille que les parties de la plaque qui ne constituent pas l’image. L’encre grasse dont on enduit ensuite le cylindre est repoussée par l’eau et ne se fixe que sur les parties constituant l’image. Un deuxième cylindre (blanchet) solidaire d’une plaque en caoutchouc s’appuie sur le premier et reçoit donc l’encre constituant l’image. C’est contre ce deuxième cylindre que le papier vient s’appuyer.

Dans un procédé plus récent, dit « waterless », la plaque n’est pas enduite d’eau mais de silicone.

On utilise l’offset pour imprimer des livres, des affiches, des magazines….

 

La composition d’une encre dite « quickset » et utilisée sur les machines offset à feuilles est la suivante :

·         Colorants : Pigments 10 à 30%

·         Liant :

Résines dures (dérivés de la colophane ou acide abiétique) 5 à 50%.

Résines alkydes 0 à 15% (On estérifie la fonction alcool secondaire du glycérol par un acide gras provenant d'une huile végétale et les deux fonctions alcool primaire par de l'anhydride phtalique. La polymérisation de cet ensemble conduit à ce qu'on appelle une résine alkyde). Le séchage plus ou moins rapide des encres est assujetti à la nature plus ou moins siccative de l'huile dont l'acide gras est issu. L’annexe 4 donne un exemple de résine alkyde formée à partir du glycérol, de l'anhydride phtalique et de l'acide linolénique.

Distillats pétroliers ou huiles végétales 30 à 70%.

·         Additifs 0 à 15% : des cires, des agents modifiant les propriétés rhéologiques de l’encre (c'est-à-dire la façon dont elle s’écoule et parmi ces propriétés il y a la viscosité), des émulsifiants, des séquestrants, des silicones augmentant la résistance à l’abrasion et donc diminuant les risques de rayure…

Si la machine offset est destinée à imprimer du papier en bobines, on utilise de l’encre dite « heatset » ; sa composition est légèrement différente pour tenir compte du mode de séchage (air chaud à 130°C) et de la nature du support.

 

Comment se fait le séchage de telles encres ?

·         Si le support est absorbant, les distillats pétroliers s’infiltrent par capillarité, les résines dures se déposent et les huiles végétales insaturées éventuellement présentes, se polymérisent par oxydation à l’air.

·         Si le support est peu absorbant comme c’est le cas par exemple pour le papier couché, les distillats pétroliers ne peuvent pas s’infiltrer et le séchage se fait par polymérisation des huiles par oxydation à l’air.

La composition des encres destinées à un support absorbant va privilégier les distillats pétroliers par rapport aux huiles végétales et c’est le contraire pour les supports qui absorbent peu.

 

Dans un souci de réduire l’émission de COV (composés organiques volatils) des encres pour machine offset, dites encres UV, ont été mises au point. Elles contiennent essentiellement :

·         Un pigment,

·         des prépolymères (Ce sont des molécules qui contiennent des insaturations et qui ne sont pas totalement polymérisées, résines acrylate/méthacrylate ou des résines polyesters insaturées), des monomères et des oligomères.

·         Des photo-amorceurs (générateurs de radicaux) comme la benzophénone.

Le séchage se fait par insolation par des UV qui fournissent l’énergie nécessaire à la polymérisation radicalaire. Il se forme un film dur en surface.

Il n’y a aucun solvant pétrolier, aucune odeur et le séchage est rapide. Les pigments de cette encre doivent résister aux UV, ce qui n’est pas le cas dans les encres quickset ou heatset.

 

L’impression numérique : Les imprimantes à jet d’encre 

Les encres des imprimantes de bureau sont en général à base d’eau, le séchage se faisant par pénétration de l’eau dans le support (papier, carton…..) ; on ne peut, à cause de l’usage en discontinu de ces machines, mettre de liant filmogène car il risquerait en séchant, quand la machine ne fonctionne pas, de boucher les buses des têtes d’impression.

Des teintures acides sont communément utilisées (voir annexe 13) et on y adjoint une série de glycols qui permettent une meilleure pénétration dans le support en améliorant les effets de surface (diminution de la tension superficielle).

Les encres des imprimantes industrielles sont, elles, à base de solvants, dont le plus courant est la butanone (ou méthyl éthyl cétone) ; cela permet un séchage beaucoup plus rapide. Ces encres étant utilisées en continu on peut utiliser des liants tels que la nitrocellulose fréquemment présente, mais aussi des monomères acryliques, des résines vinyliques, des résines phénoliques qui donnent à l’encre des propriétés particulières et qui permettent de larges gammes d’applications.

Des encres avec pigments arrivent à présent sur le marché ; les pigments leur donnent une meilleure résistance à la lumière ce qui est nécessaire notamment dans l’impression des photos. Les pigments utilisés le plus souvent sont le carbon black 7, le rouge 122, le jaune 13 ou 83 (voir annexe 7) et le cyan 15 :1 (voir annexe 2). La dispersion des pigments dans le liant est difficile.

 

Stylos à bille, à plume ; marqueurs :

Les encres pour stylos à bille sont des solutions semi-grasses de colorants et de résines (utilisées comme liant et destinées à parfaire la viscosité), dans du 2-phénoxyéthanol et/ou de l’alcool benzylique (voir annexe 8) ou des solvants analogues. Les colorants, généralement des noirs d’aniline ou d’autres colorants à base d’aniline (nigrosines), sont dissous à chaud et les pâtes obtenues sont filtrées ou centrifugées. Les concentrations de colorants sont de l’ordre de 10 à 20%. On ajoute des anti-siccatifs (glycérol, vaseline, huile de lin, cires) pour éviter à l’encre de sécher à l’air.

Les encres pour stylos à plume, feutres et systèmes « roller ball » sont des encres aqueuses ; on dissout 3 à 5% de colorant (noir d’aniline ou autres colorants d’aniline : nigrosine B) dans des mélanges eau-glycol. Après filtration elles sont placées dans les cartouches ou réservoirs. Il n’y a pas de liant.

Les encres des marqueurs permanents (et des marqueurs pour rétroprojection) contiennent des liants pour permettre une bonne adhérence sur les plastiques et substrats métalliques.

 

Remarque 1 : Il existe des encres gels destinées à l’écriture manuelle ; elles offrent beaucoup d’avantage par rapport aux encres classiques ; elles sont sous forme de gel quand le stylo est au repos et deviennent liquides lorsqu’arrivant au contact de la bille elles sont soumises à une contrainte de cisaillement, puis redeviennent gel au repos (thixotropie). Ce comportement rhéologique est appelé rhéofluidifiance et pour l’obtenir il faut choisir avec soin le solvant et l’additif gélifiant et les mélanger dans de bonnes proportions. L’annexe 11 donne un exemple de composition de l’une de ces encres gels. Les cartouches d’encre gel sont scellées et l’encre à l’intérieur est pressurisée ce qui évite les phénomènes de capillarité et les phénomènes de rupture de la colonne d’encre. Les qualités de cette encre sont sa douceur et sa résistance à l’eau et à la lumière.

Remarque 2 :

Bien qu’on ne puisse assimiler un crayon de couleur à une encre, il nous semble intéressant d’indiquer comment on le fabrique : des pigments sont dispersés dans du kaolin et des additifs ; on confectionne à partir de cette charge colorée une mine que l’on incorpore ensuite dans le bois.

 

L’encre de Chine :

L’encre de Chine est très ancienne. Elle aurait son origine en Chine pour les européens, en Inde pour les anglophones qui l’appellent « l’encre indienne ». Son existence est attestée dès le troisième millénaire av. J.-C., tant en Extrême-Orient qu'en Egypte.

Sa composition a été très variable selon les époques et les lieux ; il semble cependant que le pigment constitué de noir de fumée (résidu carboné obtenu par la combustion incomplète de diverses matières organiques riches en carbone, puis calciné à l’abri de l’air pour supprimer les parties huileuses ou résineuses) soit le constituant commun à toutes ces encres. Ce pigment (Plus la poudre est fine, plus l'encre est de bonne qualité) est mis en suspension dans de l’eau additionnée de gomme arabique (à l’origine) ou de colle (encres actuelles) ; à partir du XXème siècle, l'adjonction d'un mordant, destiné à empêcher que l'encre ne s'efface, se généralise. On y ajoute aujourd’hui divers additifs destinés à améliorer sa viscosité (en vue d’une utilisation dans des stylos ou des plumes à réservoir) ainsi que sa brillance.

Le bâton d’encre est obtenu à partir d’une encre de Chine que l’on a fait sécher ; il est utilisé en dessin ou en peinture. Il permet la préparation de l’encre au moment de son utilisation. Le bâton est frotté sur une pierre à encre (pierre naturelle creusée ou polie) contenant un peu d’eau. La quantité d’eau détermine l’intensité de l’encre souhaitée.

L’encre de Chine est utilisée, de nos jours, moins pour l’écriture que pour le dessin (dessins au lavis, avec de l’encre plus ou moins diluée) ou la peinture.

Le carbone n'étant soluble dans aucun solvant on peut dire que l'encre de Chine est indélébile.

 

Quelques encres particulières :

·         Les encres en poudre : Désignées couramment par le terme « Toner » et utilisées dans les photocopieurs et les imprimantes dites Laser. Il s’agit d’une poudre constituée de résines, mélangées à du carbone très finement divisé. Par action combinée d’une tension électrique et de la lumière traversant l’image à reproduire, que l’on applique à une feuille de semi-conducteur (sélénium par exemple) enroulée sur un tambour, la poudre va se fixer sur celui-ci en reproduisant l’image. Au contact de ce cylindre la feuille de papier va recevoir cette poudre. La feuille est ensuite chauffée et comprimée.

·         Les encres solides : Utilisées dans certaines imprimantes numériques. Le pigment organique est dispersé dans une résine. Cette résine chauffée est appliquée par la tête d’impression sur un cylindre de transfert (chauffé lui aussi) portant une mince couche d’huile de silicone ; la feuille de papier chaude pressée contre le cylindre reçoit la résine en fusion portant le pigment. La feuille est rapidement refroidie. La résine et son pigment se figent.

·         Les encres sympathiques : Ce sont des encres invisibles que l’on peut révéler quand on le souhaite. Différentes techniques sont employées. Parmi les moyens simples on peut citer l’écriture avec du jus de citron que l’on pourra révéler en plaçant la feuille au dessus de la flamme d’une bougie.

·         L’encre de seiche :

L’encre de seiche (en grec ancien sepia) contenue dans une poche particulière aux céphalopodes, renferme, outre la mélanine un pigment foncé libéré par les mélanosomes (organites secrétés par des cellules de grande taille, les mélanocytes), de l’alanine, de la leucine, de l’acide aspartique, de l’acide glutamique, de l’hydroxyproline, de la glycine bétaïne, de l’homarine et de la taurine (voir annexe 5).

La synthèse de la mélanine ayant lieu à partir de la tyrosine via la dopa (grâce à la tyrosinase) et la dopaquinone (voir annexe 6), il n’est pas surprenant de trouver aussi tous ces composés dans l’encre de seiche. On trouve enfin également un peu de TMAO (oxyde de triméthylamine).

Cette encre très foncée lorsqu’elle sort de la poche de la seiche, pâlit avec le temps pour donner un brun clair. Elle est utilisée en dessin (dessin à la sépia) soit directement, soit légèrement diluée. On peut aussi laisser sécher le liquide sortant de la poche, pour récupérer le pigment solide que l’on doit dissoudre dans l’eau au moment de l’utilisation. Certains ajoutent un peu de gomme arabique à cette préparation.

Il existe aussi de « l’encre sépia » qui n’a rien à voir avec l’animal et qui est fabriquée à partir de noix de galle de chêne broyées, placées dans l’eau, bouillies puis filtrées. La teinte de cette encre peut se rapprocher beaucoup de celle obtenue à partir de l’encre de seiche.

Le suc desséché retiré du tronc du pistachier de l'Atlas (Pistacia atlantica Desf.) est utilisé comme encre sous le nom de smaq (ou samaq ou samacq).

Avec les fruits du lentisque (Pistacia lentiscus un arbuste courant au Maroc) et un peu d'alun (KAl(SO4)2.12 H2O) on prépare une encre indélébile qui sert à écrire mais aussi à décorer les poteries du Rif.

Les encres et la sécurité alimentaire : (voir annexe 10)

Pour marquer les carcasses de viandes lors des contrôles vétérinaires dans les abattoirs ou les parties non comestibles des fromages, la croûte par exemple, on utilise des encres rouges, brunes ou bleues. Ces encres sont des solutions hydro-alcooliques de colorants, le rouge allura AC désigné par le code E129, le brun alimentaire 3 (code E 155), le bleu brillant FCF (code E133) ou le bleu patenté V (code E 131) (voir annexe 9). Les encres brunes ou rouges sont réservées à l’estampillage des viandes, déclarées bonnes à la consommation, par les services vétérinaires et au tampon apposé par l’abattoir ; on badigeonne les viandes reconnues impropres à la consommation d’encre bleue.

 

Les encres ferrogalliques et le papier :

Les encres qui ont été utilisées au Moyen- Âge (et bien plus tard également) et dont nous avons donné la composition s’appellent des encres ferrogalliques (si l’additif ajouté était du sulfate de fer ; de façon générale on parle d’encres métallogalliques) ; elles peuvent avoir un effet néfaste sur le papier et cela pour deux raisons :

-       Elles sont tout d’abord très acides (pH compris entre 2 et 3), ce qui engendre des mécanismes d’hydrolyse acide de la cellulose (la cellulose pure a un pH de 5 ; l’acidité est l’un des ennemis majeurs de la conservation du papier).

-       Le ions fer (II ou III) jouent le rôle de catalyseurs dans les mécanismes d’oxydation de la cellulose et accélèrent donc la dégradation du papier notamment si celui-ci est exposé à la chaleur et à l’humidité.

Remarque :

Certains écrits pour lesquels des encres ferrogalliques ont été utilisés et qui ont perdu leur couleur, les rendant illisibles avec le temps, ont pu être récupérés par action d’ hexacyanoferrate (II) de tétrapotassium (ou ferrocyanure de potassium) K4[Fe(CN)6]. En effet en milieu aqueux se produit la réaction entre les ions Fe2+ et les ions [Fe(CN)6]4- conduisant au composé [Fe(CN)6]FeK2  blanc qui s’oxyde rapidement à l’air en Fe4[Fe(CN)6]3 appelé bleu de prusse. La couleur bleue, intense, qui n’apparaît qu’aux endroits où il y a des ions Fe2+ donc là où il y a de l’encre, permet à nouveau la lecture du document.

On peut aussi soumettre la feuille à l’action du sulfure d’hydrogène en milieu acide qui donnera par réaction avec les ions fer(II) du sulfure de fer(II), FeS de couleur noire.


Annexe 1 :

 

Acid black 1

ACIDBLACK1.gif

Nigrosine B ou acid black 2

 

ACIDBLACK2.gif

Nigrosine ou solvent black 5

SOLVENTBLACK5.gif


Annexe 2

Phtalocyanine de cuivre (II), pigment bleu ou cyan 15 :1.

PHTALOCYANINE.gif


Annexe 3 :

 

Pigment rouge 170

ROUGE170.gif

Pigment rouge 57-1

ou

Lithol rubine BK

LITHOLRUBINE.gif

Pigment jaune 12

YELLOW12.gif

 


Annexe 4 : Résine alkyde formée à partir du glycérol, de l'anhydride phtalique et de l'acide linolénique.

 

ALKYDE.gif

ALKYDE.gif


Annexe 5 :

 

Alanine

 

ALANINE2.gif

Leucine

Leucine.gif

Acide aspartique

 

ASPARTIQUE.gif

Acide glutamique

 

GLUTAMIQUE

Hydroxyproline

HYDROXYPROLINE.gif

Glycinebétaïne

 

GLYCINEBETAINE

Homarine

 

HOMARINE

Taurine

 

 

TAURINE

 


Annexe 6

MELANINE.gif

Un fragment d'eumélanine :

EUMELANINE4


Annexe 7

 

Pigment

Jaune 13

JAUNE131

Pigment

Jaune 83

JAUNE 83.gif

Pigment

Rouge 122

ROUGE122.gif


Annexe 8

 

Alcool benzylique

IMAGE21.gif

2-Phénoxyéthanol

2PHENOXYETHANOL.gif

 

 

 

 

 

 

Annexe 9

 

Rouge allura AC

ou

rouge alimentaire 17

E129

E129.gif

Brun alimentaire 3

E 155

BRUNE155.gif

Bleu brillant FCF

ou

Bleu xylène VSG

ou

Erioglaucine

E 133

BLEUBRILLANT.gif

Bleu patenté V

E 131

E131.gif


Annexe 10 :

 

Un petit extrait de la réglementation en vigueur pour les matériaux susceptibles d’entrer en contact avec les aliments :

Encres et vernis pour l’impression des emballages destinés à un contact alimentaire

Selon la réglementation en vigueur, les matériaux et objets au contact des denrées alimentaires doivent être inertes à l’égard de celles-ci. En particulier, ils ne doivent pas céder à ces denrées, dans les conditions normales ou prévisibles de leur emploi, des constituants dans une quantité susceptible de présenter un danger pour la santé ou d’entraîner une modification inacceptable de leur composition ou une altération de leurs caractères organoleptiques. L’encre, même protégée par un enduit ou un vernis, constitue une partie du matériau ou de l’objet et doit être conforme aux exigences de cette réglementation transcrite en droit français par le décret n° 92-631 du 8 juillet 1992.

……

 

Dénomination

N° CAS

Limite de migration

dans la denrée alimentaire

homogénéisée ou ses simulateurs

Acétate de butan-2-yle (= acétate d’isobutyle)

110-19-0

1 mg/kg

 

 Acétate de n-butyle

123-86

1 mg/kg

Butan-1-ol (=alcool-n-butylique)

71-36-3

1 mg/kg

Butan-2-ol (= alcool sec. butylique)....

78-92-2

1 mg/kg

Butan-2-one (= méthyléthylcétone)

78-93-3

5 mg/kg

Cyclohexane contenant moins de 0,1% (en masse) de benzène

110-82-7

1 mg/kg

…….

…….

……..

 

Critères de pureté des matières colorantes

 

Contaminants minéraux :

La teneur en métaux et en non métaux solubles dans l'acide chlorhydrique 0,1 mol.L-1 déterminée en pourcentage du colorant ne doit pas dépasser les valeurs suivantes:

Antimoine: 0,05 % ; Arsenic: 0,01% ; Baryum: 0,05 % ; Cadmium: 0,01 % ; Chrome: 0,1% ; Plomb: 0,01 % ; Mercure: 0,005 % ; Sélénium: 0,01%.

Amines aromatiques:

La teneur en amines aromatiques primaires non sulfonées solubles dans l'acide chlorhydrique 1 mol.L-1 et exprimée en aniline ne doit pas dépasser 0,05 %.

La teneur en benzidine, en ,β-naphtylamine et en amino-4- biphényle, pris isolément ou ensemble, ne doit pas dépasser 10 mg/kg.

Biphényles polychlorés (PCB):

La teneur en biphényles polychlorés extractibles, exprimée en décachlorobiphényle, ne doit pas dépasser 25 mg/kg.

Noir de carbone:

Le noir de carbone ne doit pas contenir une fraction extractible par le toluène supérieure à 0,15 %, la teneur en benzo-3,4-pyrène doit être inférieure ou égale à 30 J.Lg/kg.


Annexe 11 :

 

·         Composition d’une encre gel aqueuse blanche

 

Composé

% en masse

Rôle

Eau désionisée

55,6%

Solvant

Glycérine

15%

Solvant

Résine acrylique

M = 100000 g.mol-1

2%

Filmogène

Oxyde de titane

25%

Pigment blanc

Triéthanolamine

1%

Additif (base)

Alkylphosphates

0,8

Additifs (dispersant)

Gomme Xanthane

0,6%

Additif (agent épaississant)

               

·         Composition d’une encre gel noire

 

Composé

% en masse

Rôle

Butyrolactone

21,36%

Solvant

Propylène glycol

18,9%

Solvant

Glycérine

9,7%

Solvant

Eau distillée

5,8%

Solvant

Acide stéarique

3,92%

Solvant

Résine acrylique

1,94%

Filmogène (polyéléctrolyte gélifiant)

Cyan blue BNF 55-3750

3,92%

Pigment

Spirit blue B.O. base THN

16,50%

Colorant

Calco methyl violet base

5,8%

Colorant

Victoria blue B.O. base

3,92%

Colorant

Polyvinyle pyrrolidone K 30

2,92%

Additif (tension-actif, dispersant)

Polyglycol P 1200

1,94%

Additif (agent thixotropant*)

Cab-o-Sil M5 (obtenu par hydrolyse de chlorosilanes)

1,94%

Additif (agent thixotropant*)

Di-o-tolylguanadine

0,97%

Additif (ajusteur de pH)

Triton –X100

0,47%

Additif (tension-actif, dispersant)

* la thixotropie est la transformation en sols (dispersion colloïdale de particules dans un liquide) de certains gels très visqueux, lorsqu’on les agite, mais qui reprennent leur viscosité première après repos.


Annexe 12

 

Méthyléthylcétoxime

ou

Butan-2-one oxime

METHYLETHYLOXIME.gif

BHT

ou

Dibutyl tertiaire paracrésol

BHT.gif

BDEA

N-butyléthanolamine

BDEA.gif

Hydroquinone

HYDROQUINONE.gif


Annexe 13

Des colorants acides

 

BLEUTECTILON6G.gif

 

 

 

Bleu Tectilon 6G

CI acid blue 258

 

JAUNETECTILON2G.gif

Jaune Tectilon 2G

CI acid yellow 169

ROUGETECTILON4B.gif

 

 

 

Rouge Tectilon 4B

CI acid red 42

CYANFUJI.gif

Cyan Fuji

 

 

JAUNEIMPRIMERIE

 

 

Jaune Ilford

 

 

 

MAGENTAVECIA.gif

 

 

 

 

 

 

 

Magenta d'Avecia


Annexe 14

Une recette d'encre des années 1790-1800

M. André Margarit me fait parvenir cette recette (qu'il en soit remercié) avec le commentaire suivant :

"Dans un document très ancien 1790 / 1800, un notaire donnait ses recettes pour fabriquer l’encre. L’écriture n’a pas pâli, il savait que les documents ne devaient pas disparaître au cours des ans.

J’ai copié le texte en conservant l’orthographe de l’époque."

 

Pour fabriquer de l’ancre :

-          4 onces galle, 3 livres bon vin rouge, 1once gomme arabique, 1 once allun, 1 once couperose, 2 onces sucre candy si on veut la faire luisante. Faire bouillir le tout ensemble dans un pot neuf de terre à petit feu, jusqu’à réduction par moitié, les 2 onces sucre candy ne doivent y être ajoutées que 4 jours après.

-          Ou : 5 onces 5 gros sucre candi, 5 onces 5 gros noix de galle, 1 once et un quart d’once gomme arabique, 4 onces et trois quarts d’once de couperose verte, demi-gros de vitriol bleu.

Il faut mettre ces drogues dans une bouteille de 3 pintes avec de l’eau de pluie chaude, sans être bouillante. La bouteille sera bouchée au moment même et vous pourrez vous en servir au bout de 3 jours, ayant de secouer la bouteille de temps en temps. Les drogues doivent être pilées et mêlées ensemble. On peut utiliser comme solvant de l’eau commune, bière, vin blanc ou vinaigre 4 bouteilles.

Les drogues :

Alun : sulfate double de potassium et d’aluminium

Couperose verte : sulfate de fer

Vitriol bleu : sulfate de cuivre

Gomme arabique : origine l’acacia

Galle du chêne : riche en tanin

Précisons que l’once pèse de 25 à 34 grammes selon le lieu (Rodez ou Paris).

Ne pas oublier la plume d’oie bien taillée, et la poudre qu’on répand pour sécher une page terminée.

Ecrits anciens rassemblés par Mme Madeleine CAPUS - Institutrice à la retraite – Bournazel en Rouergue ; ouvrage réédité par M. Sébastien UHRIG